bringuer v.
1.◆ (v. intr.) Ennuyer, agacer, embêter avec des discours monotones, rabâchés. ⇒ bringue I 1 ; meuler ; piorner.
1 « Elle bringue toujours avec ces histoires d’héritage. » Enq. CD/I, 1974 (NE Landeron).
2.◆ (v. intr.) Se chicaner, se quereller (avec quelqu’un) ; chercher noise. Cesse de bringuer avec ta sœur ! ⇒ bringue II.
2 « – On prend encore trois [décis*] ? / – En vitesse. J’ai mon gouvernement [ma femme] qui bringue… » J. Chessex, Portrait des Vaudois, 1969, p. 86.
3 « Si on a une nouvelle place et si cela ne nous plaît pas, on ne reste pas. On boucle
ses bagages et on part. On est quand même pas marié avec le patron. Mais on ne bringue pas. On quitte. » P. Hugger, Le Jura vaudois, 1975, p. 218.
4 « Elle a bringué toute sa vie avec mon père parce qu’il ne fermait jamais les portes. » Exemple relevé à Saulcy (JU), 21 mai 1978.
5 « Ils n’avaient pas demandé l’autorisation de stationner. […] Je leur ai d’abord demandé
poliment de partir. Mais aujourd’hui, je ne veux pas bringuer avec cette histoire, je n’ai pas envie de représailles […]. » La Liberté, 19 août 1992.
↪ V. encore s.v. juge.
◇ se bringuer v. pron. Se disputer, se quereller ; se brouiller.
6 « On le voit pas souvent par là, i se sont bringués avec les parents. » Témoin âgé de 30 ans, 11 mai 1977 (NE Bevaix).
7 « T’aurais des gamins qui se bringueraient comme ça, tu leur balancerais une heure d’arrêts. » Les 3 d’blanc, Journal des vendanges 1996, Neuchâtel, p. 3.
3.◆ (v. tr. et intr.) Harceler, importuner (qn), le plus souvent pour obtenir qch. ⇒ bringue I 2 ; meuler ; petler.
8 « Bringue-moi pas avec ça : tu m’en as déjà parlé cent fois. » Enq. CD/I, 1974 (FR Roche).
9 « Il en a bringué pour obtenir ce poste. » Enq. CD/I, 1974 (VS Sion).
10 « Il faudrait pas que t’ailles trop loin Maurice, fais attention, il y a des choses
qui ne s’oublient pas et quand tu viendras bringuer pour avoir la machine à purin, tu pourras toujours courir… » A.-L. Grobéty, Zéro positif, 1975, p. 176.
11 « C’t’après-midi il avait envie d’aller au cinéma donc, pis ce soir i bringue pour aller voir un match de hockey et pis alors demain eh ben ma foi on verra bien ! » RSR (Oin-Oin), 22 mai 1976.
12 « Elle me bringue pour une machine à laver ! » RSR (Oin-Oin), 21 mai 1977.
4.◆ (v. intr.) Faire la fête, batifoler, folâtrer.
13 « C’est une religion de roi nègre, pas de discussion ! On est protestants, nous les
Vaudois, pas question de revenir au Moyen Âge ! / Leurs curés sont aussi douteux que
leurs saints. Voleurs, toucheurs, et des mines de ciel ouvert. Tout le monde sait
qu’ils bringuent avec leur servante et qu’ils se tapent la cloche derrière leurs murs. » J. Chessex, Portrait des Vaudois, 1969, p. 114.
◇ S’attarder, perdre son temps, traînasser.
14 « Quand tu auras assez bringué avec ta toilette nous raterons le train. » Enq. CD/I, 1974 (FR Roche).
◇ (en tournure nég.) Ne pas bringuer, ne pas hésiter, ne pas perdre son temps.
15 « “Jolie” [génisse prématurée] n’était pas bien encombrante ; avec ses 9 kilos, elle ne pesait
que le quart du poids moyen d’un veau arrivé à terme. […] “Ç’aurait été un mâle, on n’aurait pas bringué !” [on l’aurait tué]. » Le Sillon romand, 17 décembre 1976, p. 9.
Remarques. Tous les emplois du mot sont familiers. — Le sens de “porter un toast”, donné comme « région. (Suisse romande, etc.) » dans TLF, est donné à raison comme « ancien » dans Pier et GPSR. — GR 1985 s.v. bringuer isole, sous 1, un emploi régional suisse (“fréquenter les cafés, les lieux de plaisir”) distinct d’un emploi « rare et fam. » sous 3 (“faire la bringue, nocer”). Il n’y a pas lieu de séparer les deux sens, qui ne font qu’un (v. ici ci-dessus 4).
En revanche, GR 1985 aurait pu séparer les trois sens réunis sous 2 (« (Suisse). Insister exagérément, en importunant [v. ci-dessus 3] ; chicaner [v. ci-dessus 2],
rabâcher [v. ci-dessus 1]. »).
Commentaire. Première attestation (avec le sens, aujourd’hui désuet, de “porter un toast”) : 1542, Neuchâtel (v. GPSR ; GR 1985 donne à tort cette datation avec les sens de
“insister exagérément ; chicaner, rabâcher”). Dérivé de bringue (v. ce mot). Tous les sens connus en français régional sont aussi attestés dans les patois (v. GPSR).
Le sens de “faire la fête, nocer”, donné comme « fam. ou pop. » dans TLF, semble plutôt rare en français littéraire (1936, Céline et 1955, R. Vailland ;
contrairement à ce qu’on peut lire dans TLF et ColinArgot, bringuer ne se trouve pas dans BauchePop 1928), mais il est bien connu dans l’usage oral en
France (J.-P. Chambon, comm. pers.). Cf. français régional de Pontarlier bringuer “faire la noce ; s’ennuyer à ne rien faire”, Morez “faire la noce” et Pilat, Beaujolais, Velay bringailler “id.”. La Franche-Comté connaît le sens de “importuner [qn pour avoir qch.]”.
Bibliographie. BGPSR 9, p. 50 ; TappoletAlem, p. 20 ; SainéanParis 1920 ; CollinetPontarlier 1925 ;
Pier ; PierSuppl ; BauchePop 1928 ; BoillotGrCombe 1929 ; FEW 1, 530a, *brĪnos III 1 (à tort) et 15, I, 288a, bring dirs I 1 ; GPSR 2, 795b-796a s.v. bringa̩ ; BiseHBroye 1939 ; ZumthorGingolph 1962, p. 251 ; IttCons 1970 (> DFV 1972) ; RobSuppl
1976 ; TLF 4, 973a ; Alpha 1982 ; GR 1985 ; ChapuisMots 1988 ; PLi depuis 1989 ; MartinPilat 1989 ; DromardFrComt 1991 ; VurpasMichelBeauj 1992 ; FréchetMartVelay
1993 ; Lengert 1994 ; Manno 1994, p. 217 ; « courant » RobezMorez 1995 ; OffScrabble 1995 ; GR 2001.
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