gouille n. f.
1.◆ Flaque d’eau. Piaffer dans une gouille ; enjamber, camber* une gouille. Après une pareille roillée*, il y aura des gouilles partout. La voiture est passée à toute vitesse dans une gouille
et m’a giclé*.
1 « Parfois le parapluie fait aussi de splendides balades sous une pluie douce de printemps ;
il se glisse sous les sapins dont les rameaux font chanter la toile tendue et finit,
avec son maître, dans un petit café de campagne ; mal élevé il fait une gouille sur le plancher, mais on lui pardonne car, témoin muet, il ne dira jamais où sont
les coins des premières morilles. » W. Dubois, En poussant nos clédars, 1959, p. 31.
2.◆ Mare, petit plan d’eau ; trou d’eau dans le lit d’une rivière. Les vaches viennent s’abreuver dans cette gouille. Un baigneur s’est noyé dans cette
gouille.
2 « Certes, l’endiguement du Rhône avait déjà commencé depuis des décennies. Des canaux
d’assèchement existaient, notamment dans la région de Saillon, Fully et Charrat. Mais,
dans l’ensemble, toute la région de Bouveret à Sierre offrait le spectacle d’un paupérisme
affligeant : gouilles aux eaux stagnantes et verdâtres, îlots de verdure aux maigres fourrages, roselières,
arbres fruitiers rabougris, endémique paludisme, etc. » V. Darbellay et al., Liddes, 1976, p. 52.
3 « D’autres poissons ont également péri dans cet orage : ceux qui nageaient dans les
“gouilles” situées tout au long de la Borgne. Une vanne a sauté à Ferpècle et, subitement la
rivière s’est mise en crue, charriant un nombre incroyable de mètres cubes d’eau.
Les “gouilles” ont été envahies et les poissons projetés vers la plaine. » Tribune-Le Matin, 18 juillet 1976, p. 15.
4 « Jadis, la plaine de Fully, avant son assainissement, était recouverte de mares habillées
de roseaux, habitées par de coassantes grenouilles. C’était autant de nids à moustiques
dont le nuage s’étendait jusque dans la région de Martigny. Tout cela est du passé
et les “gouilles” ont fait place à de magnifiques cultures encadrant de jolies maisons, construites
par nos agriculteurs, arboriculteurs et vignerons. » Nouvelliste et Feuille d’Avis du Valais, 22 septembre 1976, p. 1.
5 « C’est pourquoi, lorsque des défenseurs de l’environnement viennent me dire : vous
devez protéger cette gouille, il y a encore des roseaux et des grenouilles, j’en tiens compte. » Femina, 4 mai 1977, p. 16.
6 « La Riviera est la dernière région de notre pays qui n’a pas de patinoire pour la pratique
du hockey sur glace. Est-ce pour cette raison qu’on a aménagé à l’entrée ouest de
Vevey une petite mare qui gèle par temps froid comme ces jours-ci ? Peut-être. Mais
les méchantes langues disent qu’il n’est pas possible de patiner sur la gouille […]. » Vevey-Riviera, 12 décembre 1991, p. 3.
7 « Baignade dramatique hier à Sion. Un homme de 38 ans s’est noyé hier après-midi aux
gouilles de l’Ile de la Bourgeoisie dans la capitale valaisanne. » Le Matin, 21 juin 1993, p. 3.
8 « [titre] Aigle : Victime de la gouille / Un homme se noie dans un étang vaudois / Un homme de 35 ans s’est noyé […] dans
l’étang du Duzillet, un plan d’eau né de l’excavation de gravières et très couru par
les habitants de la région. […] La gouille aiglonne* fait, en moyenne, une victime par année. » Le Matin, 19 juillet 1993, p. 3.
◇ (en particulier) Étang aménagé pour la pêche. On peut pêcher la truite dans cette gouille.
9 « Sur un terrain de la bourgeoisie*, les pêcheurs ont aménagé un plan d’eau qu’ils baptisèrent “La Gouille”. Autour de celle-ci, un chemin permet la libre circulation, de telle sorte qu’il
n’est pas nécessaire de se munir d’un équipement spécial pour y accéder. Il ne restait
à la gouille de Salquenen qu’à accueillir des milliers de poissons. C’est chose faite aujourd’hui. » Nouvelliste et Feuille d’Avis du Valais, 14 avril 1976, p. 23.
10 « Les pêcheurs de Chalais […] étaient en fête, samedi en fin d’après-midi, à l’occasion
de l’inauguration officielle de leur “gouille”. […] Cette “gouille” accueillit récemment une quarantaine de kilos de truites qui, une fois pêchées, feront
le délice des gastronomes. » Nouvelliste et Feuille d’Avis du Valais, 8-9 juin 1977, p. 35.
