contre prép. et adv.
I.◆
1.◆ (sens spatial) ◆ (prép.) En direction de, vers. Aller, marcher, se diriger contre. ⇒ vers 3.
1 « […] alors ça donnait de temps à autre des débats mouvementés dans la ferme sise sur
un petit plateau quand on grimpe au fond du vallon contre les Roches. » W. Dubois, En poussant nos clédars, 1959, p. 16.
2 « Un matin nous sommes partis contre la Suisse. » MeijerEnq 1962, p. 12.
3 « La scène se fixe devant lui avec une netteté aiguë : l’herbe secouée contre le chalet, le soir violet […]. » J. Chessex, L’Ogre, 1973, p. 47.
4 « Dirigez-vous contre la ville. » Enq. CD/II, 1975-1981 (NE Le Landeron).
5 « L’hélicoptère volait contre l’est. » Enq. CD/II, 1975-1981 (NE Le Landeron).
6 « Elle est allée se promener contre la piscine. » Enq. CD/I, 1975-1981 (BE Moutier).
7 « Je marche contre la montagne. » Enq. CD/I, juillet 1976 (BE Saint-Imier).
8 « Celle-ci, instinctivement, a tiré sa robe un peu en haut, contre les genoux, et l’armailli* a vu des pieds fourchus et des jambes toutes “poileuses” [= poilues]. » A. Pernet, Contes et légendes de Fribourg, 1984, p. 50.
◇ (avec un adv. de lieu) Contre en haut, contre en bas.
9 « Tu viens, Christine, on va contre en bas ? » 1975 (VD Lausanne).
10 « Une moustache comme on les portait, les bouts lissés contre en haut. » A. Layaz, Malvallée, 1976, p. 155.
◇ Près de, à côté de, du côté de, aux environs de. ⇒ vers 1.
11 « Il y avait trois fantômes de tilleuls jaunâtres dans la lumière des lampes devant
la porte, et un bouquet de sapins contre une remise. » J. Chessex, Portrait des Vaudois, 1969, p. 217.
12 « Nous avons observé des chamois, contre Chasseral. » Enq. CD/II, 1975-1981 (BE La Neuveville).
13 « Il habite contre la gare. » Enq. CD/II, 1975-1981 (BE Moutier).
14 « Ce magasin est contre l’église. » Enq. CD/II, 1975-1981 (JU Porrentruy).
15 « Au bout d’un moment passe une jolie fille qui venait de Senèdes contre Ependes. » Fr. Mauron, Contes et légendes de Fribourg, 1984, p. 147.
↪ V. encore s.v. plot III.
I. 2.◆ (sens temporel) ◆ (prép.) Vers. Aller contre le printemps. Aller contre la fin. J’arriverai contre les 5 heures.
16 « Dans son verre le vin portait toute la couleur des jours d’automne ; cette lumière
douce que vous aussi vous connaissez bien, et qui vous dit que l’on glisse gentiment* contre l’hiver […]. » W. Dubois, En poussant nos clédars, 1959, p. 50.
17 « Ce soleil ce matin c’est extraordinaire, on va contre les beaux jours… » A.-L. Grobéty, Zéro positif, 1975, p. 14.
18 « J’arrête le chauffage : nous allons contre des jours plus chauds. » Enq. CD/II, 1975-1981 (NE Le Landeron).
19 « Les gens de chez nous aiment à répéter : “Heureusement, on va contre le printemps !” » Coopération, 18 mars 1976.
20 « On va contre l’automne. » Enq. CD/I, juillet 1976 (BE Moutier).
II.◆ (en emploi abs., avec pronom personnel atone indirect comme régime). Entre dans la composition de certaines locutions verbales, avec des verbes impliquant
une idée de mouvement. Sauter contre, venir contre ; bâiller, crier, cracher contre.
21 « Mais je suis un ivrogne qui te crache contre, qui te pisse contre. » A.-L. Chappuis, Quand la grêle et le vent, 1960, p. 208.
22 « C’était le petit train qui, sans se presser – on le surnommait la brouette – “me venait contre”, en lâchant un nuage de fumée en forme de champignon. » G. de Reynold, Mes Mémoires, t. II, p. 32.
23 « Il y avait un singe qui m’a sauté contre. » Mei-jerEnq 1962, p. 56.
