les citations
seulement adv.
◆ Particule énonciative servant à atténuer un impératif, pour entraîner l’adhésion de l’interlocuteur au sujet d’une action à faire, d’une invitation à accepter. Entrez seulement, ne restez pas dehors. Viens seulement, te gêne pas. Asseyez-vous seulement, il y a de la place. Restez seulement, il est encore tôt. Bois seulement, c’est pas brûlant. Laisse seulement, laisse faire, c’est bon. Faites seulement, je vous en prie. Allez-y seulement, vous pouvez y aller. ⇒ sans autre.
1 « Cécile avait dit en présentant le plat à Mme Bovard : – Servez-vous seulement ! / Mme Bovard avait pris un morceau de biscuit, le plus petit. / – Voyons, servez-vous comme il faut. Une tranche, et encore, la plus petite. Tenez, en voilà une deuxième. » A.-L. Chappuis, À petit feu, 1964, p. 8.
2 « Bois seulement ; c’est du vin pour les femmes ; il ne soûle pas. » M. Zermatten, Le Cancer des solitudes, 1964, p. 78.
3 « Tirez seulement, il n’est pas chargé. » M. Chappaz, Portrait des Valaisans, 1965, p. 127.
4 « Viens seulement, je vais chercher un verre ; faut que tu nous racontes… » G. Clavien, Un Hiver en Arvèche, 1970, p. 104.
5 « Il laisse entrer la mort comme une personne. Il pense : entrez seulement, c’est pas pour moi. » J.-P. Monnier, L’Arbre un jour, 1971, p. 31.
↪ V. encore s.v. gouverner.
(dans un contexte de menace, d’injure, avec une valeur d’atténuation ironique) Attends seulement ! Va seulement, minable ! Continue seulement, tu vas avoir affaire à moi !
6 « Attendez seulement la prochaine séance du Conseil* général ! Ça va bien finir par éclater. » A.-L. Chappuis, Quand la grêle et le vent, 1960, p. 61.
7 « Va seulement Damien, dit le curé, c’est la dernière fois que tu danseras. » M. Chappaz, Portrait des Valaisans, 1965, p. 146.
8 « Continue seulement, j’appelle la police et je te fais filer… » G. Clavien, Un Hiver en Arvèche, 1970, p. 96.
9 « Tu peux bien te sauver, va seulement, vilain gamin ; je dirai à papa ce que tu as fait à ta sœur et c’est lui qui te donnera la correction que tu mérites ! » G. Clavien, Châtaignerouge, 1977, p. 225-226.
Remarques. Correspond approximativement, selon les contextes, à je vous en prie, allez-y, ne vous gênez pas. Cf. encore donc, qui s’emploie plutôt pour renforcer un impératif en français de référence (cf. Taisez-vous donc, dites donc), ou même dans des injures (cf. va donc ; v. NPR 1993) ; cf. enfin voir adv. (v. ce mot).
Commentaire. Première attestation en SR : 1779-1796 (H.-B. de Saussure, Voyages dans les Alpes, I, 363, cité dans Pier). Le FEW note simplement « mfr. nfr. seulement “adverbe servant à encourager qn ou à rassurer qn au sujet d’une action à faire, d’une invitation à accepter” (seit 1567, Liv), neuch. id. », ce qui laisse sous-entendre, à tort (et ce malgré NPR 1993), que cet emploi relevé entre autres chez Molière serait encore d’un usage général aux xixe et xxe siècles. Or, s’il est vrai qu’il est possible de le rencontrer chez des écrivains aussi peu marqués diatopiquement que Gide ou Duhamel, il n’en reste pas moins très rare dans la lexicographie générale (sauf dans des sources très récentes comme PR, GR et TLF, qui le donnent comme vieux ou régional). Il est fréquent, en revanche, dans les recueils différentiels, qui montrent que son extension est limitée à l’est de l’espace francophone européen (Belgique, Alsace, Franche-Comté, SR, Ain, Savoie, Isère, Loire, Ardèche). L’ampleur de cette aire (combinée à l’ancienneté des premières attestations) montre bien que l’hypothèse d’un germanisme (l’all. nur s’emploie dans les mêmes contextes pragmatiques), émise par certains puristes (cf. entre autres Dudan), n’est pas à retenir.
Bibliographie. LivetMolière, p. 594-595 ; OdinBlonay 1910, p. 419a s.v.  (2) ; Pier ; BoillotGrCombe 1929, p. 63 ; « attends seulement comme menace » GPSR 2, 92b s.v. attendre 2° ; DudanFranç2 ; DudanFranç4 ; Pohl 1950 ; Redard 1954, p. 130-131 ; MeijerEnq 1962, p. 177 ; FEW 12, 79a, sŌlus I ; IttCons 1970, p. 239 ; BeatensBruxelles 1971, p. 247 ; « belgicisme » DupréEnc 1972 ; « savoyard » TuaillonRéfl 1976, p. 24 ; EscoffStéph 1976, p. 370 ; « vx ou région. » PR 1977 ; « Savoie » RLiR 42 (1978), p. 184 ; WolfFischerAlsace 1983 ; « régional. romand » Alpha 1982 ; « Belgique, Nord de la France » Hanse 1983, 1987 ; « vx ou région. » PR 1984 ; « vx ou régional (Belgique, Suisse…) » GR 1985 et 2001 (deux ex. de Molière, un de Ramuz) ; « Jura, Alpes du Nord » RézeauBibl 1986 ; « très usuel » DurafHJura 1986 ; « très usité » GuichSavoy 1986 ; MassionBelg 1987 ; DucMure 1990 ; « région. » TLF s.v. seulement B 4 (ex. de Toepffer et Giono) et commentaire historique 5 (1re att. 1560) ; MazaMariac 1992 ; « entendu fréquemment » DuchetSFrComté 1993 ; « fam. » NPR 1993 et 2000 (sans marque rég. !) ; « condamné ici comme belgicisme, là comme helvétisme, mais on le trouve aussi ailleurs » GrevisseGoosse13, § 920 f (ex. de Rolland, Gide, Duhamel, Frison-Roche) ; «  très courant » GagnySavoie 1993 ; Lengert 1994 ; SkupienPurisme 1994 ; « peu courant en Wall. occ. » Belg 1994 ; « globalement connu » FréchetAnnonay 1995 ; « usuel » FréchetAin 1998 ; DRF 2001 (avec carte).
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