les citations
reine [ʀɛ:n] n. f.
1.◆ reine (à cornes) n. f. Dans un troupeau de vaches d’Hérens, vache s’étant imposée comme la meneuse du groupe, à l’issue de combats ayant lieu lors de l’inalpe* et de la désalpe*. ★ La race d’Hérens, implantée en Valais depuis plusieurs siècles, se caractérise par une taille assez trapue, une robe brun foncé et une production laitière plutôt moyenne, compensée par une excellente adaptation de l’animal au milieu alpin. Les mouvements de transhumance chez cette espèce donnent lieu à des combats spontanés entre les bêtes, qui servent à établir la hiérarchie au sein du groupe. C’est la gagnante, que l’on appelle reine, qui mènera le troupeau dans l’alpage pendant toute la période de l’estivage. De nos jours, on organise des combats entre les reines de différents propriétaires, qui attirent plusieurs centaines de spectateurs (v. ci-dessous). La reine du troupeau, de l’alpage*, de la commune, du canton*. La reine des reines au tournoi cantonal* ; la reine cantonale* ; la reine du Comptoir*. La nouvelle, l’ancienne reine. Les prétendantes au titre de reine. La reine présumée. Acheter une reine à cornes ; le propriétaire d’une reine à cornes. Les vaches se disputent le titre de reine. La reine à cornes est ceinte d’un grand ruban rouge lors de la désalpe*. ⇒ alpage ; désalpe ; inalpe.
1 « Le nom seul de Joseph faisait trembler les autres hommes. Sa taille de géant, ses bras poilus comme des membres d’ours écartaient tous obstacles. Son père, du reste, l’avait élevé pour la bataille, comme on élève certaines vaches, dans le pays, et elles deviennent les reines du troupeau. » M. Zermatten, L’Été de la Saint-Martin, 1962, p. 75.
2 « Toutes les vaches étaient revenues des alpages*, la reine d’abord puis ses suivantes et, sur les sentiers dont elles avaient arraché les bords et remué la poussière, traînaient les marguerites doubles et les rubans tombés de leurs tiares. » C. Bille, La Fraise noire, 1968, p. 61-62.
3 « Un à un, les propriétaires entrèrent dans le champ barricadé avec leur reine. Dès qu’elles furent lâchées, les vaches s’épièrent, agitant leur clochette comme si elles eussent voulu s’en débarrasser. » M. Métral, Les Racines de la colère, 1971, p. 151.
4 « La reine est considérée par tout le troupeau, c’est elle qui décide, qui le mène et qui se réserve les meilleurs herbages. Une vraie reine est méfiante. » C. Bille, La Demoiselle sauvage, 1974, p. 155.
5 « Pourtant, son règne n’est pas éternel. Durant tout l’été, des combats singuliers verront s’affronter, loin des yeux des spectateurs, les prétendantes au titre de reine. Il est bien rare qu’à la désalpe*, à la fin de l’été, la reine qui conduit le troupeau vers la plaine soit la même que celle dont on a applaudi les exploits à l’inalpe*. » J. Montandon, Le Valais à table, 1975, p. 17.
6 « Une plainte pénale a été déposée hier contre inconnu dans une histoire qui rappelle étrangement les mœurs de certains anciens Valaisans d’une époque qu’on croyait révolue. En effet quelle ne fut pas la surprise de M. G. M., de Vex, de constater que l’une de ses plus belles bêtes, actuellement reine à cornes du troupeau de l’alpage* de Thyon avait été attaquée par des inconnus qui, visiblement, ont voulu la maltraiter pour l’empêcher de gagner de futurs combats ou pour se venger du dépit que ses précédentes victoires leur avaient causé. » Nouvelliste et Feuille d’Avis du Valais, 11 août 1976, p. 13.
7 « Les reines de la race d’Hérens suscitent la passion, mais aussi parfois la jalousie. “Rubis”, une de ces vaches lutteuses, semble en avoir été la victime : alors qu’elle allait être sacrée reine d’alpage*, elle a été blessée sur 5 cm entre les cornes par un objet tranchant. » La Suisse, 18 août 1993, p. 7.
8 « Jadis une reine fixait le rang social de son maître ; décrocher un titre permettait d’entrer au Conseil* communal… Les temps ont changé, mais le prestige demeure. Aujourd’hui ce ne sont plus seulement des paysans, mais des notables, avocats, architectes… qui s’entichent des reines. Pour lesquelles ils déboursent 25 000 francs, six fois plus que pour une vache laitière. […] “Nous possédons un patrimoine unique dont nous devons faire partager la richesse à nos hôtes”, estime U. K., promoteur et propriétaire de reines anniviard*. Plus de huit mille spectateurs sont attendus le 12 mai, le jour de l’Ascension, pour la finale cantonale* d’Aproz. Les vaches, le soleil, l’arène, le fendant* : le spectacle des corridas valaisannes emballe les foules. Pourquoi ne pas en faire une attraction touristique ? » Le Nouveau Quotidien, 10 mai 1994, p. 20.
