tavillon n. m. (exceptionnellement tavaillon)
![]() ◆ Petite tuile en mélèze, plus fine et plus mince que les bardeaux ordinaires, traditionnellement
utilisée comme revêtement étanche, robuste et résistant pour les toitures et les façades
de plusieurs types d’habitations montagnardes. De vieux tavillons gris. Un toit de tavillons. Des cabanes*, des chalets*, des mayens*, des fermes aux toits couverts de tavillons.
1 « Les plus vieux chalets* existants sont coiffés d’un toit en croupe [en italique dans le texte] au faîte élevé et à la pente raide, recouvert à l’origine de tavillons. » P. Hugger, Le Jura vaudois, 1975, p. 62.
2 « Son toit bas, habillé de tavillons que viennent brunir des nids de mousse, rappelle un manteau de laine, usé aux encoignures,
chaud encore, taconné* là où les bardeaux sont neufs. Morceau de tissu que l’on aurait gardé en cas d’accroc
et qui redit avec insolence, la couleur originale. » A. Layaz, Malvallée, 1976, p. 12.
3 « Nos lanternes allumées, en quelques minutes nous étions installés, ayant chacun notre
siège, une seille* renversée nous servant de table ; dans l’âtre flambait un feu pétillant de racines
de mélèze et de vieux tavillons. » Nouvelliste et Feuille d’Avis du Valais, 13 avril 1976, p. 17.
4 « Tavillons ? Bardeaux ? Quelle différence ? R. A. précise : “Tous les deux sont fendus dans le mélèze. Le bardeau est plus long, plus épais ; on
l’utilise en général pour les toitures des raccards* et des étables. Le tavillon, plus petit, est employé pour les toitures artistiques, c’est-à-dire celles des églises,
des chapelles, des maisons d’habitation. Il se dilate aux différences de température.
Pour fixer un tavillon sur une toiture, il faut le tremper dans l’eau afin qu’il ne se fende pas. Par contre,
le bardeau ne se cloue pas, il se cheville. Leur durée de conservation varie entre
quatre-vingt et cent ans.” » Nouvelliste et Feuille d’Avis du Valais, 13-14 novembre 1976, p. 21.
5 « Cette bâtisse, typiquement concharde*, est un témoin du passé et sa disparition serait regrettable. D’autant plus que l’extérieur,
encore relativement intact, rappelle cette époque où les “tavillons” étaient utilisés avec art pour la protection des façades. » Nouvelliste et Feuille d’Avis du Valais, 26-27 novembre 1977, p. 35.
6 « Je levai la tête pour contempler les chalets* au-dessus de nous. Un des raccards* sur pilotis s’était affaissé, avec des replis d’accordéon, ses madriers tous tordus
du même côté, et soudain je vis ce quartier vieux éclater, mille poutres en l’air,
tavillons retombant comme flocons noirs, dans un bruit terrible. » C. Bille, Le Bal double, 1980, p. 25.
7 « Je le revois ce chalet* plus beau qu’une tour où nous sommes arrivés, je goûte sa saveur d’arolle* et de mélèze, les frôlements et les cris des casse-noix qui survolaient son toit
de tavillons gris-mauve. » M. Chappaz, Le Livre de C, 1986, p. 61.
8 « Dans tout ce vert, les mayens* paraissaient gris comme de la pierre et pourtant leurs toits aussi étaient de bois
taillé en tavillons. » C. Bille, Forêts obscures, 1989, p. 55.
9 « Le peintre jouait en maestro à l’architecte de château, dessinant comme un alphabet
les lustres en fer forgé, opposant les orgues à l’autel-cheminée dans son atelier,
ensuite bâtisseur de chalets* de mélèze aux toits de tavillons soyeux tels des plumes d’oiseaux sous les tournoiements de la neige. » M. Chappaz, La Veillée des Vikings, 1990, p. 79.
10 « R. C. ne s’est pas permis la plus petite fantaisie qui aurait dérangé l’authenticité
de son “Tsalè” [= chalet (forme patoise)]. Les murs sont recouverts de tavillons, comme l’est le toit et sa vaste borne*. » La Liberté, 28 décembre 1990, p. 16.
11 « [titre] Le tavillon remonte la pente / Voilà quelques années, on ne donnait pas cher de l’avenir de cette
sorte de tuile en bois. Robustesse et souci de la tradition lui redonnent vie. […]
Etonnant et réel, dans toute la région aux nombreux chalets* d’alpage*, ce retour du tavillon. Chacun a vite compris que si cette petite tuile en bois est un peu plus chère – 120
francs le mètre carré, fourniture et pose comprises – elle dure plus longtemps […]. » 24 heures, suppl. “Boussole”, 20 septembre 1994, p. 8.
↪ V. encore s.v. alpe 2.
◇ (exceptionnellement) tavaillon.
12 « Ou bien je me promenais au-dessus du village dont les toits de mélèze, gris et mauves,
se pressaient sur la pente comme des ailes de ramiers. Cette ressemblance venait non
seulement de leur teinte, mais aussi de leur matière ; ces tavaillons amincis par les pluies et le soleil, légèrement effrités, striés, évoquaient la finesse
de la plume et son pouvoir d’envol : le vent qui montait de la vallée eût-il été plus
fort… » C. Bille, La Fraise noire, 1968, p. 46.
