plot [plɔ] n. m.
I.◆
1.◆ Billot ou tronc pour fendre du bois. Un plot de sapin. S’asseoir sur un plot. Des plots en guise de sièges.
1 « Rassuré, il a ri et a fait le geste de fendre une grosse bûche. La hache est restée
plantée dans le plot. » S. Chevallier, Ces Vaudois !, 1966, p. 12.
2 « Je montais à son appartement couper du bois sur un petit plot. Elle m’encourageait […]. » J. Chessex, Reste avec nous, 1967, p. 67.
3 « Au coin du toit un[e] stalactite égrène une goutte d’eau en cinq minutes. Il y a un
plot de sapin. […] Les gardiens troussent quelques quartiers de bois à la hache, une deux
en l’air ! » M. Chappaz, La haute route, 1974, p. 61.
◇ (spécialement) Billot pour tuer les volailles dans une basse-cour (cf. ci-dessous II).
4 « Des poules s’affolent dans une basse-cour, la patronne saisit un coq dodu par les
ailes et l’emporte vivement au bûcher où le tuer sur le sinistre plot. À la hache ! » J. Chessex, Portrait des Vaudois, 1969, p. 250.
◇ dormir comme un plot loc. verb. Dormir très profondément (cf. français de référence comme une bûche).
I. 2.◆ Bille de longueur moyenne, sciée ou non en planches. Vendre du bois en plots.
5 « [énumération de produits de scierie] Bois de charpente […] Bois débité pour fenêtres ;
cadres et guichets. Bois de toutes essences en plots […]. » Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève, 6 février 1974, p. 124.
◇ (vieilli) Cales sur lesquelles repose une voiture entreposée pour l’hiver.
6 « [en 1941] Il ne circule guère que des véhicules d’armée, l’auto du médecin local,
des escouades de convoyeurs. Faute d’essence, les autos privées reposent sur leurs
plots. » V. Darbellay et al., Liddes, 1976, p. 68.
◇ (mod.) Structure portante sur laquelle repose un véhicule automobile entreposé ou en réparation.
Mettre sa voiture sur les plots.
7 « Pour votre voiture, cet hiver / PLACES* DE PARCAGE JOUR ET NUIT / en location mensuelle, libres actuellement. Conditions avantageuses pour dépôts
(sur plots). » Tribune-Le Matin, 29 octobre 1976, p. 3.
8 « […] en réparant par exemples les camions de la voirie dans des garages privés plutôt
que sur les plots communaux […]. » La Liberté, 24 mars 1990.
II.◆ Billot de boucherie, grosse pièce de bois sur laquelle on débite la viande. Plot de boucherie.
9 « Le char des patrons bouchers était toujours très remarqué : une vraie boucherie avec
jambons, guirlandes de saucisses et de saucissons de toutes sortes et des plots autour desquels s’affairait le personnel armé de merlins et de longs coutelas que
l’on aiguisait sur des meules de belles dimensions. » IttÇà, 1975, p. 99.
10 « [annonce] la bonne affaire du SUPER MARCHÉ […] / Le rendez-vous des fins becs. Tout ce qui a un rapport avec le boire et le
manger. Les bouchers sont au plot ! » Lausanne-Informations, 29 septembre 1976, p. 13.
◇ (par métonymie) Travail du boucher consistant à débiter la viande sur ce billot. Boucher connaissant bien le plot. Garçons bouchers demandés pour le plot.
11 « Nous cherchons, pour notre magasin principal de Montreux / BOUCHER-VENDEUR / aimant le contact avec la clientèle, connaissant bien le plot pour la préparation des commandes et la vente. » 24 heures, 4 mars 1977, p. 60.
◇ Garçon, boucher de plot, garçon étalier. Garçon de plot demandé.
12 « GARÇON DE PLOT / GÉRANT / qualifié, capable de travailler seul. Bon salaire. % sur la vente. Références exigées. » 24 heures, 3 mars 1976, p. 40.
13 « Nous cherchons pour notre MM rue Neuve / BOUCHER DE PLOT / S’ADRESSER à / Société Coopérative M. Vaud / Service du personnel. » 24 heures, 1er juillet 1976, p. 49.
14 « On cherche, pour notre succursale de l’avenue Général-Guisan, pour la mi-juin ou date
à convenir / garçon de plot / jeune homme actif et consciencieux pour le service au magasin et la préparation
de viande. » La Liberté, 20 mai 1977, p. 28.
◇ Service au plot, service à la clientèle directement à l’étal.
15 « C. engage, pour entrée immédiate ou date à convenir / jeune boucher qualifié / connaissant
parfaitement le service au plot et aimant la vente. Horaire de travail agréable et bonnes conditions d’engagement. » Le Pays, 11 février 1977, p. 8.
