grand-maman n. f. (exceptionnellement grand-mama)
◆ Mère du père ou de la mère, grand-mère. Dis adieu* à grand-maman ! Comment va ta grand-maman ? Sa grand-maman a eu nonante* ans le mois dernier. Ma grand-maman m’a tricoté une jaquette*. La bonne cuisine des grands-mamans. ⇒ grand-papa.
1 « Il était une fois… Est-ce bien que les contes commencent ainsi ? J’en doute la moindre*… car il était une fois, une grand-maman très pieuse qui, une fois tout son petit monde au lit, s’appuyait au chambranle de
la porte reliant les deux chambres… une grand-maman qui priait à haute voix, les yeux levés vers le plafond, vers le ciel invisible…
une grand-maman qui s’approchait de chacun pour lui donner deux longs baisers… trois à moi parce
que j’étais son “gâtion*”. » W. Dubois, En poussant nos clédars, 1959, p. 184.
2 « Yolande a dit : ta grand-maman. C’est vrai. Ç’a été pour Adèle comme un jet d’eau bouillante : ce petit Victor est
là, il vit, je suis sa grand-maman. Il est là, et le désert qu’était la vie s’en trouve merveilleusement peuplé. » S. Chevallier, Le Silence de la terre, 1961, p. 126-127.
3 « Ainsi, c’était là, sous un de ces toits bruns, à la fois si près et si loin, que cette
grand-maman inconnue, si jeune encore, avait durant des années cousu des chemises d’hommes à
la lueur d’une vieille lampe à huile pour élever ses quatre enfants […]. » A. Rivaz, L’Alphabet du matin, 1968, p. 242.
4 « Il y a quelques années, le tricot n’était bon qu’à occuper les longues journées des
grands-mamans installées dans leur fauteuil. Grand-maman se spécialisait alors dans la confection d’une layette pour le nouveau-né ou de chaussettes
pour le soldat parti à son cours de répétition*. » Le Nouvel Illustré, 20 octobre 1976, p. 29.
5 « À la ferme, été comme hiver, c’était grand-maman la première debout, avant Damien, avant Frédéric. » G. Clavien, Châtaignerouge, 1977, p. 263.
6 « Un sourire sur les lèvres, les yeux presque perdus dans le vague, manifestement, une
grand-maman errait dans ses souvenirs de jeunese en contemplant toutes ces vieilles Citroën réunies
près de la cantine* du Puisoir, à Orbe. » Tribune-Le Matin, 30 mai 1977, p. 4.
7 « Comment est-ce qu’on faisait autrefois pour moudre son café, grand-maman ? » Construire, 1er mars 1995, p. 47.
Remarques. Dans la langue littéraire, grand-mère est beaucoup plus fréquent (Suistext) ; grand-maman, bien que surtout employé à l’oral, n’est toutefois pas limité au langage enfantin
et peut aussi s’employer entre adultes, mais avec une connotation affective et familière.
— Cf. encore arrière-grand-maman n. f. “bisaïeule” (« Les descendants de […] ont le chagrin de faire part du décès de Madame […], leur très
chère maman, belle-maman, grand-maman, arrière-grand-maman, sœur […]. » L’Express, 23 janvier 1995, p. 32). — Pier donne la forme grand-mama comme « SR fam. » ; nous n’avons retrouvé des attestations de cette forme, aujourd’hui vieillie, que
chez un seul auteur au fichier CD : « Ma grand-mère maternelle, que l’on appelait “grand-mama”, est morte quand j’avais 16 ou 17 ans » G. Clavien, Châtaignerouge, 1977, p. 257-258.
