Présentation
1. Introduction.
2. Le corpus.
3. Le dictionnaire.
3.1. La nomenclature.
3.1.0. Nombre approximatif d’entrées.
3.1.1. Base : mots déjà soumis aux dictionnaires français.
3.1.2. « Complétage » : mots apparentés sémasiologiquement et onomasiologiquement ; revision du fichier ; champs sémantiques jusqu’à maintenant négligés ; suggestions des relecteurs.
3.1.3. De l’inclusion de certaines catégories de mots : problèmes théoriques.
3.1.3.1. Les mots figurant déjà à la nomenclature des dictionnaires généraux, avec la marque « régional » ou « régional (Suisse) ».
3.1.3.2. Les mots désignant des réalités suisses ou alpines, non marqués comme régionaux dans les dictionnaires français de référence.
3.1.3.3. Les mots qui ne se distinguent que par leur forme.
3.1.3.4. Les mots vieillis, ruraux, argotiques, techniques, administratifs, etc.
3.1.3.5. Les gentilés (ou ethniques). V. encore ci-dessous 3.2.2.2.
3.1.3.6. La frontière entre noms propres et noms communs.
3.1.3.7. Les régionalismes négatifs et de fréquence.
3.2. La structure de l’ouvrage.
3.2.1. Tables d’abréviations et listes des ouvrages cités.
3.2.1.1. Abréviations usuelles ; symboles ; sémiologie de la typographie.
3.2.1.2. Abréviations des sources du corpus des citations.
3.2.1.3. Abréviations des ouvrages métalinguistiques.
3.2.2. Les index.
3.2.2.1. Mots glosés entre crochets carrés.
3.2.2.2. Gentilés (ou ethniques). V. encore ci-dessus 3.1.3.5.
3.2.2.3. Mots du français de France, de Belgique et du Canada cités dans les remarques et les commentaires.
3.2.2.4. Mots et emplois suisses romands attestés ailleurs dans la francophonie.
3.2.2.5. Mots attestés dans les autres régions linguistiques de la Suisse.
3.2.2.6. Liste des étymons cités.
3.2.2.7. Phénomènes morphologiques et syntaxiques.
3.2.2.8. Index onomasiologique.
3.2.2.9. Liste alphabétique inverse des lemmes du dictionnaire.
3.2.3. Carte de la Suisse romande.
3.3. La structure des articles (ou micro-structure).
3.3.1. Le mot-entrée (mot-vedette, lemme).
3.3.1.1. La forme graphique ; les variantes.
3.3.1.2. La transcription phonétique.
3.3.1.3. La catégorie grammaticale.
3.3.1.4. Les sous-entrées.
3.3.1.5. Les entrées-renvois.
3.3.2. L’article lexicographique.
3.3.2.0. Numérotation et hiérarchisation.
3.3.2.1. La définition.
3.3.2.2. La syntagmatique.
3.3.2.3. Les renvois (⇒).
3.3.2.4. Les citations. Principes d’édition. Critères de sélection.
3.3.3. La localisation.
3.3.4. Les remarques.
3.3.5. Le commentaire historico-comparatif.
3.3.6. La rubrique bibliographique.
3.3.7. La signature.
4. Le problème de la métalangue.
5. Le problème de la norme.
5.1. La norme (ortho)graphique.
5.1.1. L’usage contemporain.
5.1.2. La tradition lexicographique.
5.1.3. L’étymologie.
5.2. Les “barbarismes” et les “germanismes”.
1. Introduction.
Voici la première édition du Dictionnaire suisse romand : Particularités lexicales du français contemporain (DSR). Ces quelques pages de présentation expliquent brièvement les choix méthodologiques qui ont accompagné son élaboration, et décrivent sa structure.
2. Le corpus.
Le fichier à notre disposition à Neuchâtel réunit environ 120 000 fiches ; son contenu est en cours d’informatisation, dans le cadre des travaux du Trésor des Vocabulaires Francophones.
On peut distinguer deux sous-ensembles dans ce fichier : le corpus linguistique et le corpus métalinguistique, qui correspondent à deux niveaux d’observation de la réalité, l’un étant plus immédiat et moins filtré que l’autre. Cette distinction prend toute son importance lorsqu’il s’agit de déterminer la valeur des innombrables informations réunies dans le fichier ; au moment d’établir la nomenclature, par exemple, un mot absent de tous les textes récents mais qui se trouve encore par inertie jusque dans les dernières publications parues sur les helvétismes risque bien d’avoir été laissé de côté. Cela dit, les sources métalinguistiques, même si elles ne permettent pas d’attester l’existence, la fréquence et l’emploi d’un mot de la même façon que les sources linguistiques, présentent tout de même une importance fondamentale pour le lexicographe : non seulement ont-elles servi de listes indicatives en vue de l’établissement d’une nomenclature, mais encore, elles constituent, considérées dans leur ensemble, un hypertexte aux intrications complexes, que le rédacteur d’un nouveau dictionnaire doit décoder, expliquer, et en même temps compléter. Il ne faut jamais perdre de vue, en effet, que le texte lexicographique que l’on s’emploie à rédiger vient s’ajouter à un édifice déjà complexe. Mieux on connaîtra ce dernier, plus harmonieusement s’intégreront à lui les contributions nouvelles.
