les citations
voir adv. (rarement écrit voire)
(fam.) Placé après un impératif, sert à adoucir ou à renforcer une injonction. Donc. Voyons voir ! Écoutez voir ! Dis voir ! Viens voir ici ! Sers voir un peu à boire ! Attendez voir ! ⇒ seulement.
1 « Eh l’Apôtre, criaient les types, avale voir ce couteau-là ! Ils montraient leur faux, les malins, ou bien le soc d’une charrue. L’Apôtre ne se démontait pas. » J. Chessex, Portrait des Vaudois, 1969, p. 46.
2 « “Regarde voir l’Eiger !” s’exclame un ami dans le train de la Petite Scheidegg en montrant une jeune fille, très belle plante au bord de la voie. » M. Chappaz, La Haute Route du Jura : De Bâle à Genève à skis, 1977, p. 132.
3 « Répète, hurlait-il, répète voir ça ! » A. Voisard, L’Année des treize lunes, 1984, p. 51.
4 « Elle se leva pour la saluer : – Je vous fais une tasse de café. – Pensez-voir, i faut pas […] ! – J’en fais aussi pour moi. » C. Bille, Forêts obscures, 1989, p. 67.
5 « Essayez voir une fois de réussir un soufflé au fromage dans un four à bois. » L’Express, 22 janvier 2000, p. 32.
6 « Écoutez voir / Découvrez l’interview rsr-tsr.ch du week-end. » Télévision Suisse romande, 2003, Internet.
↪ V. encore s.v. niolu.
(loc.) Pense-te-voir ! Pense-tu ! (IttCons 1970, p. 238).
(après un verbe au futur, en fonction explétive) Loc. On verra voir, on verra peut-être, on verra bien.
7 « Disons trois décis* pour commencer, et puis, on renouvelle […] on verra voir […]. » Restons Vaudois, RSR I, 20 février 1977.
(dans une phrase interrogative, pour réclamer une réponse)
8 « Il y a de fortes marées ici voir ? » RSR I, 1er juillet 1977.
Remarques. Très fréquent à l’oral. — Bien que toléré par la première génération des glossairistes romands (v. surtout DeveleyVaud 1808, p. 257 ; GuilleDial 1825, p. 24 ; GuilleNeuch 1829-32 ; HumbGen 1852), cet usage a été sévèrement jugé par la suite (v. surtout CalletVaud 1861 ; GrangFrib 1864 ; « expressions ridicules » BonNeuch 1867). — Les dictionnaires français enregistrent l’adv. sans marque régionale, mais la documentation du DRF 2001 (avec carte p. 1041a) montre qu’il s’agit d’un emploi particulièrement fréquent dans l’est et le sud-est de la France : « surtout Saône-et-Loire (est), Côte-d’Or (est), Haute-Marne (est), Lorraine, Franche-Comté, Haute-Savoie, Savoie », une distribution qui, complétée par la SR, forme une aire régionale compacte.
Commentaire. Attesté en SR depuis 1524 (v. Pier). L’origine de cette expression reste controversée. Le débat tourne autour de deux hypothèses : adverbialisation de l’infinitif voir ou emploi particulier de l’adv. voire (< VĒRA, n. pl. de VĒRUS, proposition déjà avancée par GuilleDial 1825). Pour le détail de la discussion, v. Pier et FEW 14, 332a, note 4. Un argument très fort en faveur de l’identification à l’adv. voire est fourni par certains patois qui distinguent clairement les résultats de voir et voire : celui de VD Blonay, déjà mentionné dans FEW, et celui de VS Évolène ( “donc” contre vêrre “voir” ; FollonierOlèïnna). Sans aucune allusion au problème étymologique, GLLF, GR 1985, TLF, PR 1993-2000 et GR 2001 ont opté pour voir, tandis que DRF 2001, également sans aucune discussion, a suivi la théorie du FEW.
Bibliographie. Merle d’Aubigné 1790, p. 129 ; DeveleyVaud 1808, p. 257 ; GuilleDial 1825, p. 24 ; GuilleNeuch 1829-32 ; PeterCacol 1842 ; HumbGen 1852 ; CalletVaud 1861, p. 222 ; GrangFrib 1864 ; BonNeuch 1867 ; ConstDésSav 1902, p. 423 ; OdinBlonay 1910, p. 476a (sans marque régionale) ; Pier ; FEW 14, 330a, VĒRUS ; IttCons 1970 ; DupréEnc 1972 ; GLLF ; ChapuisBonfol 1985 (p. 18) ; GR 1985 ; TLF ; ChapuisMots 1988, p. 14 ; CuendetVaud 1991 ; GrevisseGoosse13 § 920g ; Lengert 1994 ; SkupienPurisme 1994 ; BillodMorel 1997 ; DRF 2001 ; GR 2001.
Pierre KNECHT
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