éclaf(f)er v., var. étiaf(f)er
1.◆ (v. tr.) Écraser, faire éclater, crever ; briser, casser. Éclaffer un œuf. Éclaffer un champignon en marchant dessus. La voiture a éclaffé une
grenouille. Il s’est fait éclaffer dans l’accident.
1 « Il se gratta les épaules avec une pointe de bois de cerf. Il se promena. Il joua à
[sic] fouteballe [sic] avec des vessies de porcs et les éclafa contre les poiriers rugueux. » M. Chappaz, Le Match Valais-Judée, 1968, p. 101.
2 « Quand ils se battent, non contents d’“éclafer” leur ennemi comme une poire blette, ils te le réduisent en miettes, en bouillie,
en bifteck tartare quoi. » G. Duttweiler, Joyeusetés du pays de Vaud, 1972, p. 134.
3 « Maintenant, j’ai repris la herse parce que le tracteur ça nous éclaffe tout. » RSR, 15 novembre 1975.
4 « Une poule égarée a été éclaffée par une voiture. » Enq. CD/II, 1975-1981 (VD Arnex).
5 « Cette pauvre grenouille s’est fait étiaffer. » Enq. CD/II, 1975-1981 (NE La Chaux-de-Fonds).
6 « J’ai éclaffé tous mes œufs en tombant. » Enq. CD/II, 1975-1981 (JU Porrentruy).
7 « Des bonbons sont en train de mourir. La fraise Tagada, par exemple, cette pâte à mâcher
recouverte de sucre que l’on aimait éclaffer sous ses molaires à la rentrée 1973, eh bien la Tagada risque de disparaître d’une
semaine à l’autre. » Le Nouveau Quotidien, 2 septembre 1994, p. 31.
◇ (v. intr.) Éclaffer / étiaffer (de rire), s’esclaffer, éclater de rire, pouffer de rire, rire aux éclats. ⇒ éclaf(f)ée.
2.◆ s’éclaf(f)er, s’étiaf(f)er v. pron. S’écraser, s’écrabouiller. La voiture est allée s’éclaffer contre le mur. Il s’est éclaffé contre un arbre avec
sa moto. Les tomates se sont éclaffées dans le sac. Les poires trop mûres s’éclaffent
en tombant.
8 « On coupe les vergers pour édifier les nouvelles usines, on met les sources en boîtes
de conserves, on traîne les fleuves d’un mont à l’autre, on canalise, on scie. Les
forêts tombent rasées, les sapins par rangées entières comme des soldats. Équarrissez,
rabotez ! Les montagnes sont à l’abattoir. On déculotte les Alpes. L’ancien ciel bleu
est barbouillé de flaques de mazout dans lesquelles les avions échancrent des ornières,
puis ces flaques s’étiafent sur les collines. » M. Chappaz, Le Match Valais-Judée, 1968, p. 127.
9 « Et pourtant elles sont assises les unes près des autres, dignes, fort laides, parce
que la beauté s’accorde de plus en plus mal à une certaine couleur fourrure que la
plupart d’entre elles portent ici, couleur vieille France un peu mitée, couleur vieilles
frileuses, couleur antimite boules blanches couleur de mort. Quand elles entrent,
elles se lancent sur une table vide, elles s’étiaffent avec élégance sur une chaise, elles s’installent sans aucune nonchalance […]. » A.-L. Grobéty, Zéro positif, 1975, p. 255.
10 « Tout à coup vlouf : la citrouille partit s’éclafer contre un tilleul, gros choc de verdure, vous pensez bien, des volées de pépins sur
le pare-brise […]. » Tribune-Le Matin, 21 février 1982, p. 14.
11 « Il semble que Jean-Paul soit moins à l’aise au volant d’un rouleau compresseur. Après
l’avoir passé lui-même autour de sa cambuse, pour faire des économies, notre Jean-Paul
n’a pas su comment arrêter le véhicule mastodonte qui est allé s’éclaffer au milieu de son salon y faisant quelques jolis dégâts. » Le Rai-Tiai-Tiai aidjolat [journal de carnaval, JU Ajoie], n° 17, 1994, p. 27.
◇ (emploi fig.)
12 « Autour d’une sympathique fondue ; les cônes de pain gris déjà séchés qui s’effondrent,
l’odeur lourde écœurante du kirsch, les verres gras sur les bords, marqués de gros
doigts ; ils rient, ils s’agitent pouffent gloussent ; j’entrouvre à peine la bouche,
les plaisanteries s’étiaffent dans les assiettes sales, c’est navrant […]. » A.-L. Grobéty, Zéro positif, 1975, p. 139.
◇ S’éclaffer / s’étiaffer (de rire), s’esclaffer, éclater de rire, pouffer de rire, rire aux éclats. Chaque fois qu’il prend la parole, tout le monde s’étiaffe de rire. ⇒ éclaf(f)ée.
