les citations
vouloir v. aux.
(Auxiliaire exprimant le futur proche, devant un verbe à l’infinitif.) Ça veut assez* aller ; ça veut déjà* aller ; ça veut jouer*. Si je mange ça, je veux tomber malade. T’en fais pas, ça veut d’abord* passer. Il veut pleuvoir, il veut neiger. On veut aller*, maintenant. Dépêche-toi, le train veut partir.
1 « […] j’y mets mon fromage, d’accord ? Ça veut déjà* aller, en brassant [en parlant de la préparation d’une fondue]. » M. North, J. Montandon, Neuchâtel à table, 1973, p. 78.
2 « On sait ce que c’est ! dit-il pour reprendre la phrase du député. Bien sûr qu’on sait ce que c’est. Mais voilà, ajouta-t-il, je crois que ça ne veut pas s’arranger. » A.-L. Chappuis, Juste avant l’orage, 1973, p. 80.
3 « Chez nous, on me disait toujours : Oh ! tu veux t’ennuyer dans le chalet* tout seul, qu’est-ce que tu veux aller te tenir à la montagne ! » P. Hugger, Le Jura vaudois, 1975, p. 236.
4 « Dis, patron, regarde voir bien, tu crois pas vraiment que ça veut faire un trop gros tas ? » IttÇà, 1975, p. 69.
5 « Veveysans, préparez-vous, parce que vous voulez avoir de la visite. » RSR I, 7 novembre 1975.
6 « Êcoutez, mesdames et messieurs ! Ça veut pas se passer comme ça ! » RSR I, 4 juin 1977.
7 « Parce qu’il croit que ça va se passer comme ça ? Et que je veux me laisser faire, comme toujours ? Ça fait dix ans que ça dure ! Dix ans que je m’use, que je m’éreinte, que je m’esquinte, que je me rends malade. » ChapuisBonfol, 1985, p. 34.
8 « La mort, ça veut quand même venir une fois [= un jour]. Mais encore dix ans comme maintenant et je serai content. » La Liberté, 15 janvier 1991.
9 « On veut vous appeler demain matin. » Témoin âgé d’env. 30 ans (NE Neuchâtel), 23 août 1993.
10 « J’ai mal estimé l’état de P.-A., je suis désolé. J’ai pensé : ça veut jouer*. » Le Matin, 28 février 1996, p. 2.
(à l’imparfait, pour exprimer une postériorité dans le passé) Je ne savais pas s’il voulait pleuvoir.
11 « Ma foi, pour Germain, ça voulait changer. Il devait bien s’y attendre. À son âge, on s’adapte plus difficilement surtout lorsqu’on est resté vingt-quatre ans dans la même place. » A.-L. Chappuis, Juste avant l’orage, 1973, p. 163.
Remarques. Très fréquent à l’oral ; plutôt rare à l’écrit, en particulier dans la littérature.
Commentaire. Première attestation (en SR) : 1653 (v. Pier). On relève quelques emplois de vouloir pour exprimer le futur immédiat en ancien et en moyen français, et encore à quelques reprises en français moderne (v. FEW), mais il serait exagéré de parler d’archaïsme pour l’usage suisse romand, qui s’intègre en fait dans une aire incluant la Franche-Comté et la Savoie, où sa fréquence particulièrement élevée se conjugue à des possibilités combinatoires très larges. Dans des emplois plus stéréotypés – cf. l’exemple classique (on dirait qu’) il veut faire beau – ou restreints dans leur fonctionnement syntaxique – cf. les nombreuses régions du domaine francoprovençal où il est limité aux contextes négatifs –, il se rencontre dans une très vaste zone incluant la Belgique, la Champagne, l’Alsace, la Franche-Comté, tout le domaine francoprovençal, l’Aquitaine et Poitou-Charentes (v. bibliographie ci-dessous et DRF). Plusieurs auteurs ont parlé d’une influence de l’allemand pour expliquer cet emploi. Cette hypothèse est à rejeter, et ce pour plusieurs raisons : l’aire concernée inclut des régions qui n’ont jamais connu le moindre contact avec l’allemand ; le substrat dialectal, dans plusieurs cas, connaît le même emploi et peut avoir joué un rôle beaucoup plus déterminant qu’un lointain adstrat germanique ; quant à l’allemand, il n’est pas superflu de rappeler que dans la grande majorité des cas, l’auxiliaire du futur dans cette langue est werden “devenir” et non wollen “vouloir” ; en outre, normalement, c’est le simple présent qui se charge de l’expression du futur proche (on n’imagine guère Schnell, der Zug will abfahren !, ni même du reste Schnell, der Zug wird abfahren !, mais bien plutôt Schnell, der Zug fährt ab !) ; or, pour exercer une influence sur une langue d’adstrat, un phénomène linguistique donné doit jouir d’une haute fréquence. Citons enfin Brunot (« plus sûrement, vouloir en ce sens est dialectal »), Remacle (« les idiomes où le futur s’exprime périphrastiquement à l’aide de “vouloir” sont si nombreux et si divers […] que la concordance doit résulter de causes naturelles ») et Wartburg (« Dass diese konstruktion in nachahmung des deutschen entstanden sei, wie behauptet worden ist, entspricht sicher nicht der wirklichkeit. Sie ist sicher in den verschiedenen sprachen […] und mundarten spontan gebildet worden. »).
