éd. 2024 Bourbine n. m., f. ; bourbine adj.
1.◆ (péj.) (Personne) originaire de Suisse alémanique. Chez les bourbines. Envahis par les bourbines. ⇒ Allemands ; confédéré II 3 ; outre-Sarine ; rösti 2 ; Röstigraben ; Toto ; vreneli 2 ; Welsch(e).
1 « Welsch*, ça veut dire étranger avec une connotation péjorative… Et bien, on peut toujours
chercher, c’est le seul qualificatif dont les Suisses alémaniques nous gratifient,
ainsi que notre langue. Par contre chez les Romands, la liste est longue de termes
plus ou moins aimables : bourbine, staufiffre*, staubirne*, suisse toto*, keubi, etc. Qu’est-ce que cela peut-il bien vouloir signifier ? » Construire, 6 juillet 1983, p. 17.
2 « Quant à moi, il me reste à vous souhaiter, non sans émotion, de bonnes fêtes et une
excellente année 1993, surtout à H. “Kangourou” S., qu’on ne reverra pas de si tôt [sic], puisque notre bourbine de service s’est envolé pour l’Australie afin d’aller voir si les kangourous sautent
vraiment sur la queue. » Journal du Jura, 17 décembre 1992, p. 22.
3 « Du coup, le sympathique T. redevient, aux yeux de la presse lémanique, le “bourbine” qu’il n’aurait pas dû cesser d’être s’il était resté aux commandes des Young Boys
bernois. » Journal du Jura, 15 avril 1995, p. 15.
4 « Non, mais, sérieux, t’as une belle brochette de mous du genou [il est question d’une
équipe de football], pis pour les secouer, tu les trempes dans l’eau chaude. Moi,
quand je sors des bulles, j’ai les doigts tout ratatinés, pis deux de tension. J’ai
pas le goût d’aller flâner [= taper] du Bourbine. Après, bon, tu leur paies des cours de lutte. » Le Nouvelliste, 6 mai 2017, p. 2.
5 « C’est pourtant fotrre travail ! Ch’attends une amélioration des chiffrres t’ci la
fin de l’année ! Sinon, vous pouvez ouplier votre grratification ! / Boniface sort
accablé de cet entretien et poursuit sa journée sans entrain. / À l’apéro, le Riquet,
à qui il confie son désarroi, résume efficacement la situation […] / Te reste qu’à
faire une prière au Bon Dieu, qu’y te débarrasse du Bourbine. » H. Dormond, L’air de rien, 2018, p. 89.
6 « Son père était un cadre dans une grande banque de Zurich. Avant sa future promotion,
il était devenu indispensable pour lui de maîtriser correctement le français, raison
pour laquelle il avait été muté à Genève. Il avait commis une erreur : il s’était
installé à Champel, le quartier huppé à la population terriblement sélective. Markus
avait été placé dans l’école du quartier où, pour les gosses de la coterie, il n’était
qu’un bourbine [en italique dans le texte] sans intérêt. Il avait regretté ses copains zurichois avec qui il jouait aux billes,
discutait des heures, tchachait [sic] sur WhatsApp. » Jean de Blonay, Amoks, www.librinova.com, 2024, chap. 18 (version e-book à pagination variable).
↪ V. encore s.v. staubirne.
◇ (en emploi adj.) La Suisse bourbine. Un accent bourbine.
7 « Et pour bien démontrer qu’il a étudié son affaire avec toute la “bourbine” Grundlichkeit [minutie] qu’elle exige, notre conseiller national d’exiger que les
futurs assassins soient exécutés à la mitraillette, soit par des soldats (un excellent
entraînement !) soit par des volontaires à 500 francs par jour (à peu de chose près,
la paie des experts sur la question des “Mirages”. On ne se refuse plus rien, lorsqu’il s’agit de défense nationale). » Le Peuple valaisan, 26 mars 1965, p. 2.
8 « La publicité télévisuelle suisse se distingue souvent par sa stupidité délicieuse.
On rit de bon cœur de cette voix typiquement “bourbine” qui vante inlassablement depuis 30 ans la même lessive qui nettoie “encore plus blanc”. Sublimement ringard. » Le Chablaisien, 19 janvier 1995, p. 6.
