abbaye [abɛi] (souvent Abbaye) n. f.
1.◆ Société de tireurs, souvent très ancienne, et dont le concours de tir (normalement
annuel ou bisannuel) donne lieu à une fête de village (v. ci-dessous sens 2). Noble abbaye ; abbayes vaudoises, lausannoises ; la Société de l’Abbaye ; l’Abbaye
des agriculteurs, des grenadiers, des carabiniers, des fusiliers. ⇒ cibar(r)e ; ciblerie ; roi du tir.
1 « Les principes généraux et fondamentaux de la plupart des abbayes précisent que les membres de la société font profession de patriotisme, d’obéissance
aux lois, de respect et d’attachement au gouvernement. » IttCons 1970, p. 17-18.
2 « L’an passé, l’Abbaye des grenadiers des Bioux a fêté son 225e anniversaire, celle des carabiniers de Montreux son 200e anniversaire. 1977 marquera le 450e anniversaire de l’Abbaye des fusiliers de la bourgeoisie* de Moudon et le 350e anniversaire de l’Abbaye des Écharpes Blanches de Montreux. » L’Est Vaudois, 27 février 1977, p. 18.
3 « Vingt-neuf tireurs ont participé à ces joutes pacifiques des deux abbayes de Travers. » L’Express, 8 juin 1977.
4 « M. P. fit l’historique de la société. Le préfet* du district* de Morges, M. J.-J. Gl., souligna l’importance de nos abbayes, véritable coude à coude entre les hommes. » 24 heures, 25 juillet 1977, p. 15.
5 « Une femme passionnée de tir*, Mme M. H.-S., acceptée depuis quatre ans au sein de l’Abbaye des amis de la liberté d’Ollon en a été exclue à cause d’un retour aux anciennes
traditions. » Journal d’Yverdon, 20 juin 1986.
6 « Par contre, elle reste une société dont “il faut être” si l’on veut être reconnu dans la région. L’abbaye permet le développement d’un réseau de connaissances, voire d’une “clientèle”, électorale ou commerciale. […] À une époque où beaucoup de gens souffrent de l’anonymat
et de la course à l’individualisme, où ils ont parfois le sentiment d’être interchangeables,
l’appartenance à l’abbaye offre une reconnaissance de son identité, ce qui fait probablement une partie de
son succès. » La Presse, 13 mai 1994, p. 2.
7 « [titre] Yverdon-les-Bains / Après une version 2002 réduite à sa plus simple expression,
l’Abbaye des Armes Réunies a pu trouver son cours normal cette année. » 24 heures, 16 juin 2003, p. 23.
↪ V. encore s.v. abbé-président.
2.◆
![]() ![]() ![]() ![]() 8 « Elle l’entend buter contre les marches d’escaliers quand il va se coucher, et tous
les dimanches il court les abbayes. » S. Chevallier, Le Silence de la terre, 1961, p. 29.
9 « Et aux Abbayes, qui sont de très anciennes fêtes de tir*, on danse, on boit, on élit un roi*, on distribue des couronnes, des médailles, des rubans, des assiettes décorées d’arbalètes,
de mousquets, de vieilles carabines et de drapeaux flottant sur des faisceaux. » J. Chessex, Portrait des Vaudois, 1969, p. 74.
10 « Aux Bayards, on trouvait encore de l’absinthe. On la buvait ouvertement, lors de l’Abbaye [en italique dans le texte] du village en tous les cas. » M. North, J. Montandon, Neuchâtel à table, 1973, p. 116.
11 « Le matin de l’abbaye on se levait très tôt pour aller mettre des roses aux couronnes. » 1977, RSR (VD Rougemont).
12 « ABBAYE DE ROMANEL-JOUXTENS-VERNAND, ROMANEL-SUR-LAUSANNE. 11, 12, 13 juin 1977. Samedi soir, grand bal […]. Dimanche, venez dîner* sous la cantine*. Lundi, journée des enfants. » 24 Cités, 24 mai 1977, p. 23.
13 « Abbaye estivale / Près d’une soixantaine de tireurs s’étaient donné rendez-vous samedi dès
9 h. au Stand de Bullet pour y disputer les différents challenges et distinctions
mis en jeu par la Société de tir* “Aux Armes de guerre” de Bullet. » Journal d’Yverdon, 20 août 1986, p. 12.
