oser v. tr.
1.◆ Avoir la permission de, avoir le droit de, être autorisé à, pouvoir (dans des tournures
interrogatives où l’on sollicite une permission, où l’on s’enquiert de la possibilité
de se livrer à une activité quelconque). Maman, j’ose avoir des bonbons ? On ose faire du snowboard dans cette station ?
1 « Est-ce qu’on ose dire des bêtises au confessionnal ? Sûrement pas… la confession, c’est sérieux, donc
pas de bêtises ! » A. Maillard, C’était au milieu du siècle, 1997, p. 123.
2 « Autant dire que ce canton* affiche une santé financière éclatante. Dans celui de Neuchâtel, où le compte ordinaire
navigue sur des recettes comparables […], nos conseillers* d’État osent faire ce qu’ils veulent, ou presque. » L’Express, 24 mars 1997, p. 3.
2.◆ (dans des tournures négatives :)
◇ On n’ose pas, il est défendu de, on n’a pas le droit de. Dans les locatifs*, on n’ose pas faire de bruit après dix heures du soir.
3 « On n’ose pas donner des renseignements sur ces gisements. » RSR I, 28 novembre 1975.
4 « L’Office vétérinaire cantonal* a ainsi décrété la Commune de La Ferrière zone d’infection. Cela signifie des mesures
de séquestre plus restrictives, notamment que les chiens et les chats n’osent plus errer et qu’il est interdit de les faire entrer ou sortir de la zone d’infection. » Journal du Jura, 11-12 septembre 1976, p. 15.
5 « Heureux Saint-Gallois* ! Leurs autorités cantonales* n’osent pas boucler* les comptes si le déficit dépasse 20 millions de francs. » L’Express, 24 mars 1997, p. 3.
◇ Ne pas oser, ne pas pouvoir se permettre de. Il n’ose pas perdre, il ne faut pas qu’il perde, il ne peut pas se permettre de perdre.
6 « La Suisse affrontera la France […] dans un match qu’elle n’ose absolument pas perdre. » L’Express, 27 avril 1993, p. 31.
◇ Ne pas oser, avoir intérêt à ne pas, ne pas devoir. On n’ose pas mettre d’ustensiles en métal dans les fours à micro-ondes, il ne faut pas, on ne doit pas, il est recommandé de ne pas, il est déconseillé de.
7 « On n’osait pas s’asseoir, car la mousse était humide. » MeijerEnq 1962 [dép. de 1959], p. 176.
8 « Avec ce produit, on n’ose pas nettoyer le zinc. » Vendeur dans une droguerie, 1976 (VD Lausanne).
◇ (en parlant d’inanimés) Qch. n’ose pas + inf. passif, on n’a pas le droit de + inf. actif + qch.
9 « Les dictionnaires n’osent pas être empruntés [on n’a pas le droit d’emprunter les dictionnaires]. » Femme âgée d’env. cinquante ans, 12 avril 1994 (NE Neuchâtel).
Remarques. Emplois critiqués, mais extrêmement fréquents dans l’usage oral de toute la Suisse
romande. Les écrivains doivent toutefois être conscients du caractère non normatif
de cet usage, car on ne le rencontre guère dans la littérature. — Le mot est bien
sûr aussi employé en Suisse avec le sens qu’il a dans les autres pays francophones
(“se risquer à, avoir l’audace de”).
Commentaire. Première attestation en Suisse romande : 1724 (PierSuppl) ; en France : 1794 (Ban-de-la-Roche,
Bas-Rhin ; v. Brunot 9, 239). Il semble bien s’agir d’un germanisme, également attesté
en français d’Alsace ; il a en outre été relevé à Metz et dans l’est de la Wallonie
(Pohl, mais aussi comm. pers. de Michel Francard, 15 août 1997, qui l’atteste au sens 1 pour le français régional de Bastogne) ; v. encore DRF. Cet emploi de oser reproduit une partie des sens de l’all. dürfen (alors que oser avec le sens de “se risquer à, avoir l’audace de” correspond plutôt à l’all. wagen). On rencontre toutefois en français de référence des emplois très proches de celui
classé ici sous 1 ; cf. GLLF 1976 (« dans des formules de politesse ou de précaution oratoire » s.v. oser 3), GR 1985 (« dans des formules de courtoisie, en manière de précaution oratoire » s.v. oser 4) et TLF (« dans des tours euphémiques, par précaution oratoire, surtout à la 1re pers. » s.v. oser A). Mais les exemples illustrant ces emplois se trouvent toujours dans des constructions
performatives (du type j’ose espérer) ou conditionnelles (du type si j’ose dire), et jamais dans des constructions interrogatives pour solliciter une permission
ou s’enquérir de la possibilité de se livrer à une quelconque activité, comme c’est
le cas en français de Suisse romande.
Bibliographie. GrangFrib 1864 ; Pier, PierSuppl ; Br 9, 239 ; « en forte décroissance » RobillotMetz 1936, p. 54 ; « beaucoup plus courant et plus répandu en SR. qu’en Belgique » Pohl 1950, p. 19 s.v. oser 2 ; MeijerEnq 1962, p. 176 ; FichFrBE n° 284, sept. 1966 ; WolfFischerAlsace 1983 ;
PLi depuis 1989 ; Défense du français n° 334, nov. 1993 ; SkupienPurisme 1994 ; FrancardBastogne
1994 s.v. wazèr ; FEW 25, 1041b-1042a, AUSARE ; DRF 2001.
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