9 « Cette ville [New York] est dingue, mais il se passe tj. qqc. : théâtre de rue, concerts
de rue, accidents, insultes, rigolades, discours, concerts à Brooklyn, rencontres
funny, croisé hier soir un gros rat aussi mastard qu’un St-Bernard, écureuils dans
ma cuisine, chatte à 6 doigts au jardin, personnages felliniens, et cet accent que
je déteste autant que l’accent bourbine… bref, y’a de quoi faire ! » B. Richard, Ondes de choc : e-mails de New York, 2001, 2003, p. 19.
10 « Tout d’un coup, on aurait cru que la bébête Corona avait disparu, observait Fabienne.
Pas de variant angliche, bourbine ou indien. Pas d’alpha, bêta ou delta. Envolé ! Enfin, on déconfinait ! » E. Robert, Dormez en Peilz, 2023, p. 295.
2.◆ n. m. Dialecte* suisse alémanique. Parler, comprendre le bourbine. ⇒ bon allemand ; dialecte ; hochdeutsch ; schwyzerdütsch ; suisse-toto.
11 « Le suisse allemand, appelé “bourbine” dans la mauvaise langue romande, connaît de belles heures outre-Sarine*. Des poètes le chantent. Les cabarettistes pratiquent son verbe. Des groupes rock
ont substitué ses rimes aux accents anglo et saxons. Au point que les édiles se préoccupent,
le schwyzertütsch* s’étalant au préjudice du hoch Deutsch [sic ; Hochdeutsch*], la langue de référence. » L’Impartial, 8 janvier 1986, p. 13.
12 « La question est de savoir si un Romand peut être entendu outre-Sarine*. “Il parle bien l’allemand et même le ‘bourbine’ (sic !). C’est essentiel pour un chef de parti.” » La Gruyère, 4 mars 2008, p. 2.
13 « Passe me voir au service IT plus tard si t’as un moment, j’aimerais te montrer un
truc. Ça devrait t’intéresser. Et on en profitera pour parler un peu. Parce que j’en
peux plus d’entendre que du “bourbine” à longueur de journée. » S. Cujean, Menace sur Genève, 2021, p. 34.
Remarques. Malgré une origine largement incertaine, le mot est ressenti comme fortement injurieux
et ne saurait être utilisé de manière plaisante, contrairement à toto par exemple. – Ce sobriquet ethnique a été largement diffusé dans les sketches de Marie-Thérèse Porchet,
personnage interprété par l’humoriste romand Joseph Gorgoni (né en 1966 à Genève) ;
v. par exemple « La leçon de géographie ».
Commentaire. 1re attestation : 1903 (« Elle fait tant jaser et couler l’encre, cette bonne Démocratie depuis que notre camarade
Naine a refusé de suivre le trimballement que même les journaux socialistes de la
Suisse bourbine se laissent embobiner par elle. » La Sentinelle, 26 septembre 1903, p. 2). Bourbine serait, selon l’hypothèse du Wiktionnaire, une francisation de l’allemand Buchbinder signifiant « relieur de livre » ; en effet, la distance phonétique entre l’all. [bux'bindər] et le fr. [buʁbin] n’est pas absolument rédhibitoire. Sur le plan sémantique, encore selon
le Wiktionnaire (mais qui ne cite toutefois aucune preuve textuelle à l’appui), « [l]a Suisse allemande était déjà réputée dès le Moyen Âge pour la qualité de ses reliures,
si bien que lorsque l’imprimerie a pris son essor au XVIe siècle dans les villes suisses-romandes, on confiait volontiers la reliure des ouvrages
de l’autre côté de la frontière linguistique à des “bour-bines”, francisation du mot allemand. ». Cette hypothèse – qui a toutes les allures d’une étymologie populaire –; n’est pas du tout présente dans l’article du GPSR, qui se contente de mentionner
laconiquement les synonymes bourdon et staubirne*, ce qui est peut-être une invitation implicite à considérer bourbine comme étant à rattacher à ces derniers dans le cadre d’une formation par mot-valise :
bour(don) + (stau)birne, avec dissimilation des rhotiques (*bourbirne > bourbine).
Bibliographie. Le conteur vaudois, 1916, p. 3 ; GPSR 2, 645, s.v. bourbine ; IttCons 1970 ; ChevalleyListe 1990 ; Suter 2020.
R. Delieutraz – révision A. Thibault
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