les citations
tracer v.
I.◆ 1.◆ (v. intr.) Courir ; (en particulier) courir çà et là, avec empressement. J’ai pas arrêté de tracer toute la journée.
1 « Nous faisions bien une bonne dizaine de kilomètres dans le Comptoir* même, où l’on traçait [en italique dans le texte] dans tous les coins, ne voulant rien perdre et tout voir. » IttÇà, 1975, p. 208.
2 « […] mais cette histoire pourrait tout aussi bien commencer quand mon corps traçait derrière eux, dans l’axe éblouissant du désir, que rien ne pouvait me retenir de surprendre leur étreinte entre les fentes du bois, avec le soleil déjà moite de cette fin d’après-midi d’octobre huilant mes épaules […]. » A.-L. Grobéty, Infiniment plus, 1989, p. 20.
I. 2.◆ (v. tr. ind.) Tracer après qn, courir après qn, le suivre à la trace. Il fallait voir le chien qui lui traçait après (ChevalleyListe 1990). Il est toujours en train de tracer après les filles, de courir les filles.
3 « Devant le Marché M., Me B. n’est pas venu chercher les cinq mille huit cent quarante pièces d’un franc. “Un avocat ne trace pas après l’argent comme un lièvre après une carotte”, a déclaré le défenseur […], qui a proposé à la délégation de venir à son étude lausannoise. » Tribune de Lausanne, 14 novembre 1981.
4 « Et les Tumulus [personnages de carnaval] ? À cinq ans, Bibi leur “traçait” déjà après. “Dans le temps, ils étaient plus farceurs qu’aujourd’hui.” » La Liberté, 2 mars 1993, p. 15.
II.◆ (v. tr.) Biffer, rayer, raturer. Si vous ne venez pas, je vais tracer votre nom sur la liste.
5 « Non élus : M. G. (1951) qui fut conseiller durant deux mois seulement, et R. D. (1900) qui a été tracé [dont le nom a été rayé] près de 60 fois plus qu’en décembre. » L’Express, 8 mars 1977, p. 9.
6 « Une enseignante membre de l’association […] n’a pas été réélue à son poste dimanche, en ville de Zurich. Près de 70 % des votants ont tracé son nom de leur liste […]. » Le Nouveau Quotidien, 11 avril 1994, p. 22.
7 « […] si une liste contient plus de noms de candidats qu’il n’y a de sièges à repourvoir, elle n’est pas jetée à la poubelle. Le bureau électoral tracera les candidats inscrits en trop. » La Liberté, 8 novembre 1996, p. 16.
Remarques. Emplois très fréquents à l’oral, mais très rares à l’écrit.
Commentaire. I. Première attestation : 1558 (trassé, v. Pier). À rattacher à afr. mfr. tracier v. intr. “aller, marcher, courir, voyager”, att. du xiiie au xve s., v. FEW ; cet emploi s’observe en fait dans de très nombreux parlers galloromans, et Trév 1771 le donne même pour le parler populaire parisien (tracer “courir, marcher, aller et venir”). Le mot semble en fait avoir vécu d’une vie propre en dehors de la lexicographie, car il réapparaît de nos jours dans plusieurs sources, qui le marquent tantôt comme « régional », tantôt comme « populaire » ou « argotique » (v. bibliographie ci-dessous). Il est de toute façon familier ou populaire dans les régions où on l’emploie. En plus de la SR, on le relève entre autres en Haute-Saône (Ronchamp ; comm. pers., J.-P. Chambon), dans le Doubs et en Savoie. – CalletVaud 1861 ; WisslerVolk 1909 ; OdinBlonay 1910, p. 578a ; Pier ; BoillotGrCombe 1929, p. 291 ; BiseHBroye 1939, p. 305 ; FEW 13, II, 144b, *tractiare 1 b ; IttCons 1970 (> DFV 1972) ; « tracer pop. “aller très vite”, arg. “fuir vivement” ; se tracer arg. “partir” » GLLF 1978 ; “aller rapidement vers ; courir ; filer” CellardRey 1980 ; « (survivance de l’anc. franç. xiiie s.) régional ou pop. “aller vite, courir” » GR 1985, 2001 ; « tracer, se tracer “partir, s’en aller rapidement” » ColinArgot 1990 ; “aller vite, faire vite, se dépêcher ; (en particulier) marcher vite, courir vite” GagnySavoie 1993 ; « pop. “marcher vite, filer” » TLF ; Lengert 1994. — II. Première attestation : 1603 (v. Pier). Type attesté en moyen français ; dans les parlers modernes, on le relève à Mons (Belgique) et à St-Pol (Pas-de-Calais). En français régional, il est très bien attesté en SR, mais on en relève aussi une att. dans le Doubs (Grand’Combe). La motivation s’explique simplement par le fait que l’action de biffer consiste à tracer (une ligne, une barre) sur le mot ou le nom à rayer.
Bibliographie. GuilleNeuch 1829-32 ; PeterCacol 1842 ; CalletVaud 1861 ; GrangFrib 1864 ; BonNeuch 1867 ; OdinBlonay 1910, p. 578a ; GilliéronAbeille 1918, p. 230-231 ; Pier ; BoillotGrCombe 1929, p. 291 ; FEW 13, II, 145b, *tractiare 2 a ; IttCons 1970.
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