loin adv.
I.◆
1.◆ Sorti ; parti, absent. Pendant qu’elle est loin, pendant son absence. Il est loin aujourd’hui, il n’est pas là, il s’est absenté. Ils sont loin pour Noël, ils partent à Noël. J’ai voulu la retenir, elle était déjà loin, déjà partie. Pendant que j’étais loin à Neuchâtel, ils ont repeint mon appartement. C’est loin, c’est parti. Les portes du train se ferment et hop, nous voilà loin !
1 « Je voulais te dire, mais tu étais loin ce jour-là, ça m’est sorti de la tête… » G. Clavien, Les Moineaux de l’Arvèche, 1974 (1re éd. 1962), p. 217.
2 « Puis, une fois servi, il boit son vin et sort. Alors le gros Lucien se tourne vers
Frédéric et lui dit : – Il est enfin loin, ce bavard ! » A. Belperroud, Les toutes bonnes du syndic, 1973, p. 154.
3 « Il était à peine loin ce matin que j’ai eu envie de quitter cette maison tout de suite, sans rien toucher. » A.-L. Grobéty, Zéro positif, 1975, p. 258.
4 « Au premier étage se trouvent la chambre à coucher, la salle de bains et la chambre
des enfants, divisée en deux coins distincts par une vaste armoire. Quand les adolescents
seront loin, on pourra en faire une pièce plus grande, simplement en supprimant l’armoire. » Femina, 15 septembre 1976, p. 92.
5 « En tout cas, tâche de rester loin le plus longtemps possible […]. » G. Clavien, Le bel aujourd’hui, 1978, p. 33.
6 « Nous sommes debout sur la place, les bagages à nos pieds et je les dénombre pour être
sûre de ne rien perdre. Mais je vois sur le pont arrière d’un camion, chargé de paysans
repartant vers leurs villages, un petit sac rouge [en italique dans le texte]. Il est suspendu à un crochet au côté d’une fillette. Croyant – je ne sais pourquoi
– qu’il fait partie de nos bagages, je tends la main et je l’attrape au moment où
le camion est déjà loin. Je cours, il a disparu. » C. Bille, Le Sourire de l’araignée, 1979, p. 19-20.
7 « Puis elle se rhabille rapidement, m’effleure le front de ses lèvres. Elle est pressée,
dit-elle. Prise tout l’après-midi. Jusqu’à ce soir. Puis veut dormir. Elle laissera
un mot à l’hôtel, pour demain, au revoir, au revoir, je suis déjà en retard, à demain.
Reposez-vous. Elle est loin. Elle court, elle court… » J. Chessex, Morgane Madrigal, 1990, p. 36.
↪ V. encore s.v. gêner (comm. hist.).
◇ (par euphémisme) Mort(e). Elle n’a pas passé la nuit ; au petit matin, elle était loin.
8 « Si j’ai une attaque, tant mieux, je serai vite loin. » Enq. CD/I, 1976 (Neuchâtel).
◇ (interjection) Loin ! Allez ouste !
9 « À la première histoire, je le flanque à la porte. Ça lui apprendra à prendre ma maison
pour un bordel. Le flanquer à la porte, je n’attends que ça, à la première histoire,
loin, dehors monsieur le fainéant, allez voir dans les autres pensions si on tolère vos
grands airs. » J. Chessex, La Tête ouverte, 1962, p. 28.
10 « La police les fait partir. Hop ! Loin ! Ils ne veulent pas partir. » MeijerEnq 1962, p. 14.
11 « Loin les morts ! Ouste ! Au trou ! » J. Chessex, Carabas, 1971, p. 217.
12 « Il voit qu’il n’en sortira pas. Soudain, la moutarde lui monte au nez : “Les conjoints, les avocats, loin !” et d’un index impérieux, il leur désigne la porte. » Bouquet, 29 septembre 1976, p. 6.
