déguiller v.
1.◆ (v. tr.) Faire tomber (quelqu’un ou quelque chose de haut placé) ; faire dégringoler, faire
s’effondrer, renverser (un objet dressé ; un tas ou un amoncellement d’objets) ; abattre.
Déguiller des noix, des pommes, des cerises (de l’arbre) ; déguiller des quilles,
des bûches ; déguiller un arbre. ⇒ aguiller ; déguille ; raguiller.
1 « Parmi une bande de gamins qui, plus heureux que moi, s’étaient éclipsés à temps, j’avais
été attrapé en train de “déguiller” des marrons à coup de pierres, à la place du Tunnel. » Nouvelle Revue de Lausanne, 8 juillet 1969, p. 3.
2 « Puis, pendant que les uns déguillaient la paille pour faire les litières […], les autres, boille* au dos, allaient couler le lait à la laiterie, carnet en main. » IttÇà, 1975, p. 240.
3 « J’arrive pas à déguiller ces pommes tout en haut du pommier. » Enq. CD/I, 1977/1978 (NE Colombier).
↪ V. encore s.v. aguiller I 2.
◇ (Fig.) Renverser des dirigeants, une institution (vieilli). On l’a déguillé de sa place.
2.◆ (v. intr.) Tomber, chuter, débouler, dégringoler. Les bûches ont déguillé. Déguiller dans les escaliers, en bas des/les escaliers. Déguiller en varappant. Faire
déguiller. ⇒ bas (en ‑) 2.
4 « Nous franchissons, comme si nous passions à gué, le hameau aux grosses poutres avec
des taureaux qui s’enrouent, qui raclent du pied dans les écuries, aux toits qui vont
déguiller, à la ruelle qui dégringole avec des jardinets en toboggan […]. » M. Chappaz, La Haute Route, 1974, p. 170.
5 « Le chat a fait déguiller la lampe de dessus le guéridon. » Enq. CD/I, 1977/1978 (NE Cortaillod).
6 « Aguiller* un pot à fleur sur le bord de la fenêtre (lequel pot ne tarde pas à déguiller). » Enq. CD/I, janvier 1978 (NE Fenin).
7 « Le tracteur tond bien, sauf quand il déguille en* bas le talus. » Le Rai-Tiai-Tiai aidjolat [journal de carnaval, JU Ajoie], n° 18, 1995, p. 11.
8 « En tout cas, au premier virage, voilà la cheminée qui déguille et se casse une jambe sur le bitume. » Le Rai-Tiai-Tiai aidjolat [journal de carnaval, JU Ajoie], n° 18, 1995, p. 9.
9 « [Ce qu’on a vu en 1994] Le W. G. laisser fermenter ses balles rondes de foin, au risque
qu’elles déguillent jusque chez belle-maman Ch. » Le Rai-Tiai-Tiai aidjolat [journal de carnaval, JU Ajoie], n° 18, 1995, p. 15.
↪ V. encore s.v. aguiller I 1.
◇ (Fig.) Déguerpir, partir à toute vitesse.
10 « Il a déguillé plus vite qu’il n’est venu. » Enq. CD/I, 1977/1978 (JU Porrentruy).
◇ (Fig., plais.) S’écarter du bon chemin, pécher ⇒ dérouter.
11 « Mais on sait l’inconstance de l’homme et sa purification première ne le met à l’abri
ni des faiblesses ni de l’erreur. Il était donc tout naturel que je m’occupe également
de confessions, histoire de remettre en selle ceux qui avaient “déguillé” en cours de voyage. » F. Sallin, Sourire des âges tendres, 1985, p. 32.
3.◆ se déguiller v. pron. (vieilli) Se laisser tomber, dégringoler, descendre rapidement.
Remarques. Cf. encore les dérivés déguillée n. f. “chute, dégringolade” (GPSR 5, 189b s.v. dègǝlya̩ ; CuenVaud 1991 ; cf. aguillée ⇒ aguiller et raguillée ⇒ raguiller) ; “défaite cuisante aux élections” (Enq. CD/I, 1977/1978, VD Corcelles-le-Jorat) ; “état d’ivresse” (CuenVaud 1991) ; déguillard, ‑eur, ‑eux adj. et n. “froussard, poltron” (Pier ; GPSR 5, 215b s.v.).
Commentaire. Transposition en français régional d’un type bien connu dans les patois. Les plus
anciennes attestations en français régional de Suisse romande datent d’av. 1833 (« je suis là comme l’oiseau sur la branche ; et d’un moment à l’autre il me peut déguiller » R. Töpffer, Théâtre, p. 415) et de 1852 (HumbGen, sens 1 et 2) ; l’emploi pronominal (3) est attesté en
1911 (Pier) et 1959 (M. Bossard, FEW 16, 306b). On rencontre la forme déguiller dans le Jura français avec les sens de “renverser une quille”, “tomber” et “faire tomber” et à Pontarlier (Doubs) avec le sens de “faire tomber à terre des objets dressés” (FEW ; DurafHJura). Le français régional de la Savoie connaît déguiller v. tr. “faire tomber”, se déguiller v. pron. “tomber” (GuichSavoy). Le français de référence connaît déquiller v. tr. “renverser une quille”, plutôt rare (Lar 1907–1961 ; Ø GR 1985, TLF et GLLF), mais attesté dans le registre
argotique avec les sens de “tuer” (CellardRey ; ColinArgot) et “arrêter” (ColinArgot). V. encore DRF s.v. déquiller.
Bibliographie. HumbGen 1852 ; BonNeuch 1867 ; CarrezHJura 1906 ; WisslerVolk 1909 ; Pier ; BiseHBroye
1939, p. 304 ; FEW 16, 306b et 309a, kegil I 1 et I 3 a ; ZumthorGingolph 1962, p. 247 ; IttCons 1970 (> DFV 1972 ; CuenVaud
1991) ; GPSR 5, 189b s.v. dègǝlya̩, 190b-192a s.v. dègǝlyi̩ et 215b s.v. déguillard, déguilleur, déguilleux ; Alpha 1982 ; GuichSavoy 1986 ; PLi depuis 1989 ; Manno 1994, p. 219 (hapax NE au sens de “tuer (qn)” ; sens confirmé par D. Destraz pour VD Nord) ; « mot courant dans le Haut-Jura » RobezMorez 1995 ; OffScrabble 1995 ; DRF 2001 s.v. déquiller.
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