dérouter v. tr.
◆ Dévoyer, débaucher. Il s’est fait dérouter par de mauvais compagnons. Cette fripouille les a déroutés ⇒ déguiller 2.
1 « Il paraît que les gendarmes ont arrêté Louis Morier. Il déroutait des enfants. Lui qui avait l’air si honnête, je n’en reviens pas ! » R.-L. Junod, Une Ombre éblouissante, 1968, p. 126.
2 « Ah ! tu es encore sortie avec cette sale bête ?… Mets-toi bien ceci dans la tête,
ma petite fille : tant que je serai en vie, jamais ce mariage se fera, tu m’as compris ?…
Cochon de communiste, dérouter le monde ! » G. Clavien, Un Hiver en Arvèche, 1970, p. 113.
3 « Mon premier [enfant], je l’ai attendu dans la joie. Mon mari ne buvait pas encore.
Il travaillait bien, me faisait plaisir. Il était plein d’attentions pour moi. Le
petit que je portais s’en est ressenti et il n’a reçu que du bon… Pour le deuxième,
ce n’était plus la même chose. Le père s’était laissé dérouter. » Tribune-Dimanche, 8 juin 1975.
4 « J’ai chassé ce vaurien, qui déroutait ses camarades. » Enq. CD/II, 1975-1981 (NE Le Landeron).
5 « Il est en train de se laisser dérouter par son nouvel ami. » Enq. CD/II, 1975-1981 (NE Colombier).
6 « Jules est devenu une canaille. Mais c’est Gaston qui l’a dérouté. » Enq. CD/II, 1975-1981 (BE Moutier).
7 « Ne te laisse pas dérouter par ce chenapan. » Enq. CD/II, 1975-1981 (BE Tavannes).
8 « Elle a complètement dérouté ce jeune homme. » Enq. CD/II, 1975-1981 (JU Porrentruy).
◇ dérouté, ‑ée part. passé-adj. Dévoyé, débauché.
9 « Pouvait-elle croire aux gentillesses des gens qui l’appréciaient pour ses vertus de
guérisseuse mais qui parlaient d’elle en secret comme d’une fille déroutée ? » J.-P. Monnier, L’Allégement, 1975, p. 64.
Remarques. L’emploi pronominal est bien attesté dans des sources relativement anciennes (BonNeuch,
Pier), mais il semble s’être fait rare de nos jours : la dernière attestation au fichier CD remonte à 1951 (« Ce n’est pas à soixante-six ans que je vais commencer à me dérouter. » B. Vallotton, Cachemaille retraité, p. 168).
Commentaire. Premières attestations : 1867, BonNeuch (v. pron.) ; 1907, voir Pier (v. tr.). Emploi bien attesté dans les dialectes de Suisse romande (v. GPSR). On a relevé
dans les parlers normands se dérouter v. pron. “se dépraver” (DuBois 1856 > FEW) ; le TLF fournit en outre une attestation de 1948 chez un auteur
normand (Jean de La Varende) avec le sens de “quitter le droit chemin, se débaucher”, mais il s’agit d’un emploi intransitif.
Bibliographie. BonNeuch 1867 ; GrangFrib 1868 ; OdinBlonay 1910, p. 107a (se dérouter y figure comme régionalisme inconscient dans la métalangue) ; Pier ; FEW 10, 571a, rŬmpĔre I 2 b α d’ ; GPSR 5, 440 ; TLF ; GR 1985 ; Lengert 1994 ; GR 2001.
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