◇ (loc.) Loin du bal ! (Se dit à quelqu’un que l’on ne veut plus voir, que l’on désire expulser, jeter dehors,
mettre à la porte, ou d’une chose que l’on veut jeter, dont on veut se défaire.) Cette fiche est inutile : loin du bal ! ⇒ pive 2.
13 « Non, reprit-il encore ! On t’a assez vu. On te connaît assez ! Des types comme toi,
loin du bal ! » A.-L. Chappuis, Quand la grêle et le vent, 1960, p. 205.
14 « Il ouvre la porte, pousse le vieux dehors par l’épaule et se retourne vers l’assistance
qui n’a pas bougé. Quand il la referme, on voit par la fenêtre les deux hommes qui
marchent un moment côte à côte dans le soleil du soir avant de disparaître derrière
un mur. / – Loin du bal ! crie la patronne. » J. Chessex, Portrait des Vaudois, 1969, p. 43-44.
15 « Si je vous attrape à avoir de la température, loin du bal ! » RSR, Émission Oin-Oin, 1975.
Remarques. La définition donnée dans Lengert 1994, p. 169 (“se dit de quelqu’un qui n’est pas informé ; d’une personne qui se trompe”) est inappropriée. Sur cette expression, v. encore Kubler Expr 1995, p. 282.
I. 2.◆ Disparu (choses). Ouvre la fenêtre, l’odeur sera d’abord* loin. Avec ce soleil, la neige sera vite loin. Quand on est rentré, il était déjà
trop tard : tous nos bijoux étaient loin !
16 « Ouais, l’hiver prochain, loin tous ces buissons et ces broussailles dans le coin, là-haut au levant ; de la bonne
terre à planter, ça !… » G. Clavien, Châtaignerouge, 1977, p. 39.
II.◆
1.◆ (en combinaison avec des verbes de mouvement) Aller, courir, galoper, sauter loin. Va loin, sale cabot !
17 « Attention, cachez-vous, courez loin, il arrive !… » G. Clavien, Les Moineaux de l’Arvèche, 1974 (1re éd. 1962), p. 51.
18 « Et s’y aurait [sic] rien que la moitié de l’essaim qui serait tombé dedans, tu crois qu’ils auraient
eu le temps de courir loin ?… » G. Clavien, Châtaignerouge, 1977, p. 243.
19 « Lors du premier concours de Miss Europe à Cannes, le jury international en voyant
arriver Mme A. R. a galopé loin. Il l’avait prise pour une candidate. » La Terreur (journal de carnaval, VS), éd. jaune, 1977, p. 6.
20 « Le groupe a eu le temps de sauter loin. Une partie du matériel a même été emportée. » L’Express, 23 mai 1977, p. 23.
◇ (avec auxiliaire modal et ellipse du verbe)
21 « Loin, qu’il m’a fallu moi aussi […] ; je leur ai donné mes quinze jours. » IttCons 1970, p. 247.
22 « Avec la mamie [= ma femme], c’t’année, on a dit : “I nous faut loin.” » RSR, 27 mars 1976.
23 « Demain soir j’ai la chorale, je peux pas loin. » Relevé dans une discussion, 1978 (VS Hérens).
II. 2.◆ (en construction transitive directe, avec des verbes exprimant le déplacement d’un
objet) Mettre loin, ranger ; disposer de ; enlever ; jeter. Je préfère attendre que t’aies mis ce cendrier loin pour me mettre à table. Mener
loin, emmener ; porter loin, emporter (GrangFrib > Pier). Jeter, lancer loin, (vulg.) ficher, foutre loin, mettre, jeter aux poubelles, au rebut ; éliminer, faire disparaître ; se défaire
de, se départir de. Les photos ratées, on les jette loin. C’est de l’argent jeté loin, gaspillé.
24 « Je jetai loin ma canne à pêche et m’élançai à son secours. » R. Fell, Dans l’été brûlant, 1965, p. 53.
