torrée n. f. (plus rarement torée)
◆ Repas en plein air où l’on consomme des saucissons et des pommes de terre cuits sous
les cendres et la braise d’un grand feu champêtre (⇒ dare).
★ Traditionnellement, les torrées avaient lieu l’automne, dans les pâturages du Jura.
De nos jours, elles peuvent avoir lieu tout au long de la belle saison, et s’apparentent
parfois à un simple barbecue, à une grillade en forêt, à un pique-nique où l’on fait
un feu pour griller quelques aliments. Les torrées jurassiennes. Une torrée traditionnelle. Faire une torrée avec les copains. ⇒ brisolée.
1 « Ce jour-là, le nombre record des “torrées” fut sans doute battu ; leur fumée s’en allait vagabonder parmi les feuillages, et
le soleil, avant de l’aspirer, jouait avec elle autour des troncs et dans les branches
indifférent au fumet des saucisses cuites sous la braise. » W. Dubois, En poussant nos clédars, 1959, p. 25.
2 « Un des inconvénients de la torrée authentique (je ne parle pas des grils perfectionnés à charbon de bois), c’est qu’il
faut attendre toujours trop longtemps que le saucisson soit cuit et les patates à
point, et qu’elles veuillent n’être plus brûlantes. C’est pourquoi il ne faut pas
oublier le pain et le fromage, ou même la carotte crue à croquer pour ne pas gâter
l’appétit des enfants. » M. North, J. Montandon, Neuchâtel à table, 1973, p. 114.
3 « Il faut, pour la torrée, du bois, beaucoup de bois. Il faut allumer très tôt un important brasier pour accumuler
la quantité de cendres nécessaires à cette préparation. Ce n’est qu’après deux ou
trois heures d’un feu vif, en ayant brûlé du bois bien sec, qu’on aura, sous la braise,
la couche de cendres nécessaire à y enfouir les saucisses. […] Elles resteront une
heure environ dans ce chaud logis avant de pouvoir être sorties et dégustées. Cuites
ainsi, elles ont, il faut bien l’avouer, un goût à nul autre pareil, qui fait de ces
torrées une manifestation gastronomique de valeur pour tous ceux qui savent encore apprécier
les choses simples de la campagne. On accompagne ces saucisses de la torrée de quelques salades, mais surtout de pommes de terre cuites elles aussi sous la cendre,
et placées dans ce logement en même temps que les saucisses. » J. Montandon, Le Jura à table, 1975, p. 90-91.
4 « Profitant du dernier soleil d’octobre, les élèves de l’école primaire accompagnés
de ceux de la garderie d’enfants se sont rendus dans la région de Bussy pour la traditionnelle
torrée automnale, sous la surveillance du corps enseignant et de quelques membres de la
commission scolaire [= organe exécutif communal responsable de la surveillance de
l’école]. » L’Express, 29 octobre 1976, p. 8.
5 « La torrée est un rite profondément ancré, symbole de convivialité et de liberté. C’est aussi
une technique, dont le respect des règles distingue les initiés. De grosses pierres
sèches forment un foyer circulaire dans un pâturage. On y fait un feu de bois mort
dans la braise duquel on mettra à cuire saucisson neuchâtelois, fromage du Jura, truites
du Doubs, pommes ou pommes de terre… » Neuchâtel / L’Avenir en fleur, une publication de la République et canton de Neuchâtel, 1987, p. 81.
6 « Depuis fort longtemps, les Neuchâtelois ont l’habitude de profiter des derniers beaux
dimanches d’automne pour réunir autour d’une torrée leur famille et des amis. Le menu type de la torrée est le saucisson du pays cuit sous la cendre, accompagné de pommes de terre en robe
des champs. Dès 10 heures, petits et grands vont à la recherche de bois mort, qui
servira à la préparation d’un grand feu généreusement alimenté, jusqu’à obtention
d’un brasier rougeoyant, que l’on reforme en ratissant les cendres en tas serré, jusqu’à
extinction complète des flammes. » RecettesNeuch, 1993, p. 13.
7 « Par la suite, J.-M. N. explique que “le grand art de la torrée”, c’est de faire la cendre. Sous la cendre, vous cuirez tout, les patates du pauvre ;
le poulet dans son jus ; le saucisson à l’ail bien sanglé, ficelé, empaqueté comme
un colonel helvétique ; la truite, voulez-vous l’essayer, avec un bout de beurre dans
l’arête ? Sur la cendre embrasée, le gigot à la broche, l’entrecôte bien tendre, au
dessert, châtaignes pétantes, pommes roussies, vin chaud. » Construire, 18 septembre 1996, p. 33.
◇ (graphie torée)
8 « Ce commerçant prévoyant, et imaginatif de surcroît, sait bien que, dans quelques semaines,
le printemps ouvrira toute grande la porte des pique-niques, des grillades forestières,
des broches odorantes, des torées montagnardes. Aussi a-t-il déjà prévu toute une gamme de spécialités, de quoi faire
venir l’eau à la bouche des gourmands et gourmets. » L’Express, 10 février 1977, p. 12.
9 « [titre] Berne autorise les torées dans les bois, à petit feu / Le Conseil* fédéral veut interdire l’incinération des déchets en plein air. Mais autorise les grillades. » Le Nouveau Quotidien, 8 janvier 1997, p. 15.
Localisation. 〈Canton de Neuchâtel〉, 〈Canton de Berne (Jura Sud)〉, 〈Canton du Jura (Jura Nord)〉.
Commentaire. Première attestation : 1867, avec le sens de “bouffée, colonne de fumée épaisse” (BonNeuch) ; 1881, avec le sens de “feu de berger, ou en général feu allumé en plein air et de moyenne grandeur” (v. Pier). Ce sens est aujourd’hui vieilli (« Au jardin, les déchets de toutes sortes laissés à même le sol après le passage de
la neige étaient rassemblés et brûlés. Cette torrée annonçait le départ des travaux du printemps. » M.-F. Schenk, Notre autrefois, 1993, p. 24) ; le mot désigne désormais, par métonymie, le rituel culinaire et ludique
et non le feu lui-même. Dérivé appartenant à la famille des descendants de tŎrr ?re (⇒ torailler). En France voisine, on ne relève qu’une attestation de ce type lexical, dans le patois
de la Grand’Combe (Doubs) : cf. turẹ́ n. f. “tourbillon de fumée” (v. FEW).
Bibliographie. BonNeuch 1867 ; WisslerVolk 1909 ; Pier ; FEW 13, II, 107b, tŎrr ?re I 1 a ; Pid 1984, p. 172 ; PLi depuis 1989 ; Lengert 1994 (qui donne 1948 comme 1re att. du sens de “espèce de fête en plein air”, mais sans aucune réf. textuelle) ; OffScrabble 1995.
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