fion n. m.
◆ Raillerie, moquerie, pique, pointe ; allusion ou insinuation blessante, souvent proférée
en public. Lancer, flanquer, jeter des fions à qn. Recevoir des fions.
1 « Ça ne bichait plus entre la population et lui [le curé]. Il préférait les étrangers
et les étrangères de passage et lançait le dimanche du haut de la chaire des fions à ses rudes paroissiens, grands amateurs eux-mêmes de coups de langue et de coups
de poing. » M. Chappaz, Portrait des Valaisans, 1965, p. 123.
2 « Je ne retournerai pas chez ces gens où je n’entends que des fions. » Enq. CD/II, 1975-1981 (VD Arnex).
3 « Nos concurrents et adversaires ne me ménagent pas : à tout moment ils me lancent des
fions. » Enq. CD/II, 1975-1981 (NE Le Landeron).
4 « Ils avaient eu dans le temps un différend et ne pouvaient se rencontrer sans se lancer
des fions. » Enq. CD/II, 1975-1981 (NE Fenin).
5 « Elle a reçu un de ces fions ! Elle ne lui a jamais pardonné. » Enq. CD/II, 1975-1981 (BE Tavannes).
6 « Non, vraiment, on ne pouvait pas te laisser sortir comme ça. […] Dis, tu te vois,
à l’apéro, avec ton complet sans cravate ? Que tout le monde te lancerait des fions ! Regarde-toi, tu n’es pas mieux, comme ça ? » ChapuisBonfol, 1985, p. 27.
Remarques. En français de référence, fion est défini comme suit : “bonne tournure, cachet final, dernière main” (NPR 1993), en particulier dans le syntagme donner le coup de fion (PLi 1989). Cette acception n’est guère connue en Suisse romande. Au Québec, fion s’emploie avec le sens (apparenté) de “fioriture, ornement” (Bélisle 1957 > TLF), mais aussi avec le sens connu en Suisse romande (v. Seutin,
DulongCanad). — On relève encore en France de nombreux sens plus ou moins argotiques
(“postérieur”, “chance”, “individu méprisable” ; coup de fion “coup de chance” ; v. TLF, CellardRey, ColinArgot). Ils ne se rattachent toutefois pas au même type
(mais plutôt à troufignon, var. troufion, par aphérèse).
Commentaire. Première attestation : 1793, avec le sens supposé de “contrariété, camouflet” (« Je crains que la croix de Malte ne soit envoyée à la fille du banquier Bethmann. Serieusement
je voudrois que la Ctesse eut ce petit fion, comme on dit au paÿs de vaud », Lettre de Mme de Charrière à Henriette L’Hardy, 18 juin 1793, publiée dans J.-D. Candaux et al.
[éd.], Isabelle de Charrière, Belle de Zuylen : Œuvres complètes, t. IV, p. 102). Il s’agit vraisemblablement du même mot que celui du français de
référence (rattaché par Wartburg à la famille de fignoler) ; en effet, certains parlers connaissent pour ce type les deux sens : cf. Vosges fion “ce qui fait l’ornement d’un objet, la finesse d’une repartie”, Remiremont “dernière main à un travail ; insulte fine” (FEW). Il semblerait alors que le mot fion ait désigné à l’origine une raillerie subtile, bien tournée. Le sens de “pique, pointe” est abondamment attesté dans le français régional de l’est du domaine galloroman : en plus de la Suisse romande, on le relève en Bourgogne,
en Franche-Comté, dans l’Ain, en Savoie, dans le Dauphiné, en Isère, dans le Lyonnais
et le Velay, ainsi qu’à Clermont-Ferrand (comm. pers., J.-P. Chambon), en Ardèche et à Marseille. V. aussi DRF.
Bibliographie. OdinBlonay 1910, p. 218a ; SainéanParis 1920, p. 84 (sur l’usage romand) ; Pier ;
FEW 3, 564b, fĪnis II 2 ; IttCons 1970 (> CuenVaud 1991) ; SchüleListeLar 1978 ; « en Suisse » Lar 1979 ; TLF ; « en Suisse » PLi depuis 1980 ; « usuel » TuaillonVourey 1983 ; GononPoncins 1984 ; BourquinPays 1985, p. 49, 106 ; GR 1985 ;
BouvierMars 1985 ; DurafHJura 1986 ; GuichSavoy 1986 ; GrafBern 1987 ; MartinPellMeyrieu
1987 ; MartinPilat 1989 ; DucMure 1990 ; TavBourg 1991 ; DromardFrComt 1991 ; VurpasMichelBeauj
1992 ; VurpasLyonnais 1993 ; FréchetMartVelay 1993 ; « usuel » BlancRouatVill 1993 ; « usuel » RobezMorez 1995 ; « usuel à partir de 20 ans » FréchetAnnonay 1995 ; SalmonLyon 1995 ; OffScrabble 1995 ; GPSR 7, 489b-490a ; FréchetAin
1998 ; DRF 2001 ; GR 2001.
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