mayen [majɛ̃] 🔊 n. m.
![]() 1.◆ Pâturage ou pré d’altitude moyenne (entre la plaine et les alpages*) où les troupeaux séjournent au printemps et en automne et sur lesquels ont été édifiés
des bâtiments rudimentaires (v. ci-dessous 2). Monter, aller aux mayens. Redescendre des mayens. Posséder un mayen. Le propriétaire
d’un mayen. ⇒ alpage ; alpe 2 ; montagne.
1 « Les mayens [en italique dans le texte] ce sont nos prés bénis dans des clairières enveloppées de forêts, dernière étape
de notre ascension avant l’alpage*. Ces paysans nomades, au fur et à mesure que l’année mûrit, montent des terres basses
vers les villages, courent de la vigne vers les névés. Fin mai, début de juin, quand
l’herbe devient foin aux altitudes médianes, ils poussent leurs troupeaux vers les
hauts. » M. Zermatten, Les Sèves d’enfance, 1968, p. 71.
2 « Où déceler les causes de la stagnation économique, et des conflits sociaux qui, de
1815 à 1848, perturbèrent le Valais ? On imagine difficilement un paysan conchard* ou viégeois*, jalouser son pareil sédunois* ou hérensard*, qu’il rencontrait du reste rarement et dont il ne causait pas la langue. Et cet
Entremontant*, d’un nomadisme se déroulant du village au mayen ; du mayen aux coteaux de Fully, qu’avec patience et ténacité, il défrichait et convertissait
en vignes, ne troublait certes pas les insomnies de ses nuits […]. » V. Darbellay et al., Liddes, 1976, p. 49-50.
3 « Autrefois, il y avait le paysan, l’écurie* près de sa cave, ses prairies près de ses vignes, son jardin près de sa maison et
plus haut, les mayens, les forêts et plus haut encore, les alpages* à fromages. Il se déplaçait à tous les étages de ce vaste pays, sac au dos, pain,
fromage et baril, sur son territoire à lui. Sans hâte, passant de la vigne au mayen, entre fatigue et repos, de la chaleur des canicules à la fraîcheur, à l’ombre des
sapins et tout le long des bisses*. » J. Follonier et al., Vins du Valais, 1977, p. 71.
4 « Et y avait les mayens de printemps et les mayens d’automne, tu as pas connu ça, toi Bertrand ; non, non, quand tu étais petit, ç’avait
déjà changé. Du temps de papa, i’restaient beaucoup plus longtemps au mayen, i’passaient presque plus de temps au mayen qu’à la maison ! Au printemps, avant de mettre le bétail à la montagne*, on restait un bon mois avec les vaches ; là-haut qu’on était bien, au frais, sous
les sapins ! Et en automne, quand les vaches redescendaient de l’alpage*, c’était la même chose. Ah ! ces mayens, ça c’était du bon temps ; tu t’en souviens, Célestine ?… » G. Clavien, Châtaignerouge, 1977, p. 253.
5 « Au printemps, c’était différent. L’école, on n’en parlait plus ! Vers le 15 mai, le
village se vidait. Il allait aux mayens pour un mois et demi, deux mois. Les découvertes que j’ai faites là-haut m’ont marqué
pour la vie. Quand j’ai eu mes quinze ans, c’était tout à fait fini. Je n’y suis plus
retournée. Le départ pour les mayens, en mai, était un spectacle extraordinaire. » M. Métrailler, La Poudre de sourire, 1980, p. 140
6 « Tous les mayens du canton* n’ont pourtant pas été mangés par le tourisme. De grandes étendues de prairies, pâturages
et forêts subsistent au fond des vallées, parsemées de raccards* ou de granges-écuries* dont beaucoup tombent en ruine. Beaucoup de Valaisans possèdent leur mayen ; les habitants de Grimisuat, dans le vallon de Réchy, ceux de Brigue, dans la vallée
de Conches. Mais le recul de l’agriculture entraîne une désertification de ces régions.
Les mayens ont perdu leur vocation pastorale. » Le Nouveau Quotidien, 18 janvier 1994, p. 8.
2.◆ (par métonymie) Bâtiment rudimentaire édifié sur ces pâturages (v. ci-dessus 1), servant tout à la
fois d’habitation estivale, d’étable, de grange et de laiterie et présentant l’avantage
d’être plus près des alpages* que la résidence principale, au village.
