cheni [ʃ(ə)ni] 🔊 n. m. (chenis, chenil, chenit)
1.◆ (fam.) Poussière, balayures ; débris, déchets, détritus. Il faut balayer, jeter tout ce cheni.
1 « Qui de vous ne connaît pas un lieu pareil ? qui de vous n’a pas regretté de voir un
site, un coin enlaidi par un amoncellement de boîtes, de tessons, enfin de toute la
ferraille possible. Peut-on critiquer les uns ou les autres ? Non. Il faut bien jeter
ce “chenil” à une place, là où il n’y a pas de ramassage de balayures […]. » W. Dubois, En poussant nos clédars, 1959, p. 99.
2 « Cela n’avait pas duré, mais on avait retrouvé un tonneau oublié sous du chenit dans une remise […]. » IttÇà, 1975, p. 251.
3 « Voilà une dizaine de jours que ce “chenis” traîne à la surface de la Sarine. » La Liberté, 14-15 août 1976, p. 7.
4 « Mais il arrive, ô surprise, que les verres rapportés dépassent la capacité des conteneurs
aux abords desquels cartons et bouteilles s’accumulent en vrac. Un vrai “chenis” qui invite à chercher un autre emplacement. » L’Objectif Fribourg, 24 janvier 1992.
5 « Si ça continue, ils vont payer la commune pour avoir le droit de récolter notre chenit. » Le Rai-Tiai-Tiai aidjolat [journal de carnaval, JU Ajoie], n° 17, 1994, p. 18.
6 « Ça ne m’intéresse pas d’aller à la décharge. Ce chenit est aussi bien là. De toute façon, il suffit de recouvrir tout ça et on n’y verra
plus rien. » La Liberté, 20 mai 1994, p. 23.
◇ Mettre, jeter, foutre (qch.) au cheni, jeter (qch.) à la poubelle. Le cheni passe, les éboueurs passent (JU).
7 « Après trois mois, l’Éric a fichu au chenit ceux [des paillassons] que les gens n’étaient pas venus rechercher. » Le Rai-Tiai-Tiai aidjolat [journal de carnaval, JU Ajoie], n° 18, 1995, p. 11.
◇ Brosse à cheni, petite brosse pour ramasser les balayures (Schüle 1971, p. 19) ; pelle à cheni, porte-cheni, pelle à balayures (Schüle 1971, p. 18 ; Pid 1984, p. 171 ; ChapuisMots 1988, p. 41 ;
en France, déjà GasconDôle 1870 et CarrezHJura 1901, 1906). ⇒ ramassoire.
2.◆ (fam.) Désordre, fouillis, pagaille. Ça fait cheni. Qu’est-ce que c’est encore que ce cheni ? Il va falloir ranger tout
ce cheni. ⇒ cupesse 2.
8 « Cela fait rudement chenit dans le nouveau bâtiment des postes. Peut-être n’y a-t-il pas de crédit pour nettoyer
ces escaliers ? » Vevey-Riviera, 21 septembre 1990.
◇ (Très fréquent en emploi figuré.)
9 « Pour d’autres le docteur Chollet a été le seul et unique responsable du chenit. » J. Chessex, Portrait des Vaudois, 1969, p. 208.
10 « Lausanne Sports contre Bellinzone a accouché, en première mi-temps, d’une belle salade.
On n’avait alors que le magnifique soleil automnal pour se consoler. Mais sur l’aile
droite lausannoise, de par les essais de permutations entre quelques joueurs, ce fut
ce qu’on appelle dans le canton [VD] un vrai petit chenit. » 24 heures, 20 octobre 1976, p. 25.
11 « Si vous me passez l’expression, ça faisait un peu cheni pour le tableau final. » RSR I, 15 août 1977.
12 « En matière de traitement et d’élimination des ordures ménagères, il règne dans ce
canton* “un beau chenil”. » La Liberté, 7 octobre 1989.
13 « L’invasion de mauvaise qualité de papier et le manque de papier haut de gamme crée
ce que tout le monde s’accorde à appeler “un immense chenit”. » Le Matin, 21 juin 1993, p. 7.
14 « “Ça commence à faire chenil.” La formule est d’un responsable radical [= membre du Parti radical, centre droit]
et vaut – avec ce si vaudois sens de l’euphémisme – comme un signal d’alarme. » Le Nouveau Quotidien, 24 juin 1993, p. 9.
15 « Le chenil bancaire vaudois a vécu. » Le Nouveau Quotidien, 15 novembre 1993, p. 2.
16 « Je crois en ces hommes. Au sérieux de cette équipe, bien que depuis trois à quatre
ans ce soit le “chenit”. En son sein comme à sa direction. » Le Nouveau Quotidien, 31 décembre 1993, p. 18.
17 « Il y a trop de risques financiers et ce projet n’est pas bon pour le Valais ni pour
Monthey. Les projets mobilisateurs ? Je pense […] que ces projets mobilisateurs sont
du chenit. » 24 heures, 13 juin 1994, p. 5.
◇ (adj. inv.) Très désordonné.
18 « Il est chenil. » GPSR 3, 504b, 1960.
3.◆ (fam.) Effets personnels, considérés comme encombrants, embarrassants, inutiles, de peu
de valeur. Ramasse ton cheni ! ⇒ butin ; commerce.
19 « […] hardi papa ! en avant ! on va voir si tout ton “chenil” est bien en ordre. » W. Dubois, En poussant nos clédars, 1959, p. 99.
