les citations
pive n. f.
1.◆ Fruit des conifères ; (en particulier) cône de pin ou de sapin. Pives de pin, de sapin, d’arolle*, de mélèze. Sec comme une pive. Ramasser des pives pour allumer un feu. Des pives et de la darre* comme décorations de Noël. Déraper, glisser sur des pives. Se lancer des pives. ⇒ arolle ; dare.
1 « Il y a aujourd’hui un an que la mère d’Aloïs est morte. Thérèse porte une couronne rustique qu’elle a faite de branches de sapin et de pives sur la tombe d’Elvine. Elle dépose aussi une petite croix sur celle du père. » A.-L. Chappuis, La Moisson sans grain, 1961, p. 105.
2 « À gauche et à droite de la barrière s’élèvent les sapins, espacés, d’abord, de sorte que le soleil fait des taches légères à leurs pieds dans la mousse semée de pives, de fragments d’écorces, de cailloux, de fougères desséchées, puis ils se regroupent, semblent se presser jusqu’à se confondre bientôt en un rideau sombre où bute le regard. » J. Chessex, Reste avec nous, 1967, p. 38-39.
3 « Je fais demi-tour entre les arbres crispés, sous les feuilles rouillées de l’automne dernier. Il y a des pives toutes pourries, noires et cariées. » A.-L. Grobéty, Zéro positif, 1975, p. 54.
4 « À l’entrée d’Anzère, des sapins forment une haie d’honneur, exhibant leurs rangs de “pives” comme de glorieuses décorations. » Nouvelliste et Feuille d’Avis du Valais, 4 mars 1975.
5 « Le saviez-vous ? Il faut trois ans pour qu’une “pive” prenne l’aspect brun clair qu’on lui connaît avant de tomber dans la mousse de la forêt. […] La première année, la “pive” fleurit. La seconde, le fruit mûrit et prend une couleur rouge-violette […]. Enfin, la troisième année, elle tombe de l’arbre. » Nouvelliste et Feuille d’Avis du Valais, 24 juin 1975.
6 « Le tronc de l’arole*, solidement attaché, était large et court. Les premières branches, retombant aux extrémités, écrémaient presque le sol. Les épis, plantés large, s’allongeaient sur plusieurs centimètres. On aurait cru voir des aiguilles fichées dans un pouf. Les pives pendaient un peu à la dérive, brunes. » M. Métral, Un Jour de votre vie, 1976, p. 66.
7 « Longtemps à l’avance, nous préparions ou plus exactement bricolions de petites garnitures à suspendre à l’arbre : pives vernies, noix dorées, angelots découpés dans du papier de fête. Nous décorions la pièce avec du gui, du houx, du sapin blanc, de belles pommes vigoureusement astiquées. » Femina, 8 août 1976, p. 101.
8 « J’ai dévalé le sentier si roide qu’on y glisse sur les pives rondes des pins, à toute vitesse, jusqu’à l’entrée d’un tunnel de vernes* si bien embroussaillé qu’on n’y voit plus rien. » C. Bille, Le Bal double, 1980, p. 128.
9 « Un ciel fragile, plus tourmenté qu’ailleurs, rempli du va-et-vient turbulent de courants contraires, où le bleu casse pour un rien, suspend au-dessus de la forêt de constantes menaces ; il tient en réserve l’orage et la foudre, les nuées rapides gonflées d’une eau abondante qu’elles précipitent au sol, mais aussi la brume perlée, qui reverdit feuilles, mousses et lichens, et clôt par miliers les paupières brunes des pives tombées. » A. Rivaz, Ce Nom qui n’est pas le mien, 1980, p. 208.
10 « Les graines mûres [du mélèze] essaiment durant le printemps qui suit l’année de floraison. Puis, ces petites pives demeurent attachées encore bien longtemps à leurs branches. » La Liberté, 23 avril 1986.
↪ V. encore s.v. borne ; craquée 2 ; giclée I ; youtzer 1.
