les citations
Saint-Martin n. f.
◆ Fête traditionnelle jurassienne ayant lieu un week-end aux environs du 11 novembre, fête de saint Martin, à l’époque de la bouchoyade* et de la fin des récoltes et caractérisée par une nourriture des plus abondante comprenant toutes les parties du porc. ★ Croisement vraisemblable entre les béniessons (v. bénichon), fêtes religieuses, et certaines coutumes païennes. La période de la Saint-Martin était anciennement celle où les paysans pouvaient se reposer, vendre leurs récoltes, faire leurs réserves pour l’hiver et régler son dû au seigneur. Cette époque était marquée par une grande fête au cours de laquelle on bouchoyait* et festoyait entre amis. Toutes les parties du porc trouvaient un mode de préparation. Aujourd’hui, les avis divergent quant à la composition exacte du véritable menu de la Saint-Martin ; cependant, il se constitue habituellement d’une bonne dizaine de plats et comprend : bouillon ; gelée de ménage (grulatte*) ; boudin à la crème avec purée de pommes (compote) ; bouilli avec salades de racines* rouges et de carottes ; grillade (saucisse* à rôtir, côtines ou petites côtelettes) et atriaux*, accompagnés de röstis* ; le coup du milieu (damassine*) ; choucroute garnie ; rôti ; striflates* ; totché* et crème brûlée. On peut se contenter d’une version allégée (généralement : gelée, boudin et atriaux* ainsi que leurs accompagnements, totché*). Pour terminer la fête, le week-end suivant voit se dérouler le revira(t), c’est-à-dire la reprise des festivités. Repas de (la) Saint-Martin ; le menu traditionnel de (la) Saint-Martin ; les festivités de la Saint-Martin ; le lundi de (la) Saint-Martin (jour férié en Ajoie) ; engraisser des cochons pour la Saint-Martin ; servir au bar d’une société à la Saint-Martin. Le bar de la Saint-Martin. ⇒ abbaye 2, bénichon, vogue ; bouchoyer.
1 « Il est difficile d’imaginer de nos jours ce que la Saint-Martin représentait jadis pour les gens de nos campagnes. Fête de la ripaille et du cochon, elle marquait la fin des travaux des champs et l’entrée dans la longue période de repos hivernal. Elle durait jusqu’au revirat [voir ci-dessus], c’est-à-dire au dimanche suivant. » B. Chapuis, Une de Bonfol, 1985, p. 91.
2 « Populaire, joyeuse et pantagruélique, la Saint-Martin apporte du bonheur à tant de Jurassiens que ce simple nom ne manque jamais de faire rêver les amis de la joie de vivre. » G. Lovis, “La Saint-Martin dans le Jura”, dans Présences, Pully 1988, p. 51.
3 « [Ce qu’on a vu en 1991] La M. M. se réjouir de préparer à son S., à leurs moutards et à leurs conjoints un succulent repas de Saint-Martin. Leur chien, qui n’était pas invité, n’avait toutefois laissé qu’un morceau pour les huit convives. » Le Rai-Tiai-Tiai aidjolat [journal de carnaval, JU Ajoie], n° 15, 1992, p. 9.
4 « Lui, par contre, avait accepté d’aller à la Saint-Martin dans le Jura. Résultat : 12 heures à table, 3 semaines de boutons et deux jours à transpirer le cochon par tous ses pores ! » Le Nouveau Vendredi (supplément du Nouveau Quotidien), 12 novembre 1993, p. II.
5 « On se serait cru au pays de Pantagruel, le dimanche matin de la Saint-Martin sur Fréquence-Bisous. Le bon toubib M.A.H.B. a affirmé que le menu de Saint-Martin, le vrai, celui qui comprend les 15 plats de la cochonnade [= cochonnaille], n’est pas dangereux pour la santé, ni même pour le taux de cholestérol. Cet avis, grassement soutenu par les restaurateurs du coin, a encouragé une consommation effrénée dont les effets se sont répercutés sur les ventes d’Alka Seltzer dès le mardi du revira [v. ci-dessus]. » Le Poue Seiyai [journal de carnaval, JU Porrentruy], 1994, p. 15.
6 « Si vous vous promenez ces jours dans la Baroche ou la Haute-Ajoie, vous aurez très vite le nez titillé. En effet, des cuisines fumantes se dégagent des odeurs qui ne mentent pas. La “Saint-Martin” est à la porte. Le cochon maison, gavé des biens de ce monde, est débité sous toutes ses formes. » L’Express, 7 novembre 1996, p. 13.
7 « [Ce qu’on a vu en 1996] L’Hubert […] se plaindre que le bar de la Saint-Martin l’avait empêché de dormir et annoncer qu’il en exigerait la suppression en 97. Pendant qu’il y est, notre Hubert pourrait demander de supprimer la Saint-Martin. » Le Rai-Tiai-Tiai aidjolat [journal de carnaval, JU Ajoie], n° 21, 1997, p. 11.
↪ V. encore s.v. avale-royaume ; bouchoyade ; bouchoyer.
Faire la Saint-Martin, participer aux réjouissances traditionnelles de cette fête, chez soi ou au restaurant.
Localisation. Réalité propre au canton du Jura (surtout l’Ajoie), mais connue au-delà. — En dehors de cette fête, il existe en Suisse romande de nombreuses “Foires de la Saint-Martin”, toutes situées autour du 11 novembre. « Celle de Vevey [Canton de Vaud] est l’une des plus anciennes puisque cette année elle verra sa 543e édition. » (La Presse, 5 novembre 2003, p. 13).
Remarques. On entend encore l’équivalent patois [sɛ̃mɛʧɩ̃] (cf. VatréAjoie 1947 s.v. Saint-Aubïn et ALFC 109, pts 5, 8 [Jura suisse]).
Commentaire. Première attestation au fichier CD : 1905 (« À l’occasion de la St-Martin / Dimanche et lundi / Danse publique » Le Jura, 10 novembre 1905). Création locale ; extension sémantique à partir du nom de la fête de saint Martin, qui a lieu le 11 novembre, époque de la fin des récoltes dans la vie traditionnelle paysanne. La coutume a dû connaître jadis une extension géographique plus grande (« On appelle le vin de la Saint Martin, un présent qu’on fait aux valets & aux Artisans le jour de la Feste de Saint Martin, pour la célébrer » Fur 1690 – Trév 1771). — À relever aussi que la SR connaît de nombreuses “Foires de la Saint-Martin”, toutes situées autour du 11 novembre. « Celle de Vevey [VD] est l’une des plus anciennes puisque cette année elle verra sa 543e édition. » (La Presse, 5 novembre 2003, p. 13). — À ajouter à FEW 6, 387b, Martinus 2.
Bibliographie. Sans tradition lexicographique.
Simone QUENET
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