les citations
bleue n. f.
◆ Liqueur fortement alcoolisée et toxique, extraite de l’absinthe. Boire une petite bleue.
1 « C’est ma foi vrai qu’elle était bonne cette “bleue” et de la boire avec ce paysan, content d’avoir rendu service, elle paraissait meilleure encore. » W. Dubois, En poussant nos clédars, 1959, p. 167.
2 « [titre] Journée de la “bleue” à Couvet [NE]. Les distillateurs d’absinthe partent en guerre contre la Régie fédérale* des alcools. » Tribune de Genève, 5 avril 1961.
3 « Et les voilà [les sommelières*] qui surviennent plus parfaites que les épouses avec le sourire de l’accueil et le nectar désiré. Elles sont notre conte de fée bon marché et quotidien. Elles nous orientent vers le nirvanâ [sic] nécessaire. Une série de Johannis* ou une bleue. Puis l’on rentre dévorer avec du retard notre plat familial ou nous fourrer au lit, dans le linceul des veufs. » M. Chappaz, Portrait des Valaisans, 1965, p. 111.
4 « C’est après ce carnage que la bleue, patronne des hommes forts, a été interdite en Suisse. » J. Chessex, Portrait des Vaudois, 1969, p. 73.
5 « Ils avaient bu une bleue, histoire de se changer le goût avant de manger la saucisse* aux choux. » IttCons, 1970, p. 56.
6 « La (fée) verte, la bleue, la boueuse, la couèchte et la rincette : tous ces termes-là étaient courants au Val-de-Travers, jusqu’au moment où des mesures draconiennes prises par la Régie des alcools ont porté le prix de l’absinthe clandestine à un taux effarant. » M. North, J. Montandon, Neuchâtel à table, 1973, p. 115.
7 « Il trouva à tous deux une mine superbe et on servit la bleue sous le “pavillon” […]. Les trois doigts d’absinthe versés, on croisa les fourchettes ad hoc sur le bord des verres, on plaça les morceaux de sucre et l’eau versée crépita par petits filets discontinus. » J. Montandon, Le Jura à table, 1975, p. 101.
8 « Depuis son bannissement légal au début du siècle, bouc émissaire d’une lutte antialcoolique aussi peu rationnelle que très hypocrite, elle fait partie de la légende neuchâteloise, la “Fée verte”, dite aussi “la Bleue”. » Neuchâtel / L’avenir en fleur. Une publication de la République et canton de Neuchâtel, 1987.
9 « Faut-il libéraliser l’absinthe ? En déposant une motion dans ce sens, il y a un mois, le conseiller national* fribourgeois B. R. a relancé le débat. Dans le Val-de-Travers, patrie de la “bleue”, les avis sont partagés. » La Liberté, 7 janvier 1994, p. 10.
10 « Aux curés qui viennent chez moi pour la fête patronale, la Fête-Dieu, je propose aussi un pastis. Mais ils veulent tous de l’absinthe ! Le Conseil de paroisse, aussi, je l’ai invité à l’apéritif du Nouvel-An, et ils voulaient tous un coup de “bleue”… » Ibid.
↪ V encore s.v. redzipet.
Localisation. Dans le Jura, on dit plutôt la blanche (apparaît dans GPSR 2, 413a avec ce sens, mais sans localisation ; v. encore ChapuisBonfol, p. 82) ; dans les autres cantons, ce mot désigne une eau-de-vie (Pier ; GPSR ibid. ; MüllerMarécottes, p. 233 ; IttCons, p. 38).
Remarques. Le mot absinthe est aussi connu et utilisé en Suisse romande, comme en font foi les citations ci-dessus. Frm. (fée) verte, donné comme vieilli dans GR 1985 (s.v. fée 4), est encore bien connu en Suisse romande (v. citation ci-dessus).
Commentaire. Les rares dictionnaires qui mentionnent ce mot le donnent comme « pop. » (Rob 1953 ; TLF ; GR 1985), « arg. » (FEW, qui cite BauchePop) ou « pop. et vx. » (GLLF). ColinArgot l’atteste depuis 1894. Les dictionnaires d’usage en un volume (PR, Lexis, PLi) ne le mentionnent pas. En Suisse romande, toutefois, le mot est encore bien connu et d’un emploi courant. Si la production et la vente de la bleue est interdite depuis 1908, sa consommation n’est pas explicitement prohibée.
Bibliographie. RouxArgSold 1921 ; BauchePop 1928 ; Rob 1953 s.v. bleu II 4 ; MüllerMarécottes 1961, p. 87 ; FEW 15, I, 150a, *blao 2 e ; IttCons 1970 ; GLLF 1971 ; TLF 4, 591b s.v. bleu D 1 a ; GR 1985 s.v. bleu II 4 ; ColinArgot 1990.
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