les citations
éd. 1999 retchétrage [ʀətʃe:tʀa:ʒ] 🔊 n. m.
◆ Rafistolage. (Ne) faire (que) du retchétrage.
« Avant de commencer, le Denis veut vider toute la chambre de ses meubles. Quand il en arrive au buffet, notre Denis des pinceaux se heurte au refus catégorique de l’Henri : – Non, non, il n’est pas question de le déplacer. C’est un vieux meuble, il veut* tout se démantibuler. Après tout, Denis, c’est ton boulot de savoir faire avec, tu es artiste ou quoi ? / Le Denis fera donc du retchétrage, pour qu’on n’y voie rien. / N’empêche que, pour masquer au mieux la combine, il a quand même fallu bouger la moindre* ce fameux buffet. » Le Rai-Tiai-Tiai aidjolat [journal de carnaval, JU Ajoie], n° 21, 1997, p. 27.
Localisation. Canton du Jura (Jura Nord).
Remarques. Peu connu des témoins interrogés lors d’une petite enquête. À ce mot correspond un autre régionalisme, courant dans toute la Suisse romande, raccommodage.
Commentaire. Il s’agit d’un dialectalisme semi-francisé : le suffixe ‑age (< lat. ‑ATĬCUS) a la forme française, mais l’affriquée garde sa forme patoise ; le vocalisme (lat. k + a [a initial entravé atone] > e) est lui aussi conservé sous sa forme patoise, mais ce phénomène n’est guère étonnant. Le passage exact du patois en français n’est pas totalement clair, étant donné le manque de sources : il peut s’agir de l’adaptation française du substantif patois (*retchétraidge, non attesté en patois dans nos sources), du dérivé du verbe en français régional *retchétrer (non attesté en français régional jurassien dans nos sources) ou d’un déverbal français formé directement sur le verbe patois retchétraie “mal raccommoder ; châtrer de nouveau” (Vatré). Le n. m. re(t)chétrage n’était, jusqu’à présent, pas attesté, ni en patois, ni en français régional. Il est possible qu’il s’agisse d’une variante propre à la région jurassienne, de par le préfixe et de par le suffixe. En effet, le sens de “raccommoder” pour le type châtrer et ses dérivés s’est particulièrement développé sur le territoire galloroman (v. FEW 2, 475b, CASTRARE I 2 a), mais le préfixé re- (uniquement le verbe) n’est attesté qu’en Franche-Comté (Contejean, Vautherin, FEW), en Bourgogne (quelques points dans l’Yonne, le Morvan et la Côte d’Or, v. ALB 3, 1576) et dans les Ardennes (FEW, une seule attestation). En Suisse romande, le sens de “raccommoder” pour le type simple est également bien attesté dans les patois. Quant au dérivé en ‑age, il n’est attesté que pour le Jura Nord, en patois (tchḗtrḕ̩dj) et en français régional (châtrage), et qu’au sens premier de “action de châtrer” (v. GPSR 3, 440a et Vatré). En français régional de Franche-Comté, Dromard (1991) donne rechâtrer “raccommoder grossièrement”. — À ajouter à FEW 2, 475b, CASTRARE I 2 a.
Bibliographie. QuenetJura 1998, p. 49.
Simone QUENET
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