Remarques. L’équivalent du français de référence pomme de pin n’est guère utilisé en Suisse romande à l’oral, mais on le rencontre à l’occasion dans la littérature. Cf. Voillat 1971, p. 229 : « dans les régions où on sait encore distinguer le pin du sapin, pomme de pin n’est pas recevable ». — Cf. les équivalents régionaux suivants : sud de la Loire pigne n. f. “cône de pin, en particulier du pin pignon” ; Canada, Vosges cocot(t)e n. f. “pomme de pin” (tous les deux TLF ; en fait, au Canada, cocot(t)e ne désigne pas que les cônes de pin, mais les fruits de tous les conifères).
2.◆ (fig. ; loc. verb.). Envoyer aux pives, envoyer au diable, envoyer promener. Va aux pives, va au diable ; fiche le camp. ⇒ loin I 1 (loin du bal).
11 « J’entre dans la cabine de vote mais si un démagogue tyrannique nous harcèle, parce qu’on ne galope pas assez vite, que l’on ne hurle pas le bravo assez fort, envoyons-le donc aux pives. » M. Chappaz, Portrait des Valaisans, 1965, p. 184.
12 « Quand on s’aime, on se marie et si quelqu’un met les bâtons dans les roues, on l’envoie aux pives ! » M. Métral, Les Racines de la colère, 1971, p. 138.
13 « Eh ! mon Dieu, tu devrais venir quelque temps à Rome avec moi, tu verrais autre chose qu’ici, tu serais servi !… Mais c’est sans comparaison ; là-bas, tu ne peux pas aller dans le moindre bureau, le moindre office pour remplir une formalité, faire renouveler ton permis de séjour, sans avoir à glisser la pièce, si tu ne veux pas te faire envoyer aux “pives” et avoir à revenir des dizaines de fois !… » G. Clavien, Le Partage, 1976, p. 424.
Commentaire. Première attestation en Suisse romande : 1713, v. Pier ; le mot se trouve déjà dans Cotgr 1611, mais on ne peut malheureusement en retrouver (ni localiser) la source. Romandisme emblématique (« terme presque officiel en Suisse romande » Voillat ; selon Dromard, il désignerait même les « ressortissants suisses » en Franche-Comté !) ; d’origine dialectale, il s’est imposé en français régional même dans les régions qui connaissaient un autre type (« Le Valais abandonne le patois vatsœ̩́la pour adopter le français régional pive » Voillat). En France, on retrouve une forte concentration d’attestations de ce type dans le Doubs et le Jura, dans les patois (v. FEW) comme en français régional (v. bibliographie ci-dessous et DRF) ; en Haute-Savoie, c’est plutôt le dér. pivot(t)e qui domine, mais on retrouve pive dans certains points non éloignés de la frontière suisse.
Bibliographie. GuilleDial 1825, p. 81a ; PeterVoc 1828 ; GuilleNeuch 1829-32 ; PeterCacol 1842 ; CalletVaud 1861 ; BonNeuch 1867 ; BeauquierDoubs 1881 ; « Genève ; Albertville » ConstDésSav 1902 ; WisslerVolk 1909 ; OdinBlonay 1910, p. 408b ; Pier, PierSuppl ; CollinetPontarlier 1925 ; BoillotGrCombe 1929, p. 243 ; FEW 8, 551b, *pĪpa I 2 ; ZumthorGingolph 1957, p. 169 ; ZumthorGingolph 1962, p. 262 ; MeijerEnq 1962, p. 28, 68, 72, 133 ; IttCons 1970 (> DFV 1972, CuenVaud 1991) ; Voillat 1971, p. 229, 234, 235 ; SchüleListeLar 1978 ; Lar 1979 ; PLi depuis 1980 ; « régional. romand » Alpha 1982 ; « Suisse » PR depuis 1984 ; « région. (Doubs, Haute-Savoie, Suisse) » GR 1985, 2001 ; DurafHJura 1986 ; « région. (Doubs, Haute-Savoie, Suisse) » TLF ; DromardFrComt 1991 ; ColinParlComt 1992 ; « Suisse » NPR 1993, 2000 ; DuchetSFrComté 1993 ; « pivote » GagnySavoie 1993 ; Lengert 1994 (où la datation « Anfang 16. Jh. (GR) » est erronée) ; KublerExpr 1995, p. 275 ; OffScrabble 1995 ; RobezMorez 1995 (où la suggestion étymologique est erronée) ; DRF 2001.
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