dare [dɑ:ʀ] 🔊 n. f. (var. darre, dard, dar, dârre, dharre)
◆ (terme collectif) Branches de sapin coupées, munies de toutes leurs aiguilles, servant à couvrir les
plantes en hiver pour les protéger du gel, utilisées notamment pour faire du feu et
confectionner des balais. De la dare. Vente de dare. Aller à la dare, aller chercher de la dare. Faire de la dare. Un balai de dare. ⇒ pive.
1 « Il était permis d’acheter une saucisse, de sentir déjà les ondes chaudes de la torrée* et le parfum de la dard grillée ; chacun avait déjà repéré son coin, car nous avons tous notre coin préféré
comme les pêcheurs. » W. Dubois, En poussant nos clédards, 1959, p. 140.
2 « Dans ces larges pâturages tout semés de gentianes, on fait un grand feu de bois mort.
Pas trop de dârre (c’est de la ramure de sapin) mais de quoi laisser une bonne et belle braise. Dans
la cendre, on aura poussé des pommes de terre qu’on laissera doucement noircir et
peut-être éclater. » M. North, J. Montandon, Neuchâtel à table, 1973, p. 70.
3 « Ces gros dazons [v. rem. ci-dessous], c’est trop lourd, il faut de la fine dare pour mettre sur suivant quels légumes [= pour mettre sur les légumes selon leur sorte]. » Témoin âgé de 65 ans (NE Bevaix), 2 novembre 1978.
4 « De la darre a été préparée dans la division 1, chemin de Saules et au chemin Henriod. Les personnes
intéressées peuvent se servir à ces deux endroits. » Circulaire distribuée par le Conseil communal de Savagnier [NE], 30 octobre 1982.
5 « Dès la mi-décembre, la classe changeait d’aspect. Les garçons fixaient des guirlandes
en papier de couleurs vives entre les quatre lampes suspendues au plafond. Ils décoraient
de “dare” le pupitre de notre maître et le cadre en bois du tableau noir. » M.-F. Schenk, Notre autrefois, 1993, p. 73.
6 « Le service forestier de la ville de Boudry [NE] informe la population qu’il organise
une vente de dharre le samedi 6 novembre 1993. » Feuille d’Annonces du District de Boudry, 29 octobre 1993, p. 1.
↪ V. encore s.v. approchant 2.
Localisation. Surtout 〈Canton de Neuchâtel〉, 〈Canton de Berne (Jura Sud)〉, 〈Canton du Jura (Jura Nord)〉 et Jura vaudois ; ailleurs dans 〈Canton de Vaud〉 (ainsi que dans 〈Canton du Valais〉 et 〈Canton de Fribourg〉) on a plutôt le type dé n. m. ou f. (var. dai, dée, dê) qui représente une autre évolution phonétique ; ce dernier, contrairement à dare, semble toutefois devenu plutôt rare dans l’usage contemporain (une seule attestation
écrite au fichier CD : « On coulait le lait par un entonnoir en bois, le “couloir”, muni d’un filtre en brindilles de sapin, la “dée” » P. Hugger, Le Jura vaudois, 1975, p. 165) ; selon un témoin fribourgeois, cette forme (au masculin) serait toutefois
encore courante aujourd’hui dans le canton de Fribourg (à l’oral). Elle est est aussi
attestée (au féminin) en français régional de Besançon (v. DromardFrComt s.v. daie).
Remarques. Les graphies dare, darre et dard sont les plus courantes ; la graphie dharre est particulière au district de Boudry [NE]. — Cf. encore le dérivé dazon n. m. “grosse branche de sapin, rondin ; aiguilles, brindilles de sapin”, encore bien connu dans NE (v. ex. ci-dessus et s.v. approchant 2 ; cf. encore cet exemple dans la littérature contemporaine : « L’amour adolescent sait tellement où il va, raide comme un dazon, sûr de l’amour jusqu’à l’épuisement, tandis que l’amour adulte erre, sale jeu de
mots, l’amour adultère. » A.-L. Grobéty, Zéro positif, 1975, p. 150). Pour ce mot (encore attesté en français régional de Franche-Comté sous la forme daison, v. Dromard), v. GPSR 5, 39a-40b.
Commentaire. Dialectalisme ; des formes dar, daar, darre, etc. sont attestées dans NE dès 1676, v. GPSR ; des formes étymologiques sans ‑r sont déjà attestées à date plus ancienne (ibid.). Très vivant dans le canton de Neuchâtel et dans la partie méridionale du Jura.
L’origine du mot est incertaine. Le FEW suppose un étymon *dasia, mot préroman dont l’origine n’est pas claire, mais dont les représentants se retrouvent
sous différentes formes dans tout l’arc alpin : dans les dialectes rhéto-romans du
Tyrol, dans les Alpes lombardes, dans le Vorarlberg et dans le Frioul.
Bibliographie. SchneiderRézDoubs 1786 s.v. dais, dare ; GuilleNeuch 1829-32 ; PeterCacol 1842 ; BonNeuch 1867 ; GrangFrib 1868 s.v. dais ; GauchatR 1907, p. 873 ; WisslerVolk 1909 ; Pier, PierSuppl ; FEW III, 19ab, *dasia ; GPSR 5, 53b-55a ; IttCons 1970 s.v. dai ; Schüle 1971, p. 12-13 ; BourquinPays 1985, p. 70 ; GrafBern 1987 ; DromardFrComt
1991 s.v. daie et daison ; Lengert 1994.
Gisèle BOERI
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