III.◆ Grosse brique de ciment, de béton ; parpaing. Une maison moderne en plots. Des plots dans le parking, sur le bord de la route. ⇒ carron.
16 « Les entreprises se heurtent entre elles ; la drague et les plots de ciment en aval du fleuve sont contre* la carrière en amont, les vignes de celui-ci contre* celles de celui-là. » M. Chappaz, Portrait des Valaisans, 1965, p. 161.
17 « Tout d’abord et en quelque sorte, une revanche à prendre sur la vie et sur ses deux
sœurs mariées bien avant elle ; deuxièmement, une sorte de gêne et une erreur de jugement,
un mirage qui vous fait croire que c’est autrement mieux d’habiter une maison en plots, sur le modèle de milliers d’autres, mais neuve, qu’une vieille ferme aux murs épais
et plusieurs fois centenaires, pleine d’âme et d’histoire, comme celle où j’ai passé
mon enfance et qui est revenue à Paul. » G. Clavien, Le Partage, 1976, p. 212.
18 « Pour que les rongeurs ne s’introduisent pas dans la volière pendant la nuit, plutôt
que d’enterrer les grillages dans le sol où ils rouilleraient rapidement, on a avantage
à construire un muret à l’aide de plots de ciment […] qu’on place en quinconce dans un fossé de quelque 15 cm de profondeur
[…]. » Femina, 13 octobre 1976, p. 119.
19 « Sélectionnant leur butin en fonction de critères bien définis et de leurs besoins,
ils font disparaître une quantité de plots, de sacs de ciment et de tubulaires qui, aux dires de certains, auraient suffi à permettre
la construction d’une villa entière dans la région nyonnaise*. » 24 heures, 29-30 janvier 1977, p. 40.
20 « Laboratoire d’expérimentation architecturale (LEA) selon la définition officielle,
ce lieu concrétise précisément l’idée de son promoteur : réaliser “en vrai”, à partir de plots à emboîtements et de plateformes mobiles, n’importe quel projet de construction avant
de le donner au maçon. » Construire, 3 mai 1978, p. 16.
21 « Il avait exploité la carrière du Coénat, et s’était fait quelques sous en fabriquant
des plots [en italique dans le texte], sorte de briques de ciment qu’il livrait aux entrepreneurs. Dans la région, on
trouvait les plots [id.] du Pilome un peu partout, dans les récentes et coquettes maisons des pierristes,
dans les étables rénovées, dans les loges des pâtures, sous les ponts* de grange. » ChapuisBonfol, 1985, p. 7.
22 « Le Jean-Marie […] construira son mur “antibruit M.”, avec les plots en ciment qu’il collectionne depuis plus d’un an. » Le Rai-Tiai-Tiai aidjolat [journal de carnaval, JU Ajoie], n° 18, 1995, p. 2.
◇ (emploi fig.) Objet lourd et massif.
23 « L’homme formait un plot de graisse. Son visage porcin se ramassait autour d’une bouche sèche comme une cicatrice. » M. Métral, Un Jour de votre vie, 1976, p. 120.
IV.◆ Bloc de jeu de construction pour enfants. Des petits plots en bois vernis. Des plots de construction. Des plots en plastique.
Jouer aux plots. Faire un château avec des plots de toutes les couleurs.
24 « Et les bourgeois se hâtaient. Ils entassaient toutes sortes de jouets au pied de la
chaise de saint Pierre : des chevaux de bois, des agneaux, des éléphants en peluche,
des seaux en fer, des poupées, des locos, des sabres, des agates, des petites vaches
taillées dans l’écorce, des bateaux, des jeux de dominos, des masques, des fouets,
des soldats, des plots, des fléchettes, des arcs ! » M. Chappaz, Le Match Valais-Judée, 1968, p. 181.
25 « L’équilibre dans lequel nous vivons depuis quelques mois est si précaire qu’il suffirait
de presque rien pour le détruire. Comme un château de plots : que l’on vienne à en retirer un, même minuscule, et voilà que tout s’écroule. » Y. Z’Graggen, Chemins perdus, 1971, p. 132.
26 « Mais tout cela est-il bien nouveau ? Combinaisons, encastrements ne sont-ils pas les
derniers avatars du Lego, du Meccano, voire, plus directement encore, du jeu de plots, qui remonte à tout le moins aux Égyptiens ? » Construire, 1er novembre 1978, p. 14.
27 « [légende d’une photo] Les plots de bois sont des objets gros et faciles à saisir et sont donc l’idéal pour les petites
mains peu habiles des enfants. » Catalogue VEDIA, octobre 1982.
