les citations
vers prép.
1.◆ (sans idée de mouvement ; exprime une localisation dans l’espace, souvent avec un verbe copule) Près de, auprès de ; avec (animés). Un tableau suspendu vers la porte, près de la porte. Elles étaient assises vers la table, près de la table. Restez vers moi, avec moi. Notre fille reste vers nous à Noël, chez nous, avec nous. ⇒ contre I 1.
1 « Le père Bertholet cheminait lentement, avec toute sa peine. Il s’était arrêté pour reprendre son souffle. Il se retourna. Le grand sapin veillait sur Paulet comme une croix de cimetière. Son cadet était là. Il était aussi vers sa mère. » A.-L. Chappuis, Quand la grêle et le vent, 1960, p. 219.
2 « Sa maman reste un moment vers elle. » MeijerEnq, 1962, p. 34.
3 « Bernard l’a attaché dans un coin de l’écurie vers les abattoirs. Il lui a donné à manger en contrebande. Il est tendre avec lui. » M. Chappaz, Le Match Valais-Judée, 1968, p. 107.
4 « […] je l’ai remarqué au cours de français, un charmant visage au sortir de l’adolescence, un peu fier, encore un peu timide, un peu tendre, tranquille dans son coin à prendre ses petites notes, malheureusement dès le cours terminé, toujours à discuter vers cet idiot de Bühler qui a passé son baccalauréat en même temps que moi […]. » A.-L. Grobéty, Pour mourir en février, 1970, p. 121.
5 « Est-ce qu’il dort vers le chien ? [en parlant d’un chat] » Coiffeuse (VD Lausanne), 1977.
6 « Par exemple, elle me téléphone tous les jours pour que ma fille et moi allions passer quelques heures vers elle. » L’Illustré, 6 juillet 1977, p. 83.
↪ V. encore s.v. carnet II ; fourneau 1.
2.◆ (sans idée de mouvement concret ; sert à introduire le destinataire d’un geste, d’une parole, d’un cri, etc.) Envers ; auprès de ; à l’adresse de ; en direction de. Se justifier vers qn, envers qn, à son égard. Avoir un geste vers qn, envers, pour, en faveur de qn. Sourire vers qn, à qn ; rire vers qn, à l’adresse de qn, en direction de qn. Faire des démarches vers qn, auprès de qn. Soupirer vers qch. ou qn, après qch. ou qn. Supplier vers qn, supplier qn.
7 « Enfin, disons vers toi, je n’ai pas à me justifier, tu me prends comme je suis […]. » A.-L. Grobéty, Zéro positif, 1975, p. 112.
8 « Il m’explique les mécanismes, les poussées, le poids, et puis il recommence vers Jean-Marc qui se penche. » A.-L. Grobéty, Zéro positif, 1975, p. 276.
9 « Or, les multiples démarches que le comité a faites vers les autorités : lettres et entrevues… n’ont jamais abouti à rien. » Le Pays, 17 novembre 1976, p. 16.
10 « Par après j’ai administré à la petite Mérette […] sa correction régulière de la semaine qui a été plus rude, parce que je l’ai couchée sur le banc et fouettée avec une verge neuve, non sans lamenter et soupirer vers le Seigneur, pour qu’il veuille bien mener à bonne fin la triste besogne. » C. Bille, Deux passions, 1979, p. 17.
11 « Ce coup à la tempe fut d’abord la seule chose qui l’inquiéta et elle se mit à rire vers les deux hommes, debout sur le sentier, qui la regardaient. » C. Bille, Forêts osbcures, 1989, p. 53.
12 « Toute la nuit Fifon l’a veillé et il voulait téléphoner. Vers qui ? vers son enfance ? » M. Chappaz, La Veillée des Vikings, 1990, p. 123.
(particulièrement fréquent avec des verbes exprimant un acte de parole, un cri) Parler, crier, dire, aboyer vers qn.
