tirer v. intr.
I.◆
1.◆ Infuser (en parlant du thé, d’une infusion). Laisser tirer le thé* de menthe quelques minutes. ⇒ cynor(r)hodon ; graille-cul ; thé.
1 « Et tandis que je me précipiterai à la cuisine pour y pleurer un petit coup en attendant
que le thé tire, elle monologuera […]. » Fr.-Ch. Gehri, Un Sou d’or, 1974, p. 169.
2 « Laissez tirer de 3 à 5 minutes (davantage pour le thé entier que pour le thé brisé) ; au-delà de
5 minutes, vous ne gagnez plus rien en arôme, par contre votre thé risque de devenir
amer. » Femina, 4 mai 1977, p. 119.
3 « On met ensuite le filtre sur la théière préchauffée, on ajoute les feuilles de thé
et on verse par-dessus l’eau fraîchement bouillie. Laissez tirer une à deux minutes pour un thé stimulant, trois à cinq minutes pour un thé calmant. » Femina, 13 juillet 1977, p. 67.
◇ (part. passé-adj.) Le thé est assez tiré, le thé a assez infusé.
I. 2.◆ Faire cuire à petit feu (en parlant de pâtes alimentaires, de légumes, etc., qu’on
laisse dans l’eau frémissante encore quelques minutes avant de les servir). On laisse tirer les pâtes fraîches dans le bouillon pendant cinq minutes.
4 « Versez-le [le bouillon] dans la soupière, ajoutez 1 dl de vin et laissez “tirer” à l’entrée du four 10 min. avant de servir. » M. Vidoudez, J. Grangier, À la mode de chez nous, 1976, p. 141.
5 « Faites blanchir à l’eau bouillante salée et, dès que les légumes remontent à la surface,
retirez du feu et laissez tirer 10 minutes avant d’égoutter, puis de laisser sécher à fond sur un linge. » Femina, 14 juillet 1976, p. 76.
6 « Préparation : plonger les cappelletti dans l’eau bouillante légèrement salée ou bouillon
et laisser tirer pendant environ 2 à 3 minutes. Bien égoutter, puis apprêter à volonté. » Notice sur un emballage de pâtes fraîches prêtes à l’emploi, mars 1995.
II.◆ ça tire loc. verb. Il y a un courant d’air. Il faut fermer les portes, ça tire ici.
7 « Nous avons dit à l’huissier : Fermez donc cette fenêtre, ça tire ! » Bulletin officiel des délibérations du Grand Conseil, Neuchâtel, 21 novembre 1973, p. 712.
Remarques. Ces emplois n’ont guère été stigmatisés par les tenants du bon usage en SR (à l’exception
de Corbellari 1968).
Commentaire. I.1. est attesté en SR depuis 1919 (d’abord au part. passé, v. Pier). Il s’agit d’un calque de l’emploi allemand correspondant (cf. den Tee ziehen lassen “den Tee in heißem Wasser lassen, bis die Wirkstoffe im Wasser sind” LangenscheidtGroß 1993). On retrouve le même emploi dans quelques sources belges
(v. Dupré, Massion), qui l’expliquent par l’influence du néerlandais. I.2. n’est pas documenté à date ancienne au fichier CD. Il s’agit également d’un calque de l’allemand (cf. la traduction allemande, relevé sur l’emballage, de la troisième citation ci-dessus
sous I 2 : « Cappelletti in kochendes, leicht gesalzenes Wasser oder Bouillon geben und 2-3 Minuten
ziehen lassen. »). II. Première attestation : 1864 (Grangier). À rapprocher de fr. tirer v. intr. “souffler impétueusement (du vent)”, attesté de Amyot jusqu’à Ac 1694 (v. FEW), encore relevé à Agde vers 1770 (v. LagueunièreSéguier),
en SR en 1925 par Pier, et en 1984 dans GononPoncins. Comme autre emploi intr., cf. aussi frm. tirer “avoir une bonne circulation (d’un poêle)”, att. depuis Balzac (v. FEW). Pour la SR, il est raisonnable de supposer une influence de l’all. es zieht “kalte Luft strömt durch oder in einen Raum” (LangenscheidtGroß 1993). L’emploi suisse romand est aussi attesté en Belgique et
en Alsace, où on l’explique resp. par l’influence du néerlandais et de l’allemand, mais aucune explication de ce type
n’est valable pour justifier sa présence dans l’est du Velay, en plein Massif Central
(v. FréchetMartVelay), où il ne peut s’agir que d’une innovation sémantique locale.
V. encore DRF s.v. tirer III.
Bibliographie. « il tire ici “il y a un courant d’air” » GrangFrib 1864 ; « tirer “souffler, souffler fort, en parlant du vent”, ça tire “il y a un courant d’air”, tirer “infuser” » Pier ; PierSuppl (> « (région.) Belgique, Est de la France » dans TLF) ; Pohl 1950 ; FEW 6, I, 398b, martyrium III 1 a α ; « tirer “infuser” ; ça tire “il y a des courants d’air” » Corbellari 1968, p. 707 ; « ça tire “il y a un courant d’air” » BeatensBruxelles 1971, p. 221 et 425 ; « ça tire ici “il y a un courant d’air froid” » DFV 1972 ; « ça tire “il y a un courant d’air” ; faire tirer le thé “le faire infuser” » DupréEnc 1972 ; « ça tire ici, il tire ici “il y a un courant d’air” » HanseChasse 1980 ; « ça tire “il y a un courant d’air” » Had 1983 ; « on a pu dire que le vent tire du nord, mais mieux vaut ne pas dire il tire, impersonnel, ou ça tire pour il y a un courant d’air » Hanse 1983 ; « ça tire “il y a un courant d’air” » WolfFischerAlsace 1983 ; « la bise tire “la bise souffle violemment” » GononPoncins 1984 ; « régional (Belgique) ça tire “il y a un courant d’air” » GR 1985, 2001 ; « ça tire “il y a un courant d’air” » Nic 1987 ; « tirer “faire un courant d’air ; infuser” » MassionBelg 1987 ; « belgicisme : il tire, impersonnel, ou ça tire pour il y a un courant d’air » Hanse 1987 ; « Belgique, Suisse ça tire “il y a du courant d’air” ; Suisse tirer “infuser” » PLi depuis 1989 ; « tirer “infuser” ; très bien connu par tous les témoins » HeitlandNeuch 1993 ; « ça tire “faire un courant d’air” ; surtout vivant dans l’est » FréchetMartVelay 1993 ; « il tire, ça tire “il y a un courant d’air” » Belg 1994 ; « ça tire “il y a un courant d’air” » ArèsParler 1994 ; DRF 2001.
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