★ Avec le recul de l’agriculture, l’évolution des modes de vie, ainsi que l’amélioration
des chemins carrossables reliant les villages à la montagne, plusieurs mayens sont
de nos jours plus ou moins abandonnés ; certains sont rénovés et aménagés en résidence
secondaire à vocation touristique. Un petit village de mayens. Un mayen de mélèze. Un mayen isolé. Mayen entretenu, habité,
abandonné. Mayen à louer. La chambre* du mayen, la pièce d’habitation. ⇒ cabane ; chalet ; mazot ; raccard.
7 « Le “mayen”, c’était un peu le chalet* d’aujourd’hui, mais en beaucoup plus rudimentaire. Le nôtre avait une cuisine légèrement
surélevée, avec un plancher et deux petites chambres en bois dans lesquelles nous
dormions à quatre ou cinq, les plus grands se faisant un lit dans le foin, à la grange.
Mais dans mon enfance, la plupart des “mayens” n’avaient pratiquement pas de chambres, ou une seule qui se confondait avec un coin
de la grange ; le sol de la cuisine y était en terre battue. » G. Clavien, Les Moineaux de l’Arvèche, 1974 (1re éd. 1962), p. 114.
8 « Le temps passe et je me dis encore qu’elle ne sait pas que notre vieille chienne est
morte […]. Ni qu’un petit mayen, grange-écurie*, est transformé en chalet* pour nos enfants […]. » C. Bille, Le Bal Double, 1980, p. 155.
9 « Un jour, elle alla avec eux voir de près le mayen de Fabienne et Guérin ; pareil à tous les autres, il n’avait qu’une, deux ou trois
fenêtres […]. Intégrant une grange et une écurie*, comme tous ici, il avait aussi sa galerie couverte, dans l’ombre la table et le
banc. La porte parfois divisée en deux sert de fenêtre. » C. Bille, Forêts obscures, 1989, p. 120.
10 « Madriers brunis par le soleil, toits de bardeaux. Pour le Valaisan, les mayens ne sont pas seulement ces pittoresques bâtisses disséminées dans la montagne. Ils
sont aussi un rappel de leur origine, le témoin d’un mode de vie pas si ancestral
basé sur la transhumance. » Le Nouveau Quotidien, 18 janvier 1994, p. 8.
◇ (au plur., avec valeur de micro-toponyme) Les mayens, l’agglomération de mayens. Des veillées aux mayens. Un incendie aux mayens.
Localisation. 〈Canton du Valais〉 ; connu dans le reste de la Suisse romande, mais en référence au Valais.
Commentaire. Premières attestations : d’abord dans un nom propre, vers 1250 (Petrus dol Mayench ; v. MDR XXIX, t. I, p. 456), puis comme appellatif en 1304, dans un texte en latin
médiéval (v. MDR XXXI, t. III, p. 87 [maeyns], 89 [mayens], 90 [maeyns, maeyens]). À l’époque contemporaine, le mot n’est vraiment bien attesté qu’à partir de 1812,
sous la forme mayen (« belles montagnes* printannières ou Mayens pour y mettre les vaches au printemps » H. Schiner, Desc. Dpt du Simplon, p. 475). Reflet d’un dér. de lat. maius “mai” (suff. -inc-), bien représenté dans les patois valaisans ; aussi connu dans le français de la
Vallée d’Aoste et dans un point savoyard (Vallorcine). Correspond à l’all. de Suisse Maiensäss n. n., et au tessinois maggenghi n. m. pl. (BGPSR).
Bibliographie. LittréSuppl 1877 ; BGPSR 7 (1908), 27-30 ; FEW 6, I, 62a, maius I 1 d δ ; MüllerMarécottes 1961, p. 45, 53 ; Lar 1963 ; GLLF 1975 ; SchüleListeLar 1978 ;
Lar 1979 ; TuaillonSurv p. 21 (correspond en Savoie à montagnette) ; PLi depuis 1980 ; MartinAost 1984 ; TLF ; GR 1985 ; DudenSchweiz 1989 ; BessatGMtBl 1991 ; Lengert
1994 ; OffScrabble 1995 ; GR 2001.
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