lutrin n. m.
◆ (musique) Support en métal ou en bois, souvent léger et pliable, de hauteur réglable, composé
d’un pied et d’un plateau inclinable avec un rebord sur sa partie inférieure, permettant
à l’interprète d’y poser ses partitions. Un lutrin de musicien ; poser sa partition sur un lutrin ; plier, déplier un lutrin ; ne pas lever les yeux
du lutrin.
1 « Elle s’avança d’une traite jusqu’au piano, elle rabattit violemment le couvercle de
l’instrument dont les cordes ébranlées résonnèrent dans tout son corps dressé contre
le silence de l’intrus […]. Une seconde immobile, tout à coup, elle renversa le lutrin qui prolongea le sursaut des cordes, puis elle repoussa les partitions qui s’y trouvaient. » J.-P. Monnier, Les Algues du fond, 1960, p. 71.
2 « Les chanteurs sont groupés au fond de l’église, derrière la table de communion où
se dresse une croix nue, les deux violonistes assis à droite, devant leur lutrin, leur instrument sur les genoux. » J. Mercanton, L’Été des Sept-Dormants, 1974, p. 379.
3 « Entre lui et moi, il a déplié le lutrin dans la chambre, ouvert un cahier tout blanc tout frais sans tache, il porte l’archet ;
le violoncelle sale animal se frotte contre lui, entre ses cuisses. » A.-L. Grobéty, Zéro positif, 1975, p. 25.
4 « Et dans le bis, comme dans les quelques morceaux que Triton joua par la suite, pas
une seule fois sa virtuosité ne se laissa prendre en défaut, ni son humeur élégante,
ni la souplesse avisée de son attitude à son lutrin. Un lutrin qui ne lui servit guère ce soir-là qu’à marquer rituellement sa place devant ses
auditeurs, car il ne regarda pas ses partitions, jouant le plus souvent les yeux fermés,
penché en avant, comme absorbé dans le songe heureux et primesautier de son violon. » J. Chessex, La Trinité, 1992, p. 125.
Remarques. Régionalisme inconscient et non relevé dans la lexicographie (sauf, sans marque, dans
Alpha – encyclopédie rédigée à Lausanne). Les sens du français de référence (“pupitre sur lequel on met les livres de chant, à la messe ou à l’office”, “pupitre sur pied pour consulter les ouvrages de grande taille” ; v. NPR 1993) sont également connus en Suisse romande (« Lorsque, dans un coin du lutrin (plus solide et massif que celui des musiciens), il pressait sur l’avertisseur signalant
à l’organiste le moment de relayer la Parole par la Musique […]. » E. Barilier, Une Atlantide, 1989, p. 151). L’équivalent du français de référence, pupitre (dans le domaine musical), est également connu en Suisse romande mais moins courant ;
il désigne surtout le pupitre du chef d’orchestre.
Commentaire. Première attestation : 1946, Alice Rivaz, Comme le sable, p. 136, 137, 183, 194. Connu également en Belgique (comm. pers., Laurent Robert ; Michel Francard) et au Québec (DFQMs). L’existence du mot dans
la francophonie périphérique laisse supposer qu’il s’agit d’un archaïsme, jamais pris
en charge par la lexicographie française ; dans l’usage central, lutrin semble avoir subi la concurrence de pupitre, mot qui désignait à l’origine une plate-forme d’où l’on faisait des déclamations,
puis, par métonymie, le support du texte déclamé (métonymie attestée depuis le xive s. et originaire du centre, du nord et de l’est du domaine d’oïl, v. FEW). M. Viollet-Le-Duc,
dans Dictionnaire raisonné du mobilier français, 1872, p. 175 sqq. ne connaît pas l’emploi du mot pour désigner un lutrin de musicien
et déplore que le lutrin en tant que pupitre sur pied pour consulter les ouvrages
de grande taille ait cessé d’être en usage en France. — À ajouter à FEW 5, 235b, l ?ctŌrium.
Bibliographie. Alpha 1982 ; ThibQuébHelv 1996, p. 357.
Simone QUENET
Copyright © 2022, tous droits réservés
|