13 « Les filles s’éclaffent de rire. » Enq. CD/II, 1975-1981 (VD Sainte-Croix).
◇ (emploi tr. dir.)
14 « […] ce dernier s’éclaffe le groin dans ce qui lui sert de bureau […] » Les 3 d’blanc, Journal des Vendanges, Neuchâtel, 1996, p. 6.
3.◆ éclaf(f)é, ‑ée ; étiaf(f)é, ‑ée part. passé-adj. Écrasé, éclaté ; cassé, brisé. Des fraises éclaffées sur la nappe.
15 « Hum, qu’est-ce qui le retient de le leur faire éclater, leur ballon ? Il n’aurait
qu’un geste à faire, qu’un mot à dire, et pfuit ! “éclaffé”, leur ballon, comme les “pêtoufles” [= vessies de porc], au temps des boucheries* ! » G. Clavien, Les Moineaux de l’Arvèche, 1972 (1re éd. 1962), p. 43.
16 « Elle se hausse un peu sur la pointe des pieds, tente de glisser le billet entre porte
et chambranle. Le papier se plie, n’entre pas. […] Elle essaie encore une fois : en
vain. […] D’un geste sec, tenant la feuille du calendrier tendue, elle la crève par
le milieu dans la poignée de la porte où elle la laisse, éclafée. » M. Zermatten, La Porte blanche, 1973, p. 86.
17 « Elle ne pouvait rien dire, elle était horrifiée, elle gargouillait : qu’est-ce que
c’est que ça ? qu’est-ce que vous avez fait là ? Elle ne pouvait décoller son regard
de la portion de mur entre le lit et la fenêtre, là où quelque chose avait dû s’écraser
pour retomber très étiaffé sur le bord du tapis quelque chose de petit et de gris, de vulnérable dont le sang
avait fait une grosse balafre bordée de toute une série de petites constellations
d’un rouge profond contre la belle tapisserie gris pâle. » A.-L. Grobéty, La Fiancée d’hiver, 1984, p. 377-8.
18 « Il y a un truc : c’est d’attacher ses lunettes à son col, avec un mince cordon. […]
Mais il y a un inconvénient. En effet, lorsque le patron vous serre sur sa poitrine
– pour des félicitations, par exemple, ou pour vous annoncer votre augmentation – eh
bien les lunettes sont éclaffées et ses branches se courbent ! » La Suisse, 6 octobre 1993, p. 20.
↪ V. encore s.v. glinglin.
Localisation. La forme étiaf(f)er a été relevée essentiellement dans 〈Canton de Neuchâtel〉.
Remarques. Fréquent dans la littérature ; pas toujours senti comme régional. — Cf. les composés éclaffe-beuses, étiaffe-merdes n. “chaussures” (tous les deux hapax NE, Manno 1994, p. 212), éclaffe-merdes (GE, NE, ibid.), et, par apocope, éclaffes (hapax NE, ibid.). Les formes éclaffes, éclaffe-bouses et éclaffe-merdes sont déjà attestées, avec le même sens, dans RouxArgSold 1921. IttCons 1970, p. 87
donne pour éclaffe-beuses le sens plus précis de “chaussures à grande pointure”. V. encore GPSR 6, 181a.
Commentaire. Premières attestations : FR 1412 (esclaffar) ; NE 1584 (esqlaffer) ; v. Pier et GPSR. Emprunt du français régional aux patois ; type autochtone en Suisse romande, apparenté au fr. esclaffer, qui représente pour sa part un emprunt à l’occitan. En français régional de France, on relève éclafer “faire éclater, écraser” en Savoie, étiaffer “écraser” en Franche-Comté et esclafer “écraser” dans le Languedoc, le Roussillon et le Midi pyrénéen.
Bibliographie. DeveleyVaud 1808, n° 419 ; Dumaine 1810, p. 229 ; GaudyGen 1820, 1827 ; DeveleyVaud
1824 ; PeterCacol 1842 ; HumbGen 1852 ; CalletVaud 1861 ; BonNeuch 1867 ; ConstDésSav
1902 (en réf. à la SR) ; WisslerVolk 1909 ; OdinBlonay 1910, p. 139a ; RouxArgSold
1921 ; Pier, PierSuppl ; Schoell 1936, p. 90 ; FEW 2, 734ab, klapp III 2 ; MeijerEnq 1962, p. 68, 131 ; ZumthorGingolph 1962, p. 248 ; IttCons 1970
(> DFV 1972, CuenVaud 1991) ; GPSR 6, 179a-181a, èḥlyafā̩ ; NouvelAveyr 1978 ; GuichSavoy 1986 ; GrafBern 1987 ; CampsLanguedoc 1991 ; CampsRoussillon
1991 ; ColinParlComt 1992 s.v. étiaffer ; BoisgontierMidiPyr 1992 ; Lengert 1994 ; Manno 1994, p. 212 et 219 ; « éclafer » OffScrabble 1995.
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