28 « Le port, on s’y enfouira en trois heures. C’est l’usine toutes entrailles dehors avec
ses milliers de caisses scellées, les masses de containers rouges, bleus, jaunes tels
des plots d’enfants, les chantiers de tôle sur des kilomètres. » M. Chappaz, L’Océan, 1993, p. 17.
V.◆ Tas de cartes dans lequel les joueurs puisent à tour de rôle, dans certains jeux de
cartes et divers jeux de société ; talon. Prendre une carte dans le plot.
29 « Nos lecteurs pratiquant le binocle [= variété de jass*] voudront bien nous donner leur avis là-dessus. À deux, donc, il y a deux phases
distinctes. Pendant la première, il y a le plot, dans lequel, à chaque plie [= pli, levée], les joueurs puisent chacun une carte.
On n’est pas obligé de fournir la couleur, et l’on peut couper à volonté si l’atout
a été fixé. Dans la seconde phase, après épuisement du plot, on est par contre tenu de fournir la couleur ou, si l’on n’en a pas, de couper. » 24 heures, 12-13 juin 1976, p. 31.
VI.◆ Tête, crâne. Avoir mal au plot. Mets-toi bien ça dans le plot !
30 « X., dit Einstein parce qu’il a quelque chose sous le plot. » RSR I, émission “Demain Dimanche”, 5 mai 1977.
◇ (se) miner le plot loc. verb. (pron.). (Se) casser la tête.
31 « Il commence à nous miner le plot, cet olibrius, grommela Jim. » A. Voisard, L’Année des treize lunes, 1984, p. 84 [cité dans Lengert 1994, p. 306 – où il est écrit à tort Jean au lieu de Jim].
32 « En attendant une réponse, il ne reste plus qu’à se miner le plot ! » La Liberté, 7 janvier 1993, p. 11.
33 « […] si on se met à déplacer tous ceux qui nous minent le plot, ce ne sera plus une administration mais un jeu de dominos… » La Suisse, 18 février 1993, p. 9.
34 « Il ne faut pas se miner le plot, on trouvera bien une solution. » H. Chevalley cité dans VoxRom 55 (1996), p. 336, n. 8 (compte rendu de Lengert 1994 par Z. Marzys).
Remarques. En français de référence, plot est réservé à des emplois techniques divers, qui se caractérisent par la multiplicité
de leurs champs d’emplois. Le sens le plus fréquemment rencontré dans la lexicographie
générale est celui de “pièce métallique permettant d’établir un contact (en particulier en parlant d’un tramway)” (v. GLLF 1976 ; GR 1985 ; TLF ; NPR 1993). On trouve aussi plot de départ “petite élévation quadrangulaire d’où plonge le nageur au départ d’une épreuve” dans TLF et NPR 1993. Les nombreux autres sens attestés n’ont été relevés que dans
l’une ou l’autre des sources citées, auxquelles on se référera pour un tableau d’ensemble
(v. encore FEW 15, I, 167b, Lexis 1975, 1992 et DucMure 1990).
Commentaire. Régionalisme de l’est galloroman (« Doch ist das wort eindeutig auf den osten des gallorom. beschränkt (frpr. franc-comtois bourg. Bourbonnais, pr. auv.) », v. FEW), attesté dès l’ancien (1290) et le moyen français ainsi que dans de très
nombreux parlers modernes avec divers sens plus ou moins techniques, dont celui de
“billot” est le plus fréquent (v. FEW) ; comme c’est souvent le cas avec les régionalismes
de grande extension, le mot est passé à la langue commune dans de nombreux emplois
techniques spécialisés (v. rem. ci-dessus) mais ne fait pas vraiment partie de la langue courante, en particulier
dans la moitié occidentale de la France (ni du reste en Belgique ou au Canada). En
français régional de France, le mot est toutefois très bien représenté dans l’est
du pays, essentiellement avec les sens de “billot (pour le bois ou pour la viande)” et “tabouret” ; v. bibliographie ci-dessous et DRF pour le détail des données. De nombreux ouvrages
évoquent un croisement entre le lat. plautus “plat” et le moyen néerl. blok (v. par ex. TLF) pour expliquer l’origine du mot. Ce n’est pas exactement ce que l’on peut lire
dans FEW : « An plautus “plattfuss” anzuschliessen geht nicht, weil die bed. durchwegs die von einem klumpen, nicht von
etwas flachem ist. Hingegen ist es denkbar, dass plautus lautlich auf die vertreter von blok eingewirkt hat. » On parlera donc plus précisément d’une influence phonétique des représentants de
plautus sur ceux de blok, et non d’un croisement. I 1 est attesté en Suisse romande depuis 1409 (dans un texte en latin) et 1552 (dans un texte en français). La loc. dormir comme un plot est attestée pour sa part depuis 1820 (Gaudy) ; on la relève aussi dans le Haut-Jura (Robez-Morez), à Lyon (Puitspelu ;
Salmon) et en Savoie (Guichonnet). I 2 est attesté depuis 1862 (trad. de Gotthelf dans Pier). II est attesté depuis 1566 (« ung plot de bois pour couper la cher au dessus », v. Pier). III est attesté depuis 1863 (Olivier dans Pier). IV est attesté depuis 1902 (v. Pier). V est isolé dans la documentation romande, mais cf. Vaudioux, Mignovillard [Jura fr.] plo m. “talon au jeu de cartes” (v. FEW). VI est attesté depuis 1921 (Roux).
