les citations
gonfle1 n. f.
I.◆ 1.◆ Amas de neige soufflée par le vent ; congère. La voiture est restée bloquée dans une gonfle. Le vent a fait des gonfles sur la route. Après une grosse tempête de neige, les enfants aiment s’amuser dans les gonfles. ⇒ menée.
1 « La bise*, tenace depuis une semaine, entraîne dans sa course éperdue la neige poudreuse qui, abandonnant les surfaces planes, va s’entasser dans les concavités du terrain, obstruant les routes, créant d’impressionnantes “gonfles” que les hommes, armés de pelles, entaillent à grands coups. » A.-L. Chappuis, La Moisson sans grain, 1961 [1re éd. 1955], p. 134.
2 « À Lutry, le curé Simon, un converti, dit chaque 21 janvier une messe pour l’anniversaire de la mort de Louis XVI à laquelle il convie ses clients et ses amis. Se retrouvent à Saint-Martin une joyeuse bande de forcenés que le souvenir du Bourbon et le goût des prises d’armes placent sous l’autorité de l’Apothicaire, lui-même converti et prosélyte autoritaire, dont les recueillements royalistes finissent quelquefois dans les gonfles traîtresses au bord de la route. » J. Chessex, Portrait des Vaudois, 1969, p. 115.
3 « Le village était coupé du reste du monde, tellement les gonfles étaient énormes. » Enq. CD/II, 1975-1981 (VD Arnex).
4 « Elle n’eut pas la sagesse de rebrousser chemin et poursuivit vaillamment le long des prés de Seneire, suivant le bord de la vieille route enserrée entre ses deux murailles, et pleine souvent jusqu’à ras bord par les gonfles qui y créaient des vallonnements transversaux. » V. Darbellay et al., Liddes, 1976, p. 166.
5 « Je ressens la plus franche estime pour tous mes camarades […]. Moustache gelée qui change sa chemise dix fois par jour sous les flocons, l’émotif et vaillant Œil-de-Gentiane qui traverse les tempêtes, rejaillit des “gonfles” sur ses fortes cuisses de trapéziste et fait le coup du lynx à tous les paysages. » M. Chappaz, La Haute Route du Jura, 1977, p. 42.
6 « Une bise extrêmement forte a soufflé jusqu’à hier matin sur le pays de Vaud et a accumulé des “gonfles” qui ont coupé de nombreuses routes secondaires et même de grandes artères. » Nouvelliste et Feuille d’Avis du Valais, 2 décembre 1980, p. 3.
7 « On oublie aussi que le déblaiement des chemins de montagne n’est pas une petite affaire. Le jour de Noël, la lame du chasse-neige s’est plantée dans une “gonfle” ; j’avais de la neige par-dessus la cabine. » Courrier du Val-de-Travers, 5 février 1982, p. 1.
8 « [titre] Les Vaudois sortent des “gonfles” / Des chômeurs à la rescousse pour déblayer la neige » Gazette de Lausanne, 19 février 1985.
Remarques. Dans la langue parlée (à tout le moins dans les régions où le référent se rencontre), le mot est beaucoup plus fréquent que son équivalent du français de référence, congère. Dans la langue écrite, on trouve les deux mots, mais gonfle apparaît souvent entre guillemets, ce qui suggère qu’il est perçu comme régional ou familier, par opposition à congère, perçu comme le terme standard. Dans les régions au climat plus doux, le référent et les mots pour le désigner sont moins bien connus qu’à la montagne. — Au Canada et en Wallonie (occ., centr. et mérid.) on dit banc de neige (v. par ex. DFPlus 1988, DQA 1992 et Belg 1994) ; ce syntagme se trouve aussi dans la métalangue définitionnelle du GR 1985 s.v. gonfle, sans marque régionale mais entre guillemets.
I. 2.◆ (fig.) Embarras ; affaire compromettante, situation fâcheuse. Être dans la gonfle. Se foutre dans une belle gonfle. Se sortir de la gonfle.
9 « Ce sont les mêmes dirigeants / Toujours aussi à court d’argent, / Qui font, dans des discours qui ronflent, / Appel aux mêmes citoyens / Et trouvent toujours le moyen / De nous refoutre dans la gonfle ! » IttÇà, 1975, p. 287.
10 « Il s’est laissé embarquer dans une drôle de gonfle. » Enq. CD/II, 1975-1981 (BE Moutier).
