bon modalisateur d’énoncé
◆ (Devant certains adjectifs monosyllabiques exprimant une qualité perceptible par les
sens, sert à exprimer un jugement favorable sur le contenu de l’énoncé.) Agréablement. Il fait bon chaud, il fait bon frais. C’est bon sec. Avoir bon chaud. Du café bon chaud. ⇒ beau IV.
1 « On a pris un thé bon chaud. » MeijerEnq 1962, p. 102.
2 « […] ils touchaient le livre : – C’est combien ? Ils le feuilletaient, ils le soupesaient,
ils le pressaient, le faisant passer d’une main dans l’autre, ah il est lourd, il
est bon lourd […], oui je le prends mais vous m’écrirez quelque chose ? » J. Chessex, Carabas, 1971, p. 231.
3 « C’est la dernière descente. Après on ira boire une ovo [= Ovomaltine, boisson à base de lait, de malt, de chocolat en poudre et d’œufs (marque déposée)]
chaude au bistrot. Ça nous donnera bon chaud. » Enq. CD/I, 1974 (NE Neuchâtel).
4 « Le bois, faut qu’il soit bon sec. » Témoin âgé d’env. 60 ans, ouvrier, 27 septembre 1976 (NE Colombier).
5 « À la fin avril, il fait déjà bon chaud en Arvèche et plusieurs d’entre nous troquaient le pantalon à bretelles contre
les cuissettes*, les dernières semaines de l’école. » G. Clavien, Châtaignerouge, 1977, p. 157.
6 « C’est vrai qu’il est bon doux celui-là ! » Publicité de dentifrice, 8 mars 1977, TSR.
7 « L’air est sec mais grâce aux souffleries, il fait bon chaud. » Tribune de Genève, 3 janvier 1994, p. 13.
◇ (Variable, devant un adjectif féminin). La soupe est bonne chaude. Des pives* bonnes sèches.
8 « Cécile avait avancé sa main sur l’édredon et il la caressait, la caressait encore
parce qu’elle était bonne chaude. » A.-L. Chappuis, A petit feu, 1964, p. 129.
Commentaire. Première attestation : 1829-32 (chambre bonne-chaude, v. GuilleNeuch, p. 301). Emploi considéré par certaines cacologies du xixe s. (GuilleNeuch, PeterCacol) comme un germanisme. Cette hypothèse n’a été ni confirmée
ni rejetée par Pier et GPSR, qui ne se prononcent pas sur l’éventuelle origine germanique
du tour. Or, s’il s’agissait d’un calque de tournures telles (es ist) schön warm, on attendrait plutôt *(c’est, il fait) beau chaud. Quant à *es ist gut warm, il est, pour sa part, impossible en allemand, tout comme en dialecte alémanique.
En outre, l’emploi de bon devant un autre adjectif est attesté en français dans les tours figés bon premier, bon dernier. On préférera voir dans l’emploi suisse romand une survivance d’une tendance de l’ancienne
langue consistant à employer certains adjectifs en fonction adverbiale devant adjectif
(cf. encore grand ouvert, fort aimable, fin prêt, etc.). On trouve aussi en français régional d’Alsace bon chaud “bien chaud” (v. WolfFischerAlsace, qui ne se prononce pas non plus sur l’éventuelle origine allemande
de la tournure). Cf. encore « c’est bon pourri » chez M. Liotier (v. RézeauBibl, qui ne glose pas l’emploi du mot mais localise « Jura, Alpes du Nord ») et bon frais, bon chaud, bonnes douces, bons tranquilles en Haute-Savoie et en Savoie ; en outre, bon chaud serait très fréquent à Ronchamp (J.-P. Chambon, comm. pers.), et on l’a relevé chez J. Giono (Regain, 1930, p. 146), auteur originaire de Haute-Provence. V. encore DRF.
Bibliographie. GuilleNeuch 1829-32 ; PeterCacol 1842 ; GrangFrib 1864 ; BonNeuch 1867 ; Pier ; GPSR 2,
484b s.v. bon I 3 ; IttCons 1970, p. 237 (> DFV 1972) ; WolfFischerAlsace 1983 ; GR 1985 ; RézeauBibl
1986 ; GrevisseGoosse13, § 954 e 2° ; GagnySavoie 1993 ; Lengert 1994 ; DRF 2001 ; GR 2001.
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