Bibliographie. SchneiderRézDoubs 1786 ; GaudyGen 1820, 1827 ; DeveleyVaud 1824 ; HumbGen 1852 ; “billot (pour la viande)” ConnyBourbR 1852 ; CalletVaud 1861 ; “billot pour hacher herbes et viande” MègeClermF 1861 ; GrangFrib 1864 ; BonNeuch 1867 ; “anciennement, billot du bourreau” Littré 1868 ; “bille de sciage (Nancy 1868, Jura 1876)” LittréSuppl 1877 ; “billot” BeauquierDoubs 1881 ; “billot” PuitspeluLyon 1894 ; “loquet ; billot ; tronc” Gdf 6, 230b ; “billot, bloc de bois” ConstDésSav 1902 ; “billot” VachetLyon 1907 ; WisslerVolk 1909 ; OdinBlonay 1910, p. 423b ; “vieux cheval ; tête, figure” RouxArgSold 1921 ; Pier ; “bille de bois dépouillée de son écorce” CollinetPontarlier 1925 ; “billot de bois ; borne de pierre” Mâcon 1926 ; “bille de bois” BoillotGrCombe 1929, p. 246 ; “billot de bois chez les bouchers” BrunMarseille 1931 ; “épais quartier de bois ; petit banc de bois” PrajouxRoannais 1934 ; “billot (où l’on coupe de la viande ; où l’on fend du bois)” MiègeLyon 1937 ; FEW 9, 53a, plautus (données isolées) et 15, I, 167b-168a, blok III (où toute la famille se trouve), v. TraLiPhi 27 (1989), p. 165 ; MüllerMarécottes
1961, p. 64 ; BaldLyonn 1966, p. 61 ; IttCons 1970 (> DFV 1972) ; “billot” BonnaudAuv 1976 ; « “billot pour fendre le bois” (Lyon, Savoie, Isère) » RLiR 42 (1978), 181 ; “tronc pour bois d’œuvre ; tabouret pour traire ; gros morceau de bois pour fendre
les bûches” ManteIzeron 1982 ; “billot” TuaillonVourey 1983 ; “billot à fendre le bois” RouffiangeMagny 1983 ; “billot pour fendre les bûches ; bel et gros enfant” GononPoncins 1984 ; « “billot” encore usité dans certaines régions » GR 1985, 2001 ; “billot ; lourdaud” GermiLucciGap 1985 ; “billot” DurafHJura 1986 ; “billot ; moellon” GuichSavoy 1986 ; “brique en ciment” ChapuisMots 1988 ; « rég. (Franche-Comté, Bourgogne, Auvergne, Provence) » TLF ; « Suisse “billot” » PLi depuis 1989 ; “billot ; tabouret” MartinPilat 1989 ; “billot pour fendre les bûches ; socle de ciment ; pièce de bois transversale ; personne
lourde, au physique et au moral” DucMure 1990 ; “billot pour fendre le bois” DromardFrComté 1991 ; “bille de sapin sur laquelle on coupe du bois” ColinParlComt 1992 ; “billot ; tabouret” VurpasMichelBeauj 1992 ; “tronc à hacher la viande, pour bûcher le bois, etc.” HeitlandNeuch 1993, p. 46 (8 témoins sur 14) ; “billot à hacher” DubuissonBonBerryB 1993 ; “bûche pour fendre le bois” DuchetSFrComté 1993 ; “billot (pour fendre le bois ; pour couper la viande)” GagnySavoie 1993 ; “billot (pour fendre le bois)” VurpasLyonnais 1993 ; “billot (pour fendre le bois)” FréchetMartVelay 1993 ; “tabouret ; billot (pour fendre le bois) ; souche d’arbre” BlancRouatVill 1993 ; Lengert 1994 ; “billot” RobezMorez 1995 ; “billot (pour la viande)” SalmonLyon 1995 ; “billot ; tabouret ; pièce cubique en bois du pressoir” FréchetAnnonay 1995 ; DRF 2001.
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