encoubler v.
1.◆ (v. tr.) Déranger, importuner, gêner, embarrasser. ⇒ encouble.
1 « Vous avez été vraiment trop gentils pour moi, pendant que j’étais par chez vous à
vous encoubler… Dès que je serai à la maison, je vous enverrai une magnifique poule, en remerciement ! » A. Belperroud, Les toutes bonnes du syndic, 1973, p. 123.
2 « Quand vous êtes dans un chalet* et vous avez une dizaine de gens là qui boivent des verres, qui font du bruit, qui
gueulent, ça nous fatigue, c’est incroyable. On a assez de travail, ça nous empêche
de faire notre travail. On ne peut pas circuler, on doit aller à l’écurie*, à la cuisine, vers* les cochons, alors ces gens, ils nous “encoublent” comme on dit. » P. Hugger, Le Jura vaudois, 1975, p. 227.
3 « Trop de personnes dans la cuisine encoublent la cuisinière. » Enq. CD/II, 1975-1981 (VD Arnex).
4 « Ôte-toi de là, tu m’encoubles. » Enq. CD/II, 1975-1981 (NE Chézard).
◇ (en emploi abs.)
5 « C’est les plus vieilles, pourtant les plus dures, qui semblaient les plus sensibles
à une telle nouvelle [le cancer d’une jeune fille] ; elles ne pouvaient comprendre
qu’à leur âge le ciel leur préférât la jeunesse, elles qui ne pouvaient plus être
utiles à rien et qui “encoublaient” par les maisons. » A.-L. Chappuis, À petit feu, 1964, p. 157.
2.◆ s’encoubler de v. pron. (tr. ind.). S’embarrasser de. S’encoubler d’un mauvais partenaire.
6 « Il veut pas encore s’encoubler d’une femme qu’il dit mais, moi, je crois que c’est parce que l’Amélie aux Miollard
lui fait la potte [= la moue]. » G. Duttweiler, Joyeusetés de Romandie, 1973, p. 205.
3.◆ s’encoubler v. pron. (intr.). Trébucher, s’accrocher les pieds dans qch., s’empêtrer. S’encoubler dans des câbles. S’encoubler contre / sur / à une pierre. Elle s’est encoublée
dans le paillasson. Il s’est encoublé aux cartons qui traînaient sur le sol.
7 « […] je me suis élancé vers l’eau en gesticulant des bras pour amortir le contact des
cailloux qui blessent les pieds… Ah ! ces cailloux… et v’lan, en m’encoublant, je me suis trouvé à plat ventre dans l’eau… J’ai bu un grand coup… » W. Dubois, En poussant nos clédars, 1959, p. 99.
8 « Tu ferais mieux de surveiller un peu ton père quand il rentre soûl du cimetière et
s’encouble aux anges des tombes, mon père n’est jamais soûl, ce n’est pas vrai, redis-le ! » C. Colomb, Le Temps des anges, 1962, p. 57.
9 « […] l’autre vieux qui s’encouble chaque fois dans des ressorts de lit, sur le terrain vague au clair de lune. Il sacre
et tempête en rentrant chez lui. » M. Chappaz, Portrait des Valaisans, 1965, p. 191.
10 « Ils ne voient qu’eux-mêmes et leur amour les submerge de fatigue. Ils se déchirent
aux épineux, ils titubent sur ces déserts de lichen rougeâtre, de cailloux blancs,
ils s’encoublent dans des épaves ; ils s’accrochent l’un à l’autre… » C. Bille, Juliette éternelle, 1971, p. 140.
11 « Il sait déjà lever les yeux au ciel. Il le fait même en marchant, c’est pourquoi il
s’encouble souvent. » G. Duttweiler, Joyeusetés de Romandie, 1973, p. 203.
12 « Prends garde de ne pas t’encoubler à l’escalier. » Enq. CD/II, 1975-1981 (VD Arnex).
13 « Il s’est encoublé parce qu’il n’avait pas attaché ses souliers. » Enq. CD/II, 1975-1981 (NE Fenin).
14 « Je me suis encoublé dans les cordes qui traînaient dans la grange. » Enq. CD/II, 1975-1981 (BE Tavannes).
15 « Fais attention de ne pas t’encoubler sur ces racines ! » Enq. CD/II, 1975-1981 (BE Moutier).
16 « Je m’encouble dans le cordon du fer à repasser. » Enq. CD/II, 1975-1981 (JU Porrentruy).
