borne n. f.
◆ Vaste cheminée en forme de pyramide tronquée, dans laquelle on suspend certains produits
de la boucherie* pour les faire fumer. Jambon de la borne ; délices de la borne. Saucissons fumés à la borne.
1 « Le feu jaillira et la fumée montera comme un encens sauvage et brut dans la “borne” noire s’entrouvrant sur les étoiles. » N. Bosson, Les courtes fêtes, 1967, p. 40.
2 « Oh ! combien j’aurais voulu voir flamber dans l’âtre tout autour d’une vraie chaudière
ces hautes flammes ivres d’elles-mêmes ; combien j’aurais voulu voir une épaisse fumée
toute criblée d’étincelles s’engouffrer dans la “borne”, cette cheminée de bois brillante de suie qui s’élevait au-dessus du foyer, telle
une gigantesque pyramide que tronquait un couvercle mobile en forme de toit ! » A. Peiry, L’Or du pauvre, 1968, p. 275.
3 « Une fois on avait décidé d’aller voir un collègue se trouvant en alpage* sur les vertes pentes du Moléson. Celui-ci avait annoncé qu’il fournirait un jambon
de la borne. » IttCons 1970, p. 74.
4 « GRAND LOTO GASTRONOMIQUE / du FC [= football-club] Stella Chapelle / 2 porcs entiers fumés à la borne, vacherins*, fromages, paniers garnis, etc. » 24 heures, 18-19 décembre 1976, p. 49.
5 « Les fromages et les saucisses de tout genre ont toujours fait bonne alliance avec
le vin, et une sorte de symbiose s’est établie entre les caves à vin et celles à fromage,
entre les voûtes protégeant les entassements de bouteilles poussiéreuses et les bornes et cheminées-fumoirs des fermes. » J. Montandon, La Cuisine au fil du Rhône, 1977, p. 53.
6 « Véritables jambons de campagne / Garantis fumés à la borne. » La Gruyère, 1er septembre 1977, p. 4.
7 « Son salé de campagne est fumé dans une vénérable borne aux dates des comtes de Gruyère. » Contact, 4 mai 1983.
8 « Très souvent, ces fermes possèdent encore la “borne” où se fume la viande de porc. » La Liberté, 19 octobre 1983.
9 « Après la Bénichon* de l’automne, l’hiver ramène les soirées au loto, le ski, pendant que l’on fait boucherie* et que l’on mijote les délices de la borne, avant d’oser faire carnaval. » La Liberté, 3 mai 1993, p. 45.
10 « Pris dans la cuisse sans la noix pâtissière, le morceau [de jambon] est salé à sec,
puis fumé aux brindilles de sapin – on jette aussi les pives* dans le feu – dans la borne, la vieille cheminée que l’on s’occupait avec amour d’alimenter avec de la sciure. » Le Nouveau Vendredi (cahier suppl. du Nouveau Quotidien), 12 novembre 1993, p. III.
Localisation. 〈Canton de Vaud〉, 〈Canton du Valais〉, 〈Canton de Fribourg〉, 〈Canton de Neuchâtel〉.
Remarques. Mot-souvenir ; le référent n’existe plus guère, sauf dans certains chalets de montagne,
mais le mot survit dans des syntagmes figés (en particulier pour désigner de la viande
fumée, le fumoir fût-il industriel). — Cf. encore borne-cheminée (« La cuisine, c’était un véritable trou noir. Elle n’était ni peinte ni blanchie. Il
n’y avait pas non plus de plafond, mais une borne-cheminée, avec un trou au sommet muni d’un couvercle qu’on fermait s’il pleuvait trop. » F. Clément, Les vaches enragées, 1993, p. 12) et grand-borne (« Notre spécialité : Saucisson de campagne fumé à la grand-borne » Feuille d’Annonces du district de Boudry, 21 février 1975).
Commentaire. Correspondant en français régional du type dialectal bou̯a̩rna (v. GPSR), de même sens. La plus ancienne attestation provient d’un texte rédigé
en latin médiéval (bornas, Bulle 1492). Premières attestations en français, sous la forme borne : 1573, Vevey (VD) ; 1651, La Roche (FR). Proviendrait d’une base pré-latine *bŎrna “creux, cavité” ; pour la discussion étymologique, cf. Dauzat, FrMod 1943, p. 31 sqq. et GPSR 2, 518b-519a (où l’étymon germanique proposé
par Wartburg est rejeté ; il n’a d’ailleurs pas été repris dans FEW 15). La Haute-Savoie
connaît les formes borne et bourne, avec le sens de “ancienne cheminée-hotte en bois, en forme de pyramide tronquée”.
Bibliographie. GrangFrib 1864 ; WisslerVolk 1909 ; OdinBlonay 1910, p. 81 ; FEW 1, 566b, brunna 3 ; BiseHBroye 1939, p. 304 ; Dauzat, FrMod 1943, p. 31 sqq. ; GPSR 2, 518b-519a
s.v. bòrna et 571b-573a s.v. bou̯a̩rna ; BessatGMtBl 1991 ; Lengert 1994.
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