13 « Il commença à poser des questions d’une voix douce, monocorde. Je devais me pencher pour mieux l’entendre. Il ne parlait pas en s’adressant à vous, il ne parlait pas “vers vous”, il questionnait la nuit. » C. Bille, L’Enfant aveugle, 1955, p. 10.
14 « Dans les pavillons au bord de la voie, les chiens sont nombreux à nous regarder passer derrière un grillage. Ils aboient vers nous par habitude, mais on ne les entend pas. » G. Borgeaud, Le Soleil sur Aubiac, 1986, p. 13.
15 « Alors, tu dis vers elle, du plus fort que tu peux : “Donnez-moi la petite, donnez-la-moi ! J’en prendrai soin !” » A.-L. Grobéty, Belle Dame qui mord, 1992, p. 53.
3.◆ (avec idée de mouvement) À la rencontre de (qn) ; près de, auprès de (qn). Aller vers les enfants, aller rejoindre les enfants, allez auprès des enfants, aller à leur rencontre. Nous sommes allés vers eux, à leur rencontre. Venez vers moi, approchez-vous, venez près de moi, venez ici. ⇒ contre I 1.
16 « L’autre soir, au café, après la paie du lait, j’étais seul à ma table. Personne n’est venu s’asseoir vers moi. Pourquoi étais-je seul ? » A.-L. Chappuis, Quand la grêle et le vent, 1960, p. 168.
17 « – Sors, va à la maison. / – Vers maman ? / – Vers ta maman. Mais dépêche-toi, ou bien… » C. Colomb, Le Temps des anges, 1962, p. 55.
18 « Ils n’ont pas compris qu’il me manquait tout ce que je suis venue chercher vers toi Gabrielle, vers toi je n’ai pas besoin de marcher sur ces glaçons, pour arriver jusqu’à eux il y a trop de neige à brasser* […]. » A.-L. Grobéty, Pour mourir en février, 1970, p. 36.
19 « Un escalier dérobé… Je monte vers Théodore par un escalier dérobé ! » C. Bille, La Demoiselle sauvage, 1974, p. 125.
20 « Range ton petit vélo, range-le tout de suite, tu le ranges, tu vois, il pleut, tu vas être tout mouillé, rentre vers maman, tout de suite, viens… » A.-L. Grobéty, Zéro positif, 1975, p. 29.
21 « Les femmes allaient vers les propriétaires des jardins pour acheter les légumes. » C. Bille, Œil-de-Mer, 1989, p. 79.
↪ V. encore s.v. encoubler 1.
(devant une indication de lieu) Je vais vers le village, au village, jusqu’au village. Retourner vers la voiture, à la voiture. Aller vers la Place du Marché, à la Place du Marché, jusqu’à la Place du Marché.
22 « Je suis arrivée vers un petit restaurant. » MeijerEnq, 1962, p. 26.
23 « Elles arrivent vers la fontaine. Après, elles traverseront la cour pavée. » A. Rivaz, L’Alphabet du matin, 1968, p. 329.
24 « Et dès que le jour parut, elle se leva, prenant soin de ne pas réveiller sa voisine, alla tout au fond du wagon vers les toilettes où veillait une femme près des braises rouges d’un samovar. » C. Bille, Les Invités de Moscou, 1977, p. 148-149.
25 « Nous vivions sur la rive du soleil, nous, sur ces coteaux qui auraient été désertiques si nos pères n’étaient pas allés chercher vers les glaciers ces sources qu’ils nous avaient amenées dans des chéneaux de bois suspendus aux parois des rocs. » C. Bille, Deux passions, 1979, p. 133.
26 « Je suis descendu à Martigny, je suis monté vers mon chalet* aux Planards à travers la neige. » M. Chappaz, La Mort s’est posée comme un oiseau, 1993, p. 16.