Remarques. Cf. encore les dér. tavillonner v. tr. “couvrir (un toit) de tavillons” : « Tiens ! voilà Mathieu, il va “tavillonner” chez René Laurent » A. Layaz, Malvallée, 1976, p. 48 (v. encore HumbGen 1852 ; BeauquierDoubs 1881 s.v. tavillons ; OdinBlonay 1910, p. 557b ; Pier ; CollinetPontarlier 1925 s.v. tavillons ; Pid 1983, 1984 ; DromardFrComté 1991) ; d’où tavillonneur n. m. “ouvrier qui tavillonne” : « Les jeunes sont rebutés par ce métier pénible et, surtout, l’Ofiamt [= Office fédéral
de l’industrie, des arts et métiers et du travail] reconnaît la profession de concierge,
mais pas celle de tavillonneur. Pourtant, l’Association romande des tavillonneurs (une quinzaine de membres) réalise un chiffre d’affaires annuel de 10 millions de
francs et fait vivre toute une chaîne de travailleurs, du bûcheron au transporteur. » 24 heures, suppl. “Boussole”, 20 septembre 1994, p. 8 ; « En outre, un tavillonneur donne une démonstration de son art, réactualisé depuis quelque temps. » La Presse, 22 juillet 1997, p. 16 (v. encore HumbGen 1852 ; Pier ; Pid 1983, 1984). — Comme
équiv. approximatif en français de référence, cf. essente n. f. “petite planche de bois utilisée pour faire des couvertures de maisons” GR 1985.
Commentaire. Premières attestations en SR : 1286 (tavellon, Comptes du Château de Monthey [VS], fichier GPSR) ; 1364 (tavellionibus, v. MDR 33 [1re série], p. 250) ; 1687 (tavaillon), 1758 (tavillion), 1764 (tavillon), v. Pier. D’un lat. tardif *tabellio, dér. de tabella “petite planche” (FEW). Toutes les cacologies romandes du xixe s. donnent la forme tavillon. Les deux seules attestations récentes (en Suisse) de la forme tavaillon au fichier CD (v. ci-dessus) peuvent s’expliquer de deux manières : 1° peu vraisemblablement, comme
un reflet d’une forme dialectale de VS Hérém. tavayõ (Hunziker > FEW) ; on constate cependant que les autres formes patoises romandes
citées par Wartburg présentent un ə plutôt qu’un a (v. aussi FollonierOlèïnna). Cette forme en a, complètement isolée, est en fait très douteuse, les notations phonétiques de Hunziker
étant peu fiables. 2° plus probablement, par la volonté de l’auteur ou de l’éditeur
de s’aligner sur la forme des dictionnaires ; en effet, ce régionalisme est répertorié
dans la lexicographie française depuis AcC 1842 sous la forme tavaillon. Il est vrai que cette dernière est très bien attestée en français régional de Franche-Comté, et elle a aussi été relevée dans l’Ain et en Savoie ; en SR toutefois,
c’est la forme tavillon qui domine, et elle est aussi attestée sporadiquement en Franche-Comté ainsi qu’en
Savoie (v. bibliographie ci-dessous). On notera enfin que les dictionnaires d’usage
en un volume (PLi, PR, NPR) ne donnent le mot que sous la forme tavillon, qu’ils présentent comme un helvétisme, et négligent complètement la forme franc-comtoise.
Bibliographie. DeveleyVaud 1808, n° 183 ; GaudyGen 1820, 1827 ; DeveleyVaud 1824 ; PeterCacol 1842 ;
HumbGen 1852 ; CalletVaud 1861 ; GrangFrib 1864 ; BonNeuch 1867 ; LittréSuppl 1877 ;
« tavillon ou tavaillon » BeauquierDoubs 1881 ; ConstDésSav 1902 ; OdinBlonay 1910, p. 557b ; Pier ; « tavillons, tavaillons » CollinetPontarlier 1925 ; « tàvàyõ » BoillotGrCombe 1929, p. 286 ; FEW 13, I, 10b-11a, tabella I 2 a ; BaldLyonn 1966, p. 72 ; IttCons 1970 ; « tavaillon ; dans l’est de la France » GLLF 1978 ; SchüleListeLar 1978 ; Lar 1979 ; PLi depuis 1980 ; Alpha 1982 ; PR 1984 ; GR 1985 et 2001 (où tavaillon et tavillon sont traités à tort comme deux mots indépendants, marqués resp. « techn. » et « région. », sans renvois réciproques) ; « tavaillon » DurafHJura 1986 ; « tavaillon » GuichSavoy 1986 ; « tavillon » DromardFrComté 1991 ; « tavaillon » ColinParlComt 1992 ; TLF (où tavillon est traité en rem. s.v. tavaillon) ; « tavaillon, taveillon » DuchetSFrComté 1993 ; « tavaillon » GagnySavoie 1993 ; NPR 1993, 2000 ; Lengert 1994 ; « tavaillon » RobezMorez 1995 ; OffScrabble 1995 ; « tavaillon » FréchetAin 1998.
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