beau, belle adj. ; n. m.
I.◆ Être beau, belle loc. verb. Se trouver dans une situation embarrassante, pénible ; être dans de beaux draps.
Cette fois-ci, on est beaux ! ⇒ joli.
1 « Le propriétaire de la vigne nous a surpris à prendre du raisin : cette fois on est beau. » Enq. CD/II, 1975-1981 (VD Arnex).
2 « Cette fois on est beau, la clé a cassé dans la serrure. » Enq. CD/II, 1975-1981 (NE Fenin).
3 « J’ai perdu mes clés, je suis belle ! » Enq. CD/II, 1975-1981 (JU Porrentruy).
II.◆ (C’est) pour faire beau voir, (c’est) pour parader, pour se pavaner ; c’est pour s’exhiber ou pour exhiber ses
biens.
4 « Elle a de nouveau changé de robe ; c’est uniquement pour faire beau voir. » Enq. CD/II, 1975-1981 (VD Arnex).
5 « Il a bien décoré sa maison, c’est pour faire beau voir. » Enq. CD/II, 1975-1981 (NE Cernier).
6 « J’ai mis un col de dentelle, c’est pour faire beau voir. » Enq. CD/II, 1975-1981 (NE Colombier).
7 « Un rideau à fleurs acheté pour faire beau voir. » Enq. CD/II, 1975-1981 (BE Bienne).
8 « Si elle porte des bottes en été, c’est pour faire beau voir. » Enq. CD/II, 1975-1981 (JU Porrentruy).
III.◆ Le beau, du beau n. m. Beau temps. Ils ont annoncé du beau. On a eu trois jours de beau. Avoir le beau, avoir du beau temps. ⇒ grand beau.
9 « Deux jours de beau, c’est magnifique. » RSR, 15 mai 1976.
10 « On a eu le beau finalement, il paraît que vous étiez dans le brouillard par ici. » RSR, 8 janver 1977.
11 « Retour du beau pour le week-end prochain. » RSR I, 25 mai 1994.
IV.◆ (Devant certains adjectifs exprimant en particulier une couleur ou une forme, sert
à exprimer un jugement esthétique favorable sur le contenu de l’énoncé.) Le gazon est beau vert. La robe est belle rouge. La lune est belle ronde ce soir. ⇒ bon.
12 « Mais soudain – oh joie ! – un pivert beau rouge s’en échappa. » C. Bille, Cent petites histoires cruelles, 1973, p. 27.
13 « Si vous tenez à garder votre gazon beau vert, il faut donc l’arroser. » Femina, 14 juillet 1976, p. 37.
14 « Quand revient la saison d’hiver, êtes-vous suffisamment entraîné pour tenir, beau droit, sur vos lattes ? » L’Est vaudois, 7 août 1976.
15 « J’avais mis de l’eau oxygénée dans mes cheveux. Ils étaient venus* beau jaunes. » Coiffeuse, Lausanne, 1976.
16 « Vos cheveux sont beau brillants maintenant. » Coiffeuse, Lausanne, 1977.
17 « Elle n’est plus belle droite [en parlant d’une baguette de fer]. » Concierge, Lausanne, 1977.
Localisation. Si la locution classée sous I semble bien connue dans toute la Suisse romande, celle
classée sous II n’est attestée que dans l’arc jurassien ; quant aux emplois classés
sous III et IV, ils sont pan-romands.
Remarques. I. Parmi les équivalents du français de référence, être frais (v. par ex. GR 1985) est aussi connu et usité en Suisse romande ; ce n’est pas le cas de être bon (ibid.). — II. La locution du français de référence il ferait beau voir “il serait incroyable, curieux, comique ; il ne manquerait plus que…” (TLF 4, 324a ; GR 1985) est aussi attestée en Suisse romande. — III. La locution
le temps est au beau (v. par ex. TLF 4, 326a) fait partie du français général et ne doit pas être considérée comme
un helvétisme.
Commentaire. Emplois sans tradition lexicographique (sauf I qui apparaît pour la première fois
dans GR 1985). I et II sont plutôt rares à l’écrit, mais III est déjà attesté chez
Amiel (depuis 1872, v. LengertAmiel) et Ramuz : « Eh bien, dit quelqu’un, on aura le beau. » (Guerre dans le Haut-Pays, 1915 [éd. 1967, p. 253]) ; « Il va falloir se dépêcher, si le beau vient » (Passage du poète, 1923 [éd. 1967, p. 134]) ; « C’est le beau, comme ils disent, c’est le grand beau, le tout grand beau » (ibid. p. 199) ; de même pour IV (déjà att. en 1879, v. LengertAmiel ; v. aussi Grevisse13 § 954 e 2° pour des ex. chez Ramuz). — I est une figure par antiphrase qui s’inscrit dans le paradigme des
locutions équivalentes du français de référence être frais, être bon (l’usage suisse romand connaît encore être joli*, de même sens). On a d’ailleurs relevé cet emploi chez Giono, originaire de Haute-Provence
(« Alors nous sommes beaux, si tu as peur » Le grand troupeau, 1931, coll. Folio n° 95 p. 38) ; selon France Lagueunière (comm. pers., 11 juin 1997), il serait aussi connu dans l’Allier, et Michel Francard (comm. pers., 15 août 1997) l’atteste pour Bastogne. — Quant à II, il pourrait s’agir d’une spécialisation
syntaxique (figement derrière la prép. pour et absence de complément) d’une tournure du français général : cf. « Il fait beau (suivi d’un inf.) : il est agréable, il est réconfortant de. — Plus cour. (suivi
de voir). Il fait beau voir un pareil dévouement. » (GR 1985 s.v. beau). — III résulte de la substantivation de l’adjectif à partir du syntagme beau temps. Une locution avoir beau “avoir du beau temps” est attestée à Nantes, ainsi qu’au Canada où on la relève en 1930 (GPFC) et en 1981
(DFQMs) ; mais l’usage québécois contemporain dit plutôt avoir du beau, annoncer du beau. Cf. afr. bel n. m. “beau temps” (TL). — IV représente un emploi adverbial d’un adjectif monosyllabique, phénomène
courant en français (cf. grand ouvert, fort aimable, fin prêt, etc.) ; beau dans cet emploi a aussi été relevé en patois (v. GPSR 2, 300b s.v. beau II 1°) et en français rég. de Savoie, où il serait « très vivant » dans plusieurs localités (v. Gagny). Voir aussi DRF s.v. beau IV. Pier atteste déjà beau premier av. 1768 (fin bau premier).
Bibliographie. TL 1, 910 ; Pier ; GPFC 1930 ; DFV 1972, p. 1310c (« ce pain est beau cuit ») ; TLF ; GR 1985 ; Grevisse13 § 954 e 2° ; BrasseurNantes 1993 ; GagnySavoie 1993 ; Lengert 1994 ; LengertAmiel
1998 ; DRF 2001.
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