pouvoir en avant (ne pas, ne plus -) loc. verb.
1.◆ Ne pas, ne plus pouvoir avancer.
1 « Le tracteur i peut plus en avant, i rebole [= refuse d’avancer]. » Témoin âgé de 70 ans (NE Bevaix), 15 juillet 1977.
◇ (exceptionnellement) Ne pouvoir ni en avant ni en arrière, ne plus pouvoir ni avancer ni reculer ; être bloqué, immobilisé.
2 « Les pilotes valaisans ont également sauvé hier quatre alpinistes bloqués dans la paroi
de l’Aeginer. On dut les tirer de la montagne à l’aide d’un treuil et d’un câble,
car ils ne pouvaient ni en avant ni en arrière. » Feuille d’Avis de Neuchâtel, 7 août 1978.
2.◆ (fig.) Être à bout de forces, n’en plus pouvoir.
3 « Attendez un peu, Madame. Vous m’en reparlerez de ce sale trou ! On vit pourquoi dans
ce pays ? On a rien. Les gosses, le vin et le boulot, c’est tout. Et quand on peut plus en avant, on claque. » M. Métral, L’Avalanche, 1966, p. 100.
Remarques. Locution familière, très fréquente à l’oral, surtout au sens figuré (2).
Commentaire. On retrouve cette loc. au sens 1 en afr. (xie–XIIe siècles) sous les formes ne poeir (en) avant, ne pooir en avant (v. FEW 9, 232b, pŎsse). Il est cependant difficile de la considérer comme un archaïsme, vu l’absence de
toute documentation écrite postérieure. En revanche, l’ellipse d’un verbe de mouvement
après pouvoir est attestée sporadiquement dans d’autres constructions régionales : « Il a prétexté d’aller faire quelque chose dehors, pour pouvoir dehors [= pouvoir sortir] du chalet » (Contes et légendes de Fribourg, 1984, p. 50) ; « l’eau descend de la montagne et vers chez mon cousin, où il y a ce monticule, le terrain
est imperméable et elle peut pas au lac [= ne peut pas arriver jusqu’au lac] » (NE Bevaix , mai 1985, témoin âgé de 55 ans). La fréquence, dans les patois de SR,
de tours semblables où d’autres verbes semi-auxiliaires présentent l’ellipse du verbe
de mouvement ou de position, appuie l’hypothèse d’un dialectalisme syntaxique ; cf. les ex. suivants en français régional : Séprais [JU] tu ne dois pas dans ce camp « tu ne dois pas entrer dans ce camp » (GPSR 5, 622b) ; VD-VS il nous faut loin « il nous faut partir » (GPSR 7, 133a s.v. falloir 6° 1), v. aussi loin II 1 ; FR il me faut là « je veux être là » (GrangFrib 1864). Pour une critique de l’éventuelle origine germanique de ce type
de constructions, cf. le commentaire de Wartburg dans FEW 9, 236a, n. 10. — L’emploi romand manque à FEW 9, 232b, pŎsse.
Bibliographie. Had 1983 s.v. plus (donne aussi le sens de “être rassasié, ne plus pouvoir continuer à manger”, qui représente un cas particulier du sens 2) ; Nic 1987 s.v. plus ; ArèsParler 1994 s.v. plus ; KublerExpr 1995, p. 282.
Pierre KNECHT
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