papet n. m.
I.◆
1.◆ (vieilli) Bouillie à la semoule ou à la farine. Manger du papet.
1 « […] on ne supporte plus si bien ces franches et simples bâfrées où la chère était
plus abondante que raffinée. La gastronomie ne régnait pas encore dans ces démocratiques
réunions. On était reconnaissant d’avoir le ventre plein. Peu importait la manière,
semble-t-il. Et pourtant, il y avait dans les familles bourgeoises, paysannes et ouvrières,
justement une certaine manière et certaines spécialités autrement meilleures que le
rustique papet [en italique dans le texte] ancestral. » M. North, J. Montandon, Neuchâtel à table, 1973, p. 130.
I. 2.◆ papet vaudois, papet de poireaux / aux poireaux (ou porreaux*) n. m. Plat composé d’une purée de poireaux et de pommes de terre, accompagnée de variétés
régionales de saucisses cuites. Le papet est un des mets favoris des Vaudois.
2 « Nous [les Vaudois] avons besoin d’être rassurés par des plats régionaux et familiaux
qui se perpétuent de génération en génération, grâce aux vieilles recettes que le
temps a jaunies. Notre cuisine n’est pas recherchée, elle est franche, mais pas simpliste.
Il faut un tour de main pour le fameux papet de poireaux dont il existe une bonne dizaine de variantes, et que pour ma part, je mange avec
des pommes de terre et un filet de vinaigre dans les poireaux. » E. Gardaz et al., Le Vin vaudois, 1975, p. 187.
3 « On mange le papet seul ou accompagné d’une saucisse* aux choux ou d’un saucisson de Payerne qu’on fera cuire dans le papet les vingt dernières minutes. » La Femme d’aujourd’hui, 30 juillet 1977, p. 46.
4 « Au dernier moment, liez votre papet avec la farine que vous aurez préalablement délayée dans un peu d’eau tiède et écrasez
les pommes de terre avec une fourchette. » Coopération, 20 octobre 1977.
5 « Pendant que certains se restauraient au papet et à la saucisse* aux choux, d’autres ont tenté de gagner un des beaux prix offerts pour récompenser
les palais les plus perspicaces. » L’Impartial, 15 avril 1991.
6 « Fort bien… le papet aux poireaux et le saucisson vaudois font maintenant partie officiellement de la culture cantonale*. Les maîtres bouchers ont obtenu la protection de l’appellation. Un label est ainsi
créé. On pourrait faire de même pour le saucisson neuchâtelois ? » Courrier neuchâtelois, 8 novembre 1995, p. 9.
↪ V. encore s.v. porreau.
◇ (en emploi fig.) Affaire louche, qui manque de transparence, d’honnêteté ; embrouille.
7 « […] l’ignorance et le papet des déclarations de fraternité officielles […]. » Femina, 29 décembre 1976, p. 61.
8 « Conclusion provisoire de l’affaire ? Le papet électoral vaudois bout trop fort […]. » 24 heures, 19-20 mars 1994, p. 1.
II.◆ ne plus pouvoir dire « papet » loc. verb. Avoir trop mangé et trop bu ; (en particulier) être ivre. ⇒ assommée 2 ; astiquée 3 ; caisse ; crattée ; fédérale ; gonfle2 3 ; gonflée ; lugée ; maillée ; soûlon ; sur (Soleure).
9 « On mit les petits plats dans les grands, on ouvrit les meilleures bouteilles, on servit
et on resservit. Fromages, gâteaux, liqueurs, l’homme de Dieu ne pouvait plus dire papet lorsqu’on passa au salon. » J. Chessex, Portrait des Vaudois, 1969, p. 97.
10 « […] patrons, domestiques et bouèbes [= jeunes garçons ; en italique dans le texte] en avalaient à gogo jusqu’à ne plus pouvoir dire papet. » IttÇà, 1975, p. 263.
Localisation. I 1 est attesté dans 〈Canton de Vaud〉, 〈Canton de Genève〉, 〈Canton de Fribourg〉 et 〈Canton de Neuchâtel〉, en particulier dans des cacologies du xixe s., mais il est maintenant vieilli ; I 2 est bien vivant de nos jours dans 〈Canton de Vaud〉 et connu dans le reste de la 〈Suisse romande〉 comme exprimant une réalité typiquement vaudoise. II est attesté dans 〈Canton de Vaud〉, 〈Canton de Genève〉, 〈Canton de Berne (Jura Sud)〉 et 〈Canton du Jura (Jura Nord)〉 ; dans ces deux derniers cantons, papet se présente sous la forme [pɛpɛ] (orthographiée tantôt pépet, tantôt paipèt ou paipai, etc.), en contiguïté avec la Franche-Comté (v. ci-dessous).
Commentaire. Premières attestations : déb. XVIe s., papet ; 1615, pappay (v. Pier). Après un passage de plus d’un siècle dans la lexicographie française comme
terme non marqué (Est 1546 – Miege 1677, v. FEW ; il pourrait toutefois s’agir d’un
régionalisme caché), le mot s’éclipse pour réapparaître aux xixe et xxe s. dans des sources régionales (relevant tantôt du patois, tantôt du français régional)
dans le Doubs, le Haut-Jura, la Suisse romande, le Dauphiné, le Gard, l’Hérault et
Toulouse. Il s’agit d’un dér. sur une base se rattachant à la famille de lat. pappare “manger” (v. FEW). Wartburg a traité la loc. classée ci-dessus II sous un étymon onomatopéique
papp- ; quelle que soit la valeur de ce classement du point de vue diachronique, en synchronie
les deux mots ne font qu’un pour les locuteurs. En outre, la Franche-Comté connaît
une forme ([pɛpɛ], aussi attestée dans BE et JU et classée par Wartburg sous pappare comme « Reduplikation »), qui apparaît dans la même locution (v. Corbis, Doillon, Dromard). Ce parallélisme
incite à ne pas répartir les matériaux sous deux étymons. — Sur la datation de papet aux porreaux, v. Chevalley dans VoxRom 59 (2000), p. 286.
Bibliographie. GaudyGen 1820, 1827 ; HumbGen 1852 ; GrangFrib 1864 ; BonNeuch 1867 ; « “bouillie” ; ne plus pouvoir dire… » CorbisBelfort 1879 s.v. petpet ; BeauquierDoubs 1881 s.v. pépet ; BGPSR 4, p. 60 ; OdinBlonay 1910, p. 392b ; Pier ; CollinetPontarlier 1925 ; BoillotGrCombe
1929, p. 237 (pĕ̀pĕ̀) ; BiseHBroye 1939, p. 300 ; FEW 7, 582b, papp- et 584a, pappare I 2 a ; IttCons 1970 (> DFV 1972, CuenVaud 1991) ; DoillonComtois 1980 s.v. paipais ; « “gâteau traditionnel fait de pâte recouverte de flan parfumé à l’eau de fleur d’oranger” ; ne plus pouvoir dire papet » DurafHJura 1986 ; « papet, pépet » GrafBern 1987 ; « paipèt » ChapuisMots 1988 ; PLi depuis 1989 ; « paipai » HenryJur1 ; « “bouillie” ; ne plus pouvoir dire… » DromardFrComt 1991 s.v. pèpet ; « “bouillie ; gâteau” ; ne plus pouvoir dire papet » ColinParlComt 1992 ; Lengert 1994 ; “gâteau à la crème renversée” RobezMorez 1995 ; OffScrabble 1995.
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