11 « Je me trouve dans une drôle de gonfle. » Enq. CD/II, 1975-1981 (JU Porrentruy).
12 « Vous pouvez vous embarquer dans une gonfle où vous ne serez pas bien [un comédien, en parlant d’un mauvais rôle]. » RSR, 25 novembre 1976 (GE).
13 « Si un animal est mordu par une bête atteinte de la rage, j’espère qu’on pourra le sortir de la gonfle. » TVR, émission Un jour une heure, 4 avril 1977 (GE).
14 « Enfin, il m’a dit qu’il pourrait éventuellement m’aider à sortir de cette gonfle. » F. Clément, Les Vaches enragées, 1993, p. 222.
15 « Selon P. F., il serait insensé de penser que Swissair pourrait, en s’associant avec Sabena, se jeter la tête la première dans une gonfle sans s’être assurée préalablement la possibilité d’exploiter toutes les synergies avec la compagnie belge. » Journal de Genève et Gazette de Lausanne, 2 février 1995, p. 17.
16 « [titre] La commune contribue financièrement à sortir les téléskis de la gonfle / Sans cette aide pécuniaire, les installations mécaniques auraient été probablement mises en faillite. » 24 heures, 3 décembre 1996, p. 33.
II.◆ Bulle, petit renflement (par ex. dans de la pâte) ; boursouflure, ampoule sur la peau.
17 « Pour être bien réussies, les “salées*” doivent être feuilletées et avoir des “gonfles”. » M. Vidoudez, J. Grangier, À la mode de chez nous, 1976, p. 166.
Remarques. Le sens I 2 est donné à tort par ColinArgot 1990 (qui cite le TLF) sans marque régionale et comme appartenant au registre argotique. Il s’agit pourtant bien d’un régionalisme et non d’un argotisme.
Commentaire. Premières attestations : I 1, 1537 (gonfle de nyge, v. PierSuppl), puis de nouveau en 1864 (GrangFrib) ; I 2, 1918 (v. Pier), 1921 (RouxArgSold) ; II, 1820 (GaudyGen). I est le représentant moderne d’un déverbal du latin conflare (selon le commentaire du FEW et malgré le double classement, v. bibliographie ci-dessous) ; II est un déverbal de gonfler. Dialectalisme ; le sens de “congère” n’est attesté qu’en SR et en Val d’Aoste (dans les dialectes et en français régional), mais le mot est connu avec d’autres sens (“vessie ; ampoule ; bulle” etc.) dans les dialectes de l’est galloroman (v. FEW), ainsi qu’en français régional (v. bibliographie ci-dessous).
Bibliographie. GaudyGen 1820, 1827 ; PeterCacol 1842 ; HumbGen 1852 ; CalletVaud 1861 ; GrangFrib 1864 ; “enflure, renflement” OffnerGrenoble 1894 ; “petite ampoule ; bulle de savon” ConstDésSav 1902 ; “bulle de savon ; ballon” VachetLyon 1907 ; WisslerVolk 1909 ; OdinBlonay 1910, p. 227a ; RouxArgSold 1921 ; Pier, PierSuppl ; “ampoule ; bulle de savon ; vessie” Mâcon 1926 ; « n. m. “ampoule” » BrunMars 1931 ; FEW 2, 1040a, conflare I 1 et 1041b, conflare I 2 (double classement) ; SchüleNendaz 1963 ; IttCons 1970 (> DFV 1972, CuenVaud 1991) ; SchüleListeLar 1978 ; Lar 1979 ; PLi depuis 1980 ; TLF 9, 330b s.v. gonfler Rem. 2 b α, β et δ ; “vessie” TuaillonVourey 1983 ; “vessie ; ampoule” GononPoncins 1984 ; « confle “congère” » MartinAost 1984 ; GR 1985 ; “enflure” MartinPellMeyrieu 1987 ; « confle “vessie” » MartinPilat 1989 ; “vessie ; enflure, boursouflure ; ballon” DucMure 1990 ; “vessie ; bulle ; ballon” TavBourg 1991 ; “boursouflure, cloque” ColinParlComt 1992 ; “boursouflure, cloque” MazaMariac 1992 ; “ampoule” GagnySavoie 1993 ; “enflure, cloque” FréchetMartVelay 1993 ; Lengert 1994 ; OffScrabble 1995 ; “cloque, boursouflure” GermiChampsaur 1996 ; “vessie ; ampoule, cloque ; ivresse” FréchetAin 1998 ; GR 2001.
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