goger v.
1.◆ (v. intr.) Séjourner dans l’eau, rester plongé dans l’eau, tremper (se dit notamment d’objets
en bois qu’on laisse s’imbiber d’eau pour les faire gonfler). Faire goger un bateau, une seille*. Mettre goger les brantes*.
1 « L’employé communal passe pour laver les fontaines publiques, et déjà, dans le petit
bassin, deux fossoirs, une pelle, une triandine [= bêche à trois dents] gogent dans l’eau froide, attendant l’aube du lundi pour inaugurer la nouvelle année. » E. Gardaz et al., Le Vin vaudois, 1975, p. 97.
2 « La vendange approche ; il faudra mettre goger les brantes* et les tonneaux. » Enq. CD/II, 1975-1981 (VD Arnex).
4 « As-tu fait goger le bateau ? » Enq. CD/II, 1975-1981 (NE Cortaillod).
5 « Avant les vendanges, on met goger les gerles* dans les fontaines. » Enq. CD/II, 1975-1980 (NE Colombier).
6 « […] champ de maïs sous un mètre d’eau stagnante, betteraves immergées, pommes de terre
gogeant par centaines d’hectares […] » Le Nouveau Quotidien, 20 octobre 1993.
◇ Rester longtemps dans l’eau (d’une personne).
7 « Pensez-vous réellement, lorsque vous faites votre lessive ou votre vaisselle, que
vous vous lavez les cheveux ou que vous “gogez” langoureusement dans un bain mousse, que vous contribuez à la dégradation de notre
environnement ? » La Suisse, 5 juin 1979.
8 « – Ah ! ce qu’on est bien quand on est dans son bain. On fait des grosses bulles, on
joue au sous-marin… Vous connaissez la chanson ? L’hiver, j’adore les bains très chauds.
Je me laisse goger ! Je me détends en buvant un verre de whisky pur malt ou un bon armagnac. » 24 heures, 16-17 décembre 1995, p. 24.
◇ (fig.) Être plongé dans un état immobile.
9 « Nous respirons à petits traits dans le vide de l’espace, chacun sanglé dans son sas,
gogeant dans le silence. » A.-L. Grobéty, La Fiancée d’hiver, 1984, p. 432.
◇ (fig.) Se débattre dans une situation difficile, patauger.
10 « Nos parents nous disaient pas grand-chose, y nous laissaient goger. » RSR 1977.
11 « Pitié, stop, n’en publiez plus ! Tant pis, quitte à goger dans l’ignorance, je renonce à consacrer les 347 prochaines années à me cultiver
avec les seules nouveautés du printemps 1994. » L’Hebdo, 11 mai 1994, p. 63.
◇ (par ext.) Attendre. On m’a fait goger plus d’une heure (Pid 1983, p. 67).
2.◆ (v. tr.) Couver, incuber (une maladie, une querelle). Il n’a pas l’air bien, il doit goger quelque chose.
Localisation. 〈Canton de Vaud〉, 〈Canton du Valais〉, 〈Canton de Genève〉, 〈Canton de Fribourg〉, 〈Canton de Neuchâtel〉.
Remarques. Senti comme régionalisme, mais volontiers employé à l’oral, et à l’écrit de style
un peu familier, d’autant que le fr. de référence manque d’un terme équivalent qui couvre l’ensemble des emplois romands.
Commentaire. Francisation d’un vb. patois dont le sémantisme est plus diversifié que celui du français régional (v. FEW). Sa répartition géographique (SR francoprovençal et Franche-Comté) appelle, selon Wartburg, une étymologie d’origine burgonde. En
français régional, le mot est surtout vivant en SR, mais certains emplois encore en usage au début
du siècle (v. Pier) ont aujourd’hui disparu. D’après la documentation actuellement
disponible, notre sens 2 est attesté depuis Guillebert (1829-32), avant le sens 1,
qui ne remonte qu’à 1861 (CalletVaud) ; mais tout porte à croire que la filiation
sémantique s’est déroulée dans l’ordre inverse. En français régional de France, on ne signale que deux attestations : Pontarlier (gouger une maladie) et Dijon (se gôger “prendre l’eau dans ses chaussures”).
Bibliographie. GuilleNeuch 1829-32 ; CalletVaud 1861 (p. 56, 190) ; BonNeuch 1867 ; GignouxVigneron
1902, p. 59 (> WisslerVolk 1909) ; OdinBlonay 1910, p. 224b ; CollinetPontarlier 1925 ;
SchüleNendaz 1963 ; FEW 17, 488ab, *walgjan (où « c. Bern. goger “bouder” W 90 » est erroné) ; IttCons 1970 ; RLiR 42 (1978), p. 173 ; ChuardVaud 1979 ; « régional. romand » Alpha 1982 ; Had 1983 ; Pid 1983, 1984 ; Nic 1987, 1990 ; BossardVie 1990, p. 95-97 ;
ArèsParler 1994 ; Lengert 1994.
Pierre KNECHT
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