les citations
réduire v.
1.◆ (v. tr.) Ranger, remiser (un objet) ; mettre en ordre, faire le ménage de (un endroit). Relaver* puis réduire la vaisselle. Réduis-moi ce butin*, ce cheni*, ce commerce* ! Il devrait réduire sa chambre, c’est un vrai boiton*.
1 « Nous réduisons dans nos sacs nos affaires. » MeijerEnq 1962, p. 62.
2 « Tout se serait bien passé, apparemment, sans cette maudite porte d’armoire. Côté Évangile, il y avait une armoire ; on y réduisait l’humble mobilier liturgique. Le curé, par inadvertance (ou le diable), en avait laissé la porte entrouverte. » M. Zermatten, Les Sèves d’enfance, 1968, p. 85.
3 « Qu’est-ce qui vous a pris de photographier cette cabane où ils réduisent les outils ? » RSR I, 23 octobre 1976.
4 « Dis donc, Marie-José, c’est toi qui as réduit la clef du bureau ? » Coiffeuse, Lausanne, 1976.
(spécialement, rural) Mettre à l’abri (bêtes) ; remiser, entreposer, emmagasiner (produits agricoles). L’orage peut venir, j’ai réduit tout mon foin. Réduire ses vaches.
5 « Cet homme “réduisait” ses bêtes plus facilement que l’on couche un bébé. » N. Bosson, Paillache ou la nuit des quatre temps, 1969, p. 69.
6 « Au-dessus, les gens de nos vallons, particulièrement nos fermières, ont déclaré : “Faudra bientôt s’occuper du jardin et “réduire” tout ça avant la neige !” » Coopération, novembre 1977.
7 « Un paysan avait un peu de froment : il avait été au battoir et il réduisait son froment, il le réduisait chez lui, dans une arche, en haut au galetas*. » P. Vaucher, dans Contes et Légendes de Fribourg, 1984, p. 197.
(v. tr. abs.) Faire le ménage ; ranger ses choses. ⇒ à-fonds ; poutze, poutzer.
8 « Vous avez réduit un peu tôt [en parlant de vêtements d’hiver rangés trop tôt]. » Coiffeuse, VD Lausanne, 1977.
2.◆ se réduire v. pron. Se retirer pour dormir, aller se coucher ; rentrer chez soi. C’est le moment de se réduire si on veut se lever tôt demain matin.
9 « Ils [les personnes âgées] vont en général se réduire de bonne heure. » Directrice d’un home*, RSR I, 2 juin 1977.
(au part. passé) Couché, au lit ; rentré à la maison. Chacun est réduit chez soi.
10 « À l’instant de se séparer pour la nuit, Berthe gagna la sortie ; la chambre à donner, qu’elle occupait, ouvrait sur le corridor extérieur. La vieille femme avait peur d’y rester seule, mais elle n’en manifesta rien devant les autres et, une fois “réduite”, s’enferma à double tour. » J. Matter, Parsifal ou le pays romand, 1969, t. II, p. 306.
Remarques. Tous les emplois du mot sont familiers et commencent à vieillir. Très rares dans la langue écrite, ils figurent pourtant dans toutes les cacologies au xixe siècle, et on en trouve encore de nombreux exemples dans la littérature romande de la première moitié du xxe siècle (fichier CD). — Les emplois de réduire en français de référence sont aussi connus et usités en Suisse romande.
Commentaire. Premières attestations : 1611 (au sens 1 ; v. Pier) ; 1852 (au sens 2, HumbGen). Emplois à rattacher à afr. mfr. soi reduire “se retirer dans un lieu, se dissimuler” (Chrétien, Brantôme ; v. TLF), mfr. se reduire ensemble “se réunir” (Amyot, Gdf 10, 513b), frm. réduit “rangé, qui vit dans le recueillement” (Malherbe, ibid.) ; cf. encore soi reduire “se réfugier”, att. ancienne dans VD (v. FEW). Avec COD inanimé, l’usage régional semble reposer sur l’un des sens (“ramener”) de lat. reducere, avec extension sémantique (ramener les choses à leur place équivaut à les ranger, les entreposer, les abriter), mais on ne trouve pas d’exemples anciens pour documenter cette filiation (sauf peut-être la première attestation du sens de “ramener à sa situation naturelle (un os luxé, fracturé)” chez Paré ; v. Gdf 10, 513b). Fr. réduit n. m. “retraite, refuge ; local de très petites dimensions” (TLF), rattaché par le FEW directement à lat. reductum (neutre substantivé du verbe) en raison de sa sémantique, trop éloignée de celle du verbe, semble en revanche être apparenté sémantiquement aux emplois exposés ci-dessus. Dans les patois, le sens de “ranger, remiser” est attesté en France dans le Doubs, la Loire, et tout le Dauphiné, et s’observe en français régional de Franche-Comté, de Savoie, en Velay et dans l’Isère ; quant au sens de “se coucher, rentrer chez soi”, il a été relevé dans les parlers du Doubs, de l’Ain, de la Loire, de l’Isère, ainsi qu’en provençal rhodanien (v. FEW) ; en français régional, il est attesté dans le Doubs et dans l’Isère.
Bibliographie. DeveleyVaud 1808, n° 199 ; Dumaine 1810, p. 256 ; GaudyGen 1820, 1827 ; DeveleyVaud 1824 ; GuilleDial 1825, p. 46, 52, 79 ; PeterVoc 1828 ; GuilleNeuch 1829-32 ; PeterCacol 1842 ; HumbGen 1852 ; CalletVaud 1861 ; GrangFrib 1864 ; BonNeuch 1867 ; BGPSR 9 (1910), p. 26 ; Pier ; « se réduire “aller se coucher”, vieilli et rare dans ce sens » BoillotGrCombe 1929, p. 262 ; FEW 10, 181b et 182b, reducere I 1 a ; MeijerEnq 1962, p. 62, 84, 138 ; IttCons 1970 (> DFV 1972, CuenVaud 1991) ; « régional » GR 1985 (qui renvoie à une citation de Damourette et Pichon s.v. ranger, où l’emploi est identifié comme romand) ; “ranger, mettre à sa place” GuichSavoy 1986 ; « réduire v. tr. “rassembler en un seul lieu ; amener quelqu’un chez soi après recherches”, v. intr. “mettre en radeaux (en parlant du foin)”, v. pron. “rentrer chez soi” » MartinPellMeyrieu 1987 ; ChapuisMots 1988 ; PLi depuis 1989 ; « réduire la table » DondaineMadProust 1991, p. 71 ; HeitlandNeuch 1993, p. 44 (réduire “ranger” très bien connu par les témoins) ; « réduire sa table “débarrasser, desservir” » DuchetSFrComté 1993 ; « “ranger, mettre à sa place” globalement connu » FréchetMartVelay 1993 ; « réduire v. tr. et intr. “rassembler (des récoltes, un troupeau)” » BlancRouatVill 1993 ; SkupienPurisme 1994 ; Manno 1994, p. 215 (une att. à Neuchâtel, aucune à Genève) ; « se réduire “rentrer chez soi” ; régionalisme sémantique de Chapelle-des-Bois, attribué aux voisins suisses » RobezMorez 1995.
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