14 « Cependant, même si le tir* constitue le fondement de l’Abbaye, la manifestation est avant tout une fête populaire. » 24 heures, 16 juin 2003, p. 23.
3.◆ Confrérie, corporation laïque. ⇒ confrérie.
15 « L’Abbaye des Maçons de Fribourg, dont la structure et les buts ont évolué au cours des siècles,
a marqué de sa puissance et de son efficacité l’histoire des corporations fribourgeoises.
C’est ce qui explique qu’elle ait survécu et que ses membres actuels cultivent encore
avec bonheur les vertus de leurs ancêtres, celles de l’amitié et de la conscience
professionnelle. » M.-Th. Torche-Julmy, H. Foerster, L’Abbaye des Maçons de Fribourg, 1981, p. 3.
16 « La vénérable Abbaye des maçons, Confrérie* de Saint-Théodule, rendra hommage à ses membres décédés durant l’année 1993, lors
de la messe célébrée en l’église paroissiale de Neyruz […]. » La Liberté, 23/24 octobre 1993.
Localisation. Essentiellement attesté dans 〈Canton de Vaud〉 et 〈Canton de Neuchâtel〉 (sens 1 et 2). La réalité désignée par abbaye est limitée à ces cantons, mais le mot lui-même est connu au-delà, comme le suggèrent
les attestations relevées dans des journaux de Genève et de Fribourg (mais référant
à des manifestations vaudoises ou neuchâteloises). Sens 3 : 〈Canton de Fribourg〉.
Remarques. Mot très répandu. Il n’existe pas d’équivalent en français de référence pour abbaye “société de tireurs ; fête de cette société”. — Le sens de “monastère dirigé par un abbé, une abbesse ; bâtiments de ce monastère” a aussi cours en Suisse romande. — On trouve encore dans la documentation le dérivé
abbayssan n. m. “membre d’une abbaye” (24 Cités, 25 avril 1978, p. 7) ; cf. abayssant “id.” (GPSR 1, 36a s.v.).
Commentaire. Au sens 1, attesté en français régional depuis le xviie siècle (v. Pier). Jean-Jacques Rousseau, dans sa correspondance, mentionne « l’abbaye de l’arquebuse de Couvet » (1765, v. GPSR 1, 36b s.v. abbaye 2 °C). Le sens 2 est attesté depuis 1697 (v. Pier ibid. 2°). Le type abbaye, bien représenté dans les patois de la Suisse romande, a connu plusieurs sens : en
plus de celui de “monastère gouverné par un abbé ou une abbesse”, qu’il partage avec le français de référence, on relève entre autres celui de “corporation ou confrérie, association organisée dans un but commun”, qui ne survit aujourd’hui qu’à Fribourg (sens 3). Ce sens laïque (dont le sens plus
récent de “société de tir” représente une spécialisation) dériverait du sens religieux (d’après GPSR ; mais
cf. J. Ahokas, NphM 63, 100-101 pour une critique de cette hypothèse). Quant au sens de “fête d’une société de tir”, le plus fréquent dans l’usage contemporain, il est aussi le plus récent. Le sens
de “local de certaines confréries”, attesté du xve au xixe siècle en Suisse romande (v. Gdf 1, 605c s.v. bay ; GPSR 1, 37a s.v. abbaye 3° ; Pier s.v. abbaye 4°), mais tombé aujourd’hui en désuétude, aurait été connu « dans le Midi » (cf. LittréSuppl s.v. abbé). Cf. encore mfr. abbaye “fête bouffonne organisée annuellement” (Rouen 1587, Lac), franc-comtois abbaye “association de plaisir” (xviie s., Monnier).
Bibliographie. LittréSuppl 1877 s.v. abbé ; Gdf 1, 605c ; FrançJJRouss ; WisslerVolk 1909 ; OdinBlonay 1910, p. 1 ; Pier, PierSuppl ;
GPSR 1, 36-41 ; J. Ahokas, « De l’emploi des mots abbé et moine pour désigner des personnes et des organisations laïques », NphM 63 (1962), 81-106 ; MeijerEnq 1962, p. 129 ; FEW 24, 16a, abbatia I ; IttCons 1970 (> DFV 1972) ; PledariGrond ; Lengert 1994.
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