25 « Tout foutre loin, jeter les doigts en avant, les ouvrir sur l’objet qui glisse / bruit métallique devant
moi / se défaire de tout ça, loin, tout foutre au panier percé des vieux souvenirs […]. » A.-L. Grobéty, Zéro positif, 1975, p. 211.
26 « A. C. a décidé de jeter loin la chemise que Luc portait le soir de l’élection du vice-président*. Le bas du dos était trop abîmé pour être raccommodé. » La Terreur (journal de carnaval, VS), éd. verte, 1977, p. 7.
III.◆ Avoir (quelque chose) loin loc. verb. En être privé.
27 « Devinette : La différence entre I. F., président des Cafetiers de Sion, et P. M.,
président des Cafetiers suisses ? Pas de différence, les deux ont loin le permis. » La Terreur (journal de carnaval, VS), éd. jaune, 1975, p. 4.
28 « Coup dur pour les carrossiers valaisans : T. B. a loin le permis pendant trois mois. » La Terreur (journal de carnaval, VS), éd. verte, 1982, p. 1.
Localisation. I et II : 〈Suisse romande〉 (sauf la loc. loin du bal qui n’a été relevée que dans 〈Canton de Vaud〉). III : 〈Canton du Valais〉.
Commentaire. Premières attestations : en France, 1803 (« être loin “être parti” » Molard) ; en Suisse, 1820 (id., Gaudy) ; 1825 (« jeter loin » “se défaire de” Guillebert) ; 1911 (« être loin » “être mort”, C.-F. Ramuz, Aimé Pache, p. 272 de l’éd. de 1967) ; v. encore Pier pour de nombreux ex. de locutions verbales. Dialectalisme ; bien que souvent considéré par les puristes
(Plud’hun, Dudan) comme un germanisme à proscrire (de l’all. weg ou fort), l’existence d’emplois identiques ou très proches en français régional de Lyon, de la Grand’Combe (Doubs), de la Savoie et du Val d’Aoste oblige à écarter
l’hypothèse d’un calque de l’allemand. L’ensemble de constructions parfaitement parallèles
relevées dans les parlers romands (v. OdinBlonay s.v. viya) suggère en fait que nous avons sans doute affaire à des calques du patois. La correspondance
entre le terme de français régional et le terme dialectal semble d’ailleurs être présente dans la conscience métalinguistique
de certains locuteurs, comme en fait foi cette citation de M. Chappaz où l’on retrouve
les deux adverbes côte à côte en fonction d’apostrophes injonctives : « Et loin, via, via ! » (Le Match Valais-Judée, 1968, p. 45). — La loc. être loin “être parti, absent” est donnée sans marque diatopique comme appartenant au « nfr. » dans le FEW, mais avec comme seule référence le témoignage d’A. Bonnerot et J. Magnenat,
collaborateurs romands au FEW. La loc. jeter loin y est, pour sa part, identifiée correctement comme vaudoise et genevoise par, resp., M. Bossard et J. Magnenat.
Bibliographie. MolardLyon 1803 ; GaudyGen 1820 ; GuilleDial 1825, p. 69, 83a ; GuilleNeuch 1829-32 ;
PeterCacol 1842 ; HumbGen 1852 ; CalletVaud 1861 ; GrangFrib 1864 ; BonNeuch 1867 ;
PludFranç 1890, p. 4 et 16 ; PuitspeluLyon 1894 ; OdinBlonay 1910, p. 638b s.v. viya ; Pier ; « jtœ̨̄́ lwẽ́ » BoillotGrCombe 1929, p. 210 ; DudanFranç2, p. 22 ; DudanFranç4, p. 85 ; DudanPaille
1948 ; Redard 1954, p. 130 ; FEW 5, 403ab, lŎng ? ; MeijerEnq 1962, p. 14, 48, 62, 137 ; Voillat 1971, p. 228 ; MartinAost 1984 ; GuichSavoy
1986 ; « des sous à fout [sic] loin » DondaineMadProust 1991, p. 67 ; Lengert 1994 ; SkupienPurisme 1994.
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