↪ V. encore s.v. alper I 1 ; armailli ; falot-tempête ; inalpe ; nonante ; youtzée.
combat de reines n. m. (parfois match de / aux reines). Combat organisé à des fins ludiques (et, de plus en plus, commerciales et touristiques) par des syndicats d’élevage, mettant aux prises des reines originaires de différents alpages*, afin de déterminer quel animal s’imposera comme reine au niveau de la commune et du canton*. Les fameux combats de reines du Valais. Assister à un combat de reines. Le grand match de reines du Comptoir* de Martigny.
9 « – Nous partirons à quatre heures, dit-il. / – Maman et les sœurs viennent-elles ? / – Non, un match aux reines c’est une affaire d’hommes. » M. Métral, Les Racines de la colère, 1971, p. 92.
10 « Mais on ne saurait parler de ces merveilleux troupeaux et du travail humain qui entoure cette transhumance, sans parler de l’organisation interne, de la hiérarchie qui se crée, chez ces animaux, et qui se manifeste, dès l’inalpe*, par les célèbres combats de reines. » J. Montandon, Le Valais à table, 1975, p. 13-14.
11 « Quand les premiers matchs de reines débutèrent en Valais, ils le firent timidement, très souvent sous la risée de ceux – et ils étaient nombreux, il y a une vingtaine d’années, en pleine mutation économique –, de tous ceux qui ne croyaient pas beaucoup en leur survivance. Aujourd’hui, ces joutes attirent des foules considérables venues d’un peu partout. Elles se terminent par une grande confrontation cantonale*. » Coopération, 27 mai 1976.
12 « Soudain, dans la combe*, le bruit de cornes qui s’entrechoquent fait office d’alarme. Les hommes vont contrôler que le combat spontané de reines se déroule correctement. Les assauts, en fin de saison, sont brefs ; au milieu de l’été, ils ont duré parfois jusqu’à une demi-heure. De ces combats, la Reinon d’A. C. de Daillon est sortie grande victorieuse : c’est elle qui portera la “sonnette” de reine lors de la descente. » Tribune-Le Matin, 19 septembre 1976, p. 19.
13 « Fin juin, début juillet, le samedi de préférence, les alpages revivent une tradition authentique qui n’a rien de folklorique. En Valais, cette transhumance est liée aux fameux combats de reines de la race d’Hérens. La vache qui imposera sa ruse et sa puissance ce jour-là conduira le troupeau tout l’été et choisira d’autorité les meilleurs herbages. » Construire, 22 juin 1994, p. 24.
14 « [titre] Journée du combat de reines / Amphithéâtre de Martigny : grand combat de reines organisé par le syndicat d’élevage de Fully, avec la participation des meilleures lutteuses du canton* et des reines d’alpage*, plus de 6000 places pour le public dont 2500 assises. » Une fleur à l’économie, suppl. spécial du Nouvelliste et Feuille d’Avis du Valais, 27 septembre 1994, p. 27.
↪ V. encore s.v. combe.
2.◆ reine (à lait) n. f. Vache ayant produit la plus grande quantité de lait pendant la saison d’estivage. La reine à lait porte un ruban blanc lors de la désalpe*. ⇒ alpage ; désalpe.
15 « Ce charmant alpage* de Tounot [Val d’Anniviers] donne sa désalpe* aujourd’hui vendredi 30 septembre, après 90 jours de saison. […] On pourra voir les trois reines, appartenant à MM. J. V., Vissoie, R. Z. et A. P., Sierre. Chacune d’elle a fourni 900 litres de lait. Elles auront donc bien mérité d’arborer sur leur tête un magnifique bouquet. D’autre part, elles auront un beau ruban blanc autour du poitrail. Ces reines à lait seront accompagnées du vaillant fromager A. H., qui en est à sa 32e saison d’alpage*. » Journal de Sierre, 30 septembre 1966.
↪ V. encore s.v. falot-tempête.
Localisation. Canton du Valais ; bien connu dans le reste de la Suisse romande.
Commentaire. Première attestation : 1887 (v. Pier s.v. reine 2). Innovation du français local. En patois, le combat s’appelle bā̩ra et la reine est désignée par le terme de mē̩tra (prop. “maîtresse”). — Ces données de français régional sont à ajouter à FEW 10, 211b, regĪna I auprès de l’att. dialectale de Ollon.
Bibliographie. Pier, PierSuppl ; GPSR 2, 240a-241a s.v. bā̩ra (et comm. encycl.) ; MüllerMarécottes 1961, p. 215-216 ; Lengert 1994.
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