24 « Il faudrait voir le monde avec les yeux de Paschoud, quand il sort éberlué et zigzaguant
du Buffet de la Gare ou de la Couronne. Un monde qui lui saute contre, dont les couleurs lui tirent les nerfs, tordent ses muscles […]. » J. Chessex, Portrait des Vaudois, 1969, p. 15.
25 « Saint Antoine se jette dans la bousculade, les figures lui sautent contre ! » J. Chessex, Carabas, 1971, p. 202.
26 « J’ouvre la marmite du Diable, je lis, et tout ton Valais me saute contre ! » J. Chessex, Écritures, 1972, p. 205.
27 « Le vide comme un bloc noir me saute contre. » M. Chappaz, La haute route, 1974, p. 89.
28 « Ce chien m’a sauté contre. » Enq. CD/II, 1975-1981 (JU Porrentruy).
29 « Il y avait le grand manche de l’outil qui nous arrivait contre. » RSR, 20 mai 1976.
30 « Un étranger me vient contre. » Enq. CD/I, juillet 1976 (BE Saint-Imier).
31 « Amis, faites comme moi. Si je m’arrête par politesse avec un intérêt feint devant
les bottes de cuir, les sacs de même peau, des manteaux éblouissants parce que j’ai
senti un freinage intentionnel dans la progression de ma compagne, je joue, quant
à moi, les hypnotisés dès que la vitrine aux cannes et aux moulinets me saute contre. » Tribune-Le Matin, 5 décembre 1976, p. 7.
Remarques. L’expression n’avoir rien contre est considérée à tort comme une particularité du français de Suisse romande par certains
auteurs (v. par ex. Pier), alors qu’elle est tout à fait courante en français général ; il en va de même
d’autres emplois absolus de contre (voter pour ou contre, être contre).
Commentaire. Première attestation de I 1 : 1542 (VD Lausanne) ; I 2 : 1475 (FR) ; II : 1540 (GE) ;
1618 (NE) ; v. Pier, PierSuppl et GPSR. Les emplois regroupés sous I sont des archaïsmes
du français général : le sens de “vers, dans la direction de” est attesté de la Chanson de Roland (fin xie s.) jusqu’à la fin du xixe s. ; le sens de “vers, en s’approchant d’un point dans le temps” est attesté de la Chanson de Roland jusqu’à Froissart (xive s.). Le Doubs (Grand’Combe), l’Alsace et la Belgique connaissent (ou ont connu) l’emploi
I 1 (v. Wolf, Pohl) ; Mâcon (Saône-et-Loire) connaît I 1 et 2 ; Lyon et le Beaujolais
connaissent I 2 (« on va contre les beaux jours »), et l’Allier I 1 (« contre l’église » “près de l’église”, France Lagueunière, comm. pers., 10 juin 1997). La construction classée sous II, attestée depuis longtemps et très
répandue dans les dialectes de toute la Suisse romande, est peut-être due à l’influence
de l’all. (cf. entgegenfahren, ‑führen, ‑gehen, ‑kommen, ‑laufen, ‑setzen, etc.). Mais il s’agit plus vraisemblablement d’une innovation ; on rencontre couramment
des prépositions en emploi absolu en français familier (il lui court après, il me saute dessus, elle leur est rentrée dedans, etc. ; v. GrevisseGoosse13, § 647d). Cf. encore Haut-Jura venir contre loc. verb. “se jeter sur qn” (RobezMorez). Le GPSR ne se pose pas la question de l’origine de cet emploi.
Bibliographie. DeveleyVaud 1808, n° 25, 390 ; Dumaine 1810, p. 223 ; GaudyGen 1820, 1827 ; PeterVoc
1828 ; PeterCacol 1842 ; HumbGen 1852 ; GrangFrib 1864 ; BonNeuch 1867 ; Gdf 2, 271ab ;
PuitspeluLyon 1894 ; Pier, PierSuppl ; Mâcon 1926 ; BoillotGrCombe 1929, p. 60 ; FEW 2, 1112b, contra I 1 c β ; Pohl 1950 ; GPSR 4, 274b-280a ; MeijerEnq 1962 ; Voillat 1971, p. 224 ; TLF ; WolfFischerAlsace
1983 ; GR 1985 ; DondaineMadProust 1991, p. 76 ; VurpasMichelBeauj 1992 ; VurpasLyonnais
1993 ; GrevisseGoosse13, § 1009 ; Lengert 1994 ; SalmonLyon 1995 ; GR 2001.
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