20 « […] ils entassent du chenit, ils arrivent avec leur commerce* et il faut tout débarrasser à leur décès, ça fait un tas d’histoires. » J. Chessex, Portrait des Vaudois, 1969, p. 174.
21 « C’est alors que, pour faire “son bout” de ces travaux de nettoyage, on essaie de faire la part du feu, dans ce qui vous
appartient et que des épouses parfois survoltées par leur besogne appellent “ton chenil” ! » Coopération, 14 avril 1977.
22 « Les valises et sacs de voyage sont utiles également lors d’un trajet en voiture. En
cas de panne ou d’arrêt en public, quel embarras de sortir “tout un chenit” du coffre. » Construire, 13 mars 1991, p. 49.
23 « [titre] Le chenit des autres / Métier menacé ou plaisir de récolter ce que les autres jettent ? » Construire, 29 mai 1991.
24 « J’ai rassemblé tout mon chenit qui était au grenier. Tout était là, mais je n’avais pas de linge de corps, pas de
chaussettes. » F. Clément, Les Vaches enragées, 1993, p. 185.
25 « Au galetas*, il a trouvé la valise en carton mâché. Elle avait échappé aux inventaires de routine,
cachée qu’elle était par un vélo sans sonnette et des stores autrefois bleus. “Du chenit !” C’est le mot qui lui reproche de manquer d’ordre, mais aussi qui sent le moisi du
temps révolu. » Construire, 22 novembre 1995, p. 48.
Remarques. En Suisse romande, ce mot d’une fréquence très élevée est senti comme totalement distinct
de frm. chenil n. m. “lieu où on loge les chiens” ; ce dernier se prononce [ʃ(ə)nil], ce qui n’est jamais le cas de cheni “poussière ; désordre” (même chez ceux qui choisissent de l’orthographier chenil). — La citation de Paul Morand (diplomate français ayant longtemps vécu en Suisse)
dans TLF 5, 656a s.v. chenil B et illustrant le sens de “désordre, pagaïe” (v. ci-dessus 2, fig.) devrait en fait être marquée « rég. (Suisse) ».
Commentaire. Première attestation : 1864 (ne faites pas tant de chenil “ne faites pas tant de saleté” GrangFrib). Du patois tsǝni̩ n. m. “balayures, décombres”, qui appartient à un type très bien attesté dans les dialectes de Wallonie, de Lorraine,
du Bourbonnais, de Bourgogne, de Champagne, de Franche-Comté et de Suisse romande
(v. FEW). Dans l’usage régional contemporain, le mot est attesté en Franche-Comté,
dans l’Ain, en Savoie et dans la Côte-d’Or (Magny). Cf. encore porte-chenils dans CollinetPontarlier et pelle à ch’ni dans DromardFrComt. V. aussi DRF. — Ce type dérivé de canis est à distinguer de frm. chenil “lieu où on loge les chiens”, représentant héréditaire de canĪle. La graphie en ‑is que l’on relève dans certaines sources pourrait être due à une analogie avec d’autres
substantifs en ‑is désignant « un ensemble d’éléments en désordre » (TLF s.v. ‑is), cf. cafouillis, éboulis, fouillis, grouillis, margouillis, ramassis, etc. Mais il s’agit de dérivés sur base verbale et non substantivale. Toutefois,
le suffixe ‑is est aussi attesté en français dans des « dér. à valeur collective sur des bases subst. » (ibid.) : châssis, lattis, paillis. Quoi qu’il en soit, les formes wallonnes telles que liég. tchinis’ n. m. “balayure” (encore vivant en français régional de Wallonie orientale et méridionale ; cf. en outre le dérivé tchinisrîe ; v. FrancardBastogne 1994) semblent indiquer qu’il s’agit bien d’un type suffixé
en ‑is (< ‑icius).
Bibliographie. BrunFrComté 1753 ; SchneiderRézDoubs 1786 ; MulsonLangres 1822 ; GrangFrib 1864 ;
GasconDôle 1870 ; ToubinJura 1869-70 ; BeauquierDoubs 1881 ; CorbisBelfort 1883 ;
CarrezHJura 1901, 1906 ; OdinBlonay 1910 ; Pier, PierSuppl ; CollinetPontarlier 1925 ;
Mâcon 1926 ; BoillotGrCombe 1929 ; FEW 2, 190a, canĪle et 193a, canis I 1 ; BiseHBroye 1939 ; DurafVaux 1941 ; FleischJonvelle 1951 ; GPSR 3, 504ab ; MeijerEnq
1962 ; ZumthorGingolph 1962, p. 256 ; Schüle 1971, p. 18-20 ; DondaineAuth 1976, p. 57 ;
TLF ; SchüleListeLar 1978 ; RLiR 42 (1978), p. 164 ; Lar 1979 ; DoillonComtois 1980 ;
PLi depuis 1980 ; RouffiangeMagny 1983 ; Pid 1983, 1984 ; PR depuis 1984 ; GR 1985 ; DurafHJura 1986 ; GuichSavoy 1986 ; ChapuisMots 1988 ; ChambonHSaône
1989 [1812], p. 137 ; TavBourg 1991 ; DromardFrComt 1991 ; DondaineMadProust 1991,
p. 69 ; ColinParlComt 1992 ; Lexis 1992 ; DuchetSFrComté 1993 ; GagnySavoie 1993 ;
NPR 1993 ; Lengert 1994 ; FrancardBastogne 1994 ; « courant dans tout le Haut-Jura » RobezMorez 1995 ; FréchetAin 1998 ; DRF 2001 ; GR 2001.
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