Commentaire. Première attestation en France : 1670 (« Je ne veux point qu’un gendre puisse à ma fille reprocher ses parents, et qu’elle
ait des enfants qui aient honte de m’appeler leur grand-maman. » Molière, Le Bourgeois gentilhomme, p. 146 dans Frantext ; antérieur de vingt ans à Fur 1690, donné par FEW, GLLF, GR) ;
première attestation en Suisse romande : 1762 (« Et votre grand-maman, est-elle jeune ou vieille ? » J.-J. Rousseau, Émile ou de l’éducation, p. 723 dans Frantext ; antérieur de près d’un siècle au « 1850 » non référencé de Lengert 1994). Il est très difficile d’appréhender le caractère
régional de cet emploi. On considérera quatre types de données : la représentation
du mot dans la lexicographie générale ; les données des banques textuelles ; les témoignages
des locuteurs suisses et français interrogés ; la vitalité des concurrents du mot
dans chaque pays. Le premier de ces critères ne permet guère de conclure au caractère
régional du mot. La très grande majorité des dictionnaires français donne le mot sans
marque, ou avec des marques comme « enfantin » ou « hypocoristique » (v. bibliographie ci-dessous) qui ne présentent aucune dimension diatopique. Seuls
GR 1985 et 2001 le donnent comme « vieilli ou rég. (courant en Suisse, etc.) », reprenant le contenu d’un dossier de rédaction transmis par le Centre de dialectologie
de Neuchâtel. Cette marque n’a pas été reprise dans NPR 1993. La banque textuelle
Frantext fournit de nombreuses attestations des formes grand-maman, grand’maman : si l’on fait abstraction des auteurs suisses (Rousseau et Amiel), on en relève
58 att. au xviiie s., 29 att. au xixe s., et 8 att. au xxe s. Cette fréquence décroissante suggère fortement que l’on a affaire à un archaïsme.
Selon Pohl 1950, le mot s’emploierait encore en Belgique comme « enfantin et familier » ; on relève en effet une douzaine d’articles qui l’attestent dans les archives électroniques
du journal bruxellois Le Soir (janv. 1994 à sept. 1996), mais souvent dans des emplois fig. ; d’autre part, Michel Francard (comm. pers., avril 1997) nous affirme que le mot est rarement entendu de nos jours, et qu’on
lui préfère bonne-maman (vieilli) ou mamie (comme en France). La base Québétext, qui réunit des ouvrages du xxe s. et de la seconde moitié du xixe, compte un total de 201 formes — chiffre énorme, si l’on considère que cette base
contient beaucoup moins de mots-occurrences que Frantext. Le mot est en effet d’un
emploi tout à fait courant au Québec, même s’il a commencé à céder la place à mamie chez les jeunes enfants. La récolte est plus mince dans Suistext : on relève deux
att. chez C. Bille (Théoda, 1944), 64 chez A. Rivaz (61 dans L’Alphabet du matin [1968], et 3 dans Traces de vie [1983]). Cela ne veut pas dire que le mot soit plus rare en Suisse qu’au Québec,
mais réflète probablement une différence d’attitude des écrivains de chaque pays envers
la langue. Les nombreux témoins romands interrogés répondent tous spontanément qu’ils
emploient couramment grand-maman, tout comme les témoins français déclarent ne jamais l’utiliser ; on lui préfère mémé ou mamie comme termes affectifs pour désigner l’aïeule (cf. encore bonne-maman « fam. » NPR 1993, qui aurait aussi droit à un traitement mieux documenté dans la lexicographie).
Ces termes ne s’emploient pas du tout en Suisse romande avec ce sens. Il semble donc
qu’on ait affaire à un archaïsme, plus ou moins bien conservé en périphérie mais mal
pris en charge par la lexicographie générale. — Donné sans marque dans Li, DG, Ac
et encore NPR 1993 s.v. maman.
Bibliographie. « on dit aussi Grand’ maman » Ac 1798 s.v. maman ; « Grand’maman » Ac 1835, 1878 s.v. maman ; « enfantin » Lar 1874, 1901, 1930, 1962 ; « Grand-maman » Ac 1935 s.v. maman ; « nfr. […] seit Fur 1690 » FEW 4, 222a, grandis I 2 b ; « “grand-mère ; arrière-grand-mère” enf. ou fam. rép. » Pohl 1950 ; « fam. » Rob 1956 et PR 1967, 1984 s.v. grand-mère ; « langage enfantin » GLLF 1973, Lexis 1975, 1992 ; « avec une connotation affective gén. hypocoristique » TLF s.v. grand-mère ; « style familier » Alpha 1982 ; « langage enfantin, comme appellatif » Lar 1983 ; « vieilli ou régional (courant en Suisse, etc.) ; dans le langage enfantin » GR 1985, 2001 ; « fam. » Hachette 1987 (> DFPlus 1988) ; « plus courant [que grand-mère] chez les enfants » DQA 1992 ; Lengert 1994 ; Thibault, RLiR 58 (1995), p. 263 (c. r. de Lengert 1994) ;
ThibaultQuébHelv 1996, p. 360 ; VerreaultFrancismes 1996, p. 203.
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