11 « [titre] Le Châble : la gouille des Vernay accueille la coupe suisse de pêche à la truite / La “Gouille des Vernay” au Châble, bien connue des pêcheurs bagnards* et valaisans, sera le théâtre, le dimanche 10 septembre prochain, de la traditionnelle
coupe suisse de pêche à la truite. » Nouvelliste et Feuille d’Avis du Valais, 26/27 août 1978, p. 19.
12 « Ravivée il y a quelques mois, l’association des Amis du Loclat avait jeté le pavé
dans le petit lac. Elle souhaitait réglementer la pêche dans la gouille saint-blaisoise*. » L’Express, 17 juillet 1996, p. 19.
Remarques. Dans cet emploi où le mot se trouve à la frontière entre appellatifs et toponymes,
l’usage hésite dans l’emploi de la majuscule.
◇ (en particulier) Aménagement à certains endroits du cours d’un torrent pour limiter la force du débit
(VS).
13 « La surprise de ces aires neigeuses ! depuis l’extrémité d’une plaine glaciaire qui
s’effondrait en labyrinthe de gouilles et de torrents, on se rapprochait inexorablement d’une sorte de cassure, d’un roc
aux proéminences de plus en plus sèches avec quelques empreintes rouges et des tiges
de fer, coiffé de deux pans plus clairs, le gîte bienvenu. » M. Chappaz, La haute route, 1974, p. 62.
◇ (s’emploie aussi plaisamment pour désigner de grandes étendues d’eau : le lac Léman,
la Méditerranée, l’Atlantique, etc.) La grande gouille.
14 « Bien que chez nous l’on vive loin des océans, il se trouve presque toujours un ancêtre
barbu et couperosé qui, un jour très loin dans le passé, a traversé la “gouille”. » N. Bosson, Paillache ou la nuit des quatre temps, Lausanne, 1969, p. 11.
15 « Le niveau de notre grande gouille [le lac Léman] demeure au-dessus de la moyenne. Et en haut, toute la neige n’est
pas fondue. » Tribune de Genève, 6 juillet 1978, p. 9.
16 « 22 degrés pour la plus grande gouille de notre canton*, j’ai nommé le lac de Neuchâtel ! » RTN (radio cantonale neuchâteloise), 28 juillet 1995, bulletin météo.
Commentaire. Premières attestations : gollye “eau que l’on faisait boire aux suppliciés” (Lausanne 1368, Gdf, dans un texte en latin) ; latin médiéval gollia “fossé, mare” (1502, v. Pier) ; frm. gouille (1750, v. Pier). Dialectalisme ; type attesté dans les dialectes galloromans du Centre-Ouest,
du Centre et du Centre-Est (v. FEW) ; en français régional, on rencontre le mot (avec le même sens ou avec des sens proches) en Bourgogne, Franche-Comté,
Haute-Savoie et Savoie, Ain, ainsi qu’en Val d’Aoste (v. bibliographie ci-dessous).
Meyer-Lübke, Tappolet et Wartburg rattachent ce mot à un étymon alémanique emprunté
par le latin vulgaire au plus tard à la fin du ixe s. (Tapp.) et dont suissal. Gülle f. “fumier” est un représentant moderne.
Bibliographie. SchneiderRézDoubs 1786 ; GaudyGen 1820, 1827 ; HumbGen 1852 ; CalletVaud 1861 ; GrangFrib
1864 ; BonNeuch 1867 ; “mare d’eau un peu considérable” BeauquierDoubs 1881 s.v. gouillat ; Gdf 4, 307a s.v. gollye ; CarrezHJura 1906 ; TappoletAlem s.v. Gülle ; Pier, PierSuppl ; “endroits profonds du lit d’un ruisseau” CollinetPontarlier 1925 ; “flaque d’eau” BoillotGrCombe 1929, p. 176 ; REW 3912 ; Schoell 1936, p. 90 ; BiseHBroye 1939 ;
Redard 1954, p. 132 ; FEW 16, 99b-100a, *gullja ; MeijerEnq 1962, p. 12 ; ZumthorGingolph 1962, p. 250 ; SchüleNendaz 1963 ; IttCons
1970 (> DFV 1972, CuenVaud 1991) ; SchüleListeLar 1978 ; Lar 1979 ; PLi depuis 1980 ; TLF ; “boue liquide” RouffiangeMagny 1983 ; GR 1985 ; “flaque d’eau” DurafHJura 1986 ; “creux rempli d’eau” GuichSavoy 1986 ; DudenSchweiz 1989 s.v. Gülle ; “boue liquide” TavBourg 1991 ; “flaque d’eau, mare” BessatGMtBl 1991 ; “flaque d’eau” DromardFrComt 1991 ; “flaque d’eau, trou d’eau” ColinParlComt 1992 ; “trou d’eau dans une rivière à sec (très peu vivant)” VurpasMichelBeauj 1992 ; “flaque d’eau, trou d’eau, bourbier ; mare, marais” GagnySavoie 1993 ; « courant partout » RobezMorez 1995 ; OffScrabble 1995 ; “trou d’eau dans une rivière à sec” FréchetAin 1998 ; GR 2001.
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