Remarques. Dans les autres pays francophones, une phrase comme je vais vers le village signifierait que l’on se dirige plus ou moins en direction du village mais sans nécessairement avoir l’intention de l’atteindre ; l’accent est mis sur la direction. Dans l’usage suisse romand, cette phrase sous-entend que le complément post-prépositionnel village désigne le but à atteindre ; l’accent est mis sur le terme du mouvement. Cf. l’exemple suivant, en principe susceptible d’une double interprétation : « Il va sûrement pleuvoir, il vaut mieux retourner vers la voiture. » (A.-L. Grobéty, Zéro positif, 1975, p. 90). Dans le français des autres pays francophones (à l’exception des régions de France voisine), on peut comprendre qu’il s’agit de marcher plus ou moins en direction de la voiture, pour pouvoir s’y abriter en cas de pluie, mais en fait il doit plutôt s’agir de retourner à la voiture, pour y monter tout de suite.
Commentaire. Première attestation en SR : 1345 (« le Clos de Bellevaux, assis vers la malatiere de Neufchastel », v. Pier). Archaïsme ; les emplois de vers étaient jadis beaucoup plus étendus, comme l’indique le commentaire historique du TLF : « En fr., à partir du sens primitif de la détermination locale avec idée de mouvement, le sens de vers s’est étendu à la détermination locale imprécise sans idée de mouvement “près de, aux environs de, chez (quelqu’un)”, puis au sens social “en relation avec [dans les différentes accept. : à l’égard de, auprès de, en faveur de, en comparaison avec, parmi]” et avec idée d’hostilité “contre, à l’encontre de, en face de” […] ; en fr. mod. l’empl. de vers est limité au sens local primitif et à l’indication temp. approximative. » Le FEW atteste les sens de “près de, dans la région de (sans idée de mouvement)” et “à l’égard de qn, envers qn” jusqu’à Voltaire, et celui de “auprès de (suivi de la désignation d’une personne)” jusqu’à Ac 1878. Des emplois comparables aux emplois romands ont été relevés en français régional de Bourgogne, de Franche-Comté, du Beaujolais, de l’Ain et de la Savoie (v. bibliographie détaillée ci-dessous et DRF).
Bibliographie. « On ne dit pas, je vais vers la fontaine, pour dire, je vais à la fontaine » DeveleyVaud 1808, n° 200 et DeveleyVaud 1824 ; « je vais vers lui “à lui, chez lui, auprès de lui” » GuilleDial 1825, p. 88b ; « je vais vers la fontaine “je vais à la fontaine” » PeterVoc 1828 ; « On peut dire aller vers quelqu’un, mais être vers quelqu’un, est un solécisme ; il faut dire être auprès de quelqu’un » GuilleNeuch 1829-32 ; « rester vers moi “rester auprès de moi” » PeterCacol 1842 ; « “auprès de” : il était vers la maison ; restez vers moi » BonNeuch 1867 ; “auprès de, près de” Pier ; “près, auprès (sans mouvement)” Mâcon 1926 ; “près de (n’implique pas nécessairement le mouvement)” BoillotGrCombe 1929, p. 298 ; FEW 14, 312b-313a, vĔrsus 1 a β, γ, δ ; MeijerEnq 1962, p. 12, 14, 16, 18, 20, 22, 26, 28, 30, 32, 34, 149-150 ; « “à côté de, près de” : elle est vers sa mère » Voillat 1971, p. 234 ; « “auprès de” : il est vers moi, il apprend le latin vers le curé » DondaineAuth 1976, p. 56 ; « vers chez “du côté de, à proximité” » DurafHJura 1986 ; « “près de” : il reste vers chez le Julot, sa place est vers sa femme » RouffiangeAymé ; “auprès” DromardFrComté 1991 ; « “auprès de (sans mouvement)” ; usuel dans toute la Bourgogne à l’est du Morvan » TavBourg 1991 ; « “chez ; avec” ; bien connu au-dessus de 60 ans, en déclin rapide au-dessous » VurpasMichelBeauj 1992 ; “auprès de ; chez” DuchetSFrComté 1993 ; “à côté de, du côté de” GagnySavoie 1993 ; « “chez” ; usuel » RobezMorez 1995 ; « “chez” ; globalement connu » FréchetAin 1998 ; DRF 2001.
Copyright © 2022, tous droits réservés