17 « Au cours de son entraînement journalier, M. Cl. R., fondeur bien connu dans notre
région, s’est encoublé hier aux Fontenettes sur quatre magnifiques morilles dont la plus grosse ne mesurait
pas moins de 15 cm de hauteur. » L’Express, 3 novembre 1976, p. 8.
18 « Attention, ne vous encoublez pas dans mon tas de linge sale ! » Construire, 16 février 1994, p. 3.
19 « Le subalterne a fini deuxième. À la distribution des prix, il s’est encoublé sur l’escalier. Un moment de honte est vite passé. » Construire, 24 août 1994, p. 37.
20 « Pour que les internautes juniors ne s’encoublent pas virtuellement dans la grande toile, ils ont intérêt à commencer de surfer accompagnés. » Construire, 27 août 1997, p. 13.
↪ V. encore s.v. énuquer 2.
◇ (emplois fig.) Se tromper, faire une erreur, commettre un impair. S’encoubler dans ses mots, dans ses explications, s’empêtrer. S’encoubler dans les paroles d’une chanson, se tromper.
21 « Des boys mal commandés par des chefs qui ne savent plus ce qu’ils se veulent ne peuvent
aller tirer la barbe des ayatollahs sans s’encoubler dans les tapis. » Nouvelliste et Feuille d’Avis du Valais, 29 avril 1980, p. 1.
22 « [titre] Le Bélier [= groupe séparatiste jurassien] s’encouble / Après l’arrestation du chef du Groupe Bélier D. P., ordonnée par le procureur général
de la Confédération, la police a découvert hier au domicile de l’autonomiste une cinquantaine
de grenades à main. » Le Pays, 27 février 1993, p. 1.
23 « J’écoute une radio. C’est cher le bidule de la culture. Quand les parleurs bégaient,
je me souviens qu’A. Bl. s’encoublait à chaque syllabe. » Construire, 26 janvier 1994, p. 30.
↪ V. encore s.v. blanc.
Remarques. Tous les emplois du mot sont familiers. — L’équivalent du français de référence (au
sens 3), trébucher, très fréquent à l’écrit (en particulier dans la littérature), ne parvient pas à s’imposer
dans l’usage oral : encoubler reste le terme spontané dans la langue parlée. — Au Québec, enfarger (v. par ex. DQA 1992) rend la même idée que encoubler (au sens 3), et repose sur la même image (au sens premier, les deux verbes équivalaient
à entraver).
Commentaire. Premières attestations : 1528 (emcoblez, en parlant de chevaux entravés ; v. Pier) ; 1820 (encoubler “gêner, embarrasser” GaudyGen) ; 1825 (s’encoubler “s’empêtrer” GuilleDial). Dialectalisme (v. FEW pour les formes patoises correspondantes). Le
type patois est bien attesté dans le domaine francoprovençal ; en français régional de France, cf. Pontarlier s’encoubler “s’enfoncer (par ex. dans la neige)”, Morez (Haut-Jura) “entraver”, Sixt et Vallorcine (Haute-Savoie) s’encobler “s’emmêler les pieds, s’entraver”, Savoie encoubler “faire un croc-en-jambe”, La Mure (Isère) encoubler “emmêler”, s’encoubler “s’entraver, s’emmêler”, Pilat encoubler “entraver (une vache)”, s’encoubler “s’entraver”, Velay s’encoubler “s’entraver”.
Bibliographie. GaudyGen 1820, 1827 ; GuilleDial 1825, p. 40 ; PeterVoc 1828 ; PeterCacol 1842 ; HumbGen
1852 ; CalletVaud 1861 ; GrangFrib 1864 ; BonNeuch 1867 ; WisslerVolk 1909 ; BGPSR
1910, p. 51-52 ; OdinBlonay 1910, p. 169b ; Pier, PierSuppl ; CollinetPontarlier 1925 ;
BiseHBroye 1939, p. 304 ; FEW 2, 1158ab, cŌpŬla I 1 a ; ZumthorGingolph 1962, p. 246 ; MeijerEnq 1962, p. 18, 36, 38, 64, 74, 106 ;
IttCons 1970 (> DFV 1972, CuenVaud 1991) ; Voillat 1971, p. 234 ; SchüleListeLar 1978 ;
Lar 1979 ; TLF ; PLi depuis 1980 ; GR 1985 ; GuichSavoy 1986 ; « usuel à partir de 60 ans, en déclin en-dessous » MartinPilat 1989 ; DucMure 1990 ; « très vivant » BessatGMtBl 1991 ; « très peu vivant » FréchetMartVelay 1993, p. 155b ; « courant » Robez Morez 1995 ; OffScrabble 1995 ; GR 2001.
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