Bibliographie. « en cont. interr. » MichelLorraine 1807 ; DeveleyVaud 1808, n° 224, 384 ; DeveleyVaud 1824 ; GuilleDial 1825, p. 72 ; PeterVoc 1828 ; PeterCacol 1842 ; HumbGen 1852 ; BonNeuch 1867 ; CalletVaud 1861 ; GrangFrib 1864 ; « il ne veut pas pleuvoir » PuitspeluLyon 1894 ; GdfC (« quand il veut pleuvoir » Paré) ; ConstDésSav 1902 ; Nyrop 2, p. 6, § 6, Rem. ; CarrezHJura 1906 ; Pier ; CollinetPontarlier 1925 ; « le train veut partir » BauchePop 1928 ; GougPériphr 1929, p. 88-92 ; FreiFautes 1929, p. 263-4 ; « s’emploie pour dénoter une action plus lointaine que celle exprimée par aller » BoillotGrCombe 1929, p. 300 ; DamPich 5, p. 150-151 ; Brunot 6, p. 1489 ; Pohl 1950 ; Redard 1954, p. 130 ; RemGleize 1956, t. II, p. 48-51 ; J. Pohl, FrMod 26 (1958), p. 134-135 et 29 (1961), p. 62-63 ; FEW 14, 218b, vĔlle I 2 b et n. 25, 26 (le renvoi à CAgr 1, 416 est à corriger en CAgr 1, 372b s.v. aloès) ; MeijerEnq 1962, p. 141 ; « rare ou dial. » Rob 1964 s.v. vouloir V (où l’ex. de Duhamel n’illustre pas vraiment cet emploi, et devrait être classé sous I 1, « en parlant d’une chose à laquelle on prête vie et volonté ») ; DupréEnc 1972, t. 3, p. 2692a et 2693b ; « il veut venir une roillée* ; je veux droit* vous le dire » CasaBevaix, p. 127 ; « vieilli ou régional » GLLF 1978 (ex. de Duhamel mal classé) ; Hanse 1983, 1987 ; WolfFischerAlsace 1983 ; RézeauOuest 1984 ; GononPoncins 1984 ; « régional » GR 1985 s.v. vouloir V (v. rem. Rob 1964) ; « très usuel » DurafHJura 1986 ; GuichSavoy 1986 ; GrafBern 1987 ; ChapuisMots 1988, p. 17, 20 ; « en cont. nég. ; usuel » MartinPilat 1989 ; « il veut vouloir “il voudra” » DromardFrComté 1991 ; DondaineMadProust 1991, p. 76 ; « fréquent dans le français parlé du Sud-Ouest, systématique en dialecte dans la région pyrénéenne » Boisgontier- Aquit 1991 ; ColinParlComt 1992 ; « en cont. nég. » VurpasMichelBeauj 1992 ; « en cont. nég. » MazaMariac 1992 ; « parfois » TamineChampagne 1993 ; RouffiangeAymé ; DuchetSFrComté 1993 ; « connu » VurpasLyonnais 1993 ; « en cont. nég. ; bien connu » FréchetMartVelay 1993 ; « en cont. nég. » BlancRouatVill 1993 ; « Franche-Comté, Suisse » GrevisseGoosse13, § 791 p 1° ; Lengert 1994 (où il n’est pas certain que les deux citations littéraires illustrent vraiment cet emploi) ; SkupienPurisme 1994 ; Belg 1994 ; « vieilli ou région. » TLF s.v. vouloir I B 4 ; RobezMorez 1995 s.v. veut ; SalmonLyon 1995 ; « en cont. nég. » FréchetAin 1998 ; « ça veut neiger, ça veut pleuvoir, ça veut aller mal, ou encore ça veut pas manquer » DeprazChablais 1998 ; DRF 2001.
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