Ces sources métalinguistiques se répartissent en plusieurs catégories. L’on trouve d’abord des compilations de puristes, telles les nombreuses cacologies du xixe siècle, ou les chroniques de langue du xxe siècle ; des ouvrages d’amateurs éclairés ; un bon nombre de publications scientifiques, qui accordent le plus souvent la priorité aux dialectes, mais qui réservent parfois une place non négligeable au français régional. Le GPSR est, bien entendu, le représentant le plus important de ce dernier type de sources. Il existe aussi des monographies scientifiques consacrées entièrement au français régional ; l’ouvrage de Gustav Wissler, Das schweizerische Volksfranzösisch, paru en 1909, est l’un des premiers du genre. Le Dictionnaire historique du parler neuchâtelois et suisse romand de W. Pierrehumbert (1926), dont on ne rappellera jamais assez l’importance, occupe une place à part dans le panorama de la lexicographie scientifique des régionalismes du français. Le dépouillement de revues spécialisées a permis de recenser plusieurs articles portant sur des mots du français régional, qui sont venus à leur tour enrichir le fichier du Centre. Enfin, la lexicographie française elle-même collabore au discours que la communauté scientifique a construit autour des helvétismes : c’est ainsi que le Supplément du Littré et le Godefroy ont, eux aussi, été l’objet des dépouillements du Centre, sans compter les nombreux produits des maisons Larousse, Bordas, Robert, ainsi que le TLF. Il s’agissait de relever, entre autres, ce que ces derniers ont retenu et ce qu’ils ont fait des matériaux qui leur ont été transmis par le Centre lui-même.
Les sources linguistiques sont tout aussi variées. La presse romande a été largement mise à contribution ; malheureusement, les matériaux datent surtout de la deuxième moitié des années 1970, époque à laquelle le Centre s’est livré à un travail de dépouillement intense. La littérature a aussi fourni un grand nombre d’attestations au fichier. Contrairement aux journaux, les ouvrages littéraires dépouillés s’échelonnent sur plusieurs décennies ; certains sont même antérieurs à notre siècle. Néanmoins, dans l’ensemble, c’est surtout le xxe siècle qui est représenté, avec une prédilection pour la littérature contemporaine. Des sources non-littéraires ont aussi été mises à contribution : textes de loi, ouvrages didactiques, livres de recettes ou monographies portant sur des spécialités gastronomiques régionales. C’est ainsi que le vocabulaire du vin et des fromages se trouve bien représenté dans le dictionnaire. Les résultats d’enquêtes par correspondance effectuées par le Centre de 1974 à 1981 fournissent un important contingent de matériaux. Ces enquêtes portaient sur la vitalité, la localisation, le sens et les emplois d’une série d’helvétismes proposés aux témoins. Enfin, de nombreuses fiches portent le relevé de phrases entendues à la radio, à la télévision, ou simplement dans la rue, au café, etc., avec la mention de l’endroit et de la date du relevé, l’âge et la profession du témoin, etc. Ces fiches se répartissent régulièrement dans le temps, depuis la fondation du Centre jusqu’à nos jours.
Une nouvelle source documentaire est venue s’ajouter au fichier : il s’agit de Suistext, une banque de données textuelles informatisées sur la littérature romande contemporaine, élaborée entièrement au Centre de Neuchâtel sous la responsabilité de Catherine Jeanneret-Liechti dans le cadre du projet international Trésor des Vocabulaires Francophones, qui est venue prendre sa place aux côtés de Frantext, Beltext et Québétext. Cette banque de textes littéraires numérisés (à l’usage exclusif des collaborateurs du Centre) permet au lexicographe d’obtenir automatiquement toute une mine de renseignements sur le vocabulaire des auteurs retenus.
3. Le dictionnaire.
Nous allons maintenant observer les structures de cet ouvrage, en examinant tour à tour trois de ses composantes : la nomenclature, c’est-à-dire la liste des mots qui font l’objet d’un article, et dont le choix fait ressortir une série de problèmes théoriques que nous examinerons tour à tour ; la structure de l’ouvrage, c’est-à-dire les diverses subdivisions du dictionnaire, leur arrangement et les rapports qu’elles entretiennent entre elles ; enfin, la structure des articles (ou micro-structure), c’est-à-dire la présentation des données et leur hiérarchisation à l’intérieur même de chaque article.
3.1. La nomenclature.
3.1.0. Nombre approximatif d’entrées.
Le problème de l’établissement de la nomenclature se pose en priorité aux concepteurs d’un nouvel ouvrage lexicographique. Avant même de réfléchir à la nature des unités que l’on désire traiter, il faut d’abord prévoir approximativement leur nombre. Grosso modo, deux options s’offraient à nous : traiter un grand nombre de mots d’une façon nécessairement superficielle, ou nous limiter à un nombre d’entrées plus restreint, tout en leur accordant un traitement plus approfondi. Nous avons opté pour la seconde voie. En effet, le marché suisse romand est déjà inondé d’ouvrages qui privilégient la quantité aux dépens de la qualité. Il n’aurait servi à rien d’ajouter un nouveau titre à cette liste. Cela dit, tout dictionnaire étant soumis à des impératifs de consultabilité, un nombre minimum d’entrées s’avère nécessaire ; le public risquerait de porter un jugement sévère sur un ouvrage qui le laisserait trop souvent sur sa faim. Nous avons donc retenu environ un millier d’unités lexicales pour cette première édition (traitées en entrée ou en sous-entrée, comme c’est le cas de plusieurs dérivés et composés), ce qui nous a permis d’analyser les mots les plus fréquents et les plus importants. Ce nombre reste cependant bien inférieur à ce que l’on pourrait souhaiter s’il était possible de viser l’exhaustivité ; le fichier du Centre contient dix fois plus de types lexicaux, dont on peut espérer qu’il sera possible de les intégrer, peu à peu, dans des éditions ultérieures.
3.1.1. Base : mots déjà soumis aux dictionnaires français.
Le problème qui consiste à déterminer quelles unités lexicales ont droit à un traitement prioritaire ne date pas d’aujourd’hui au Centre de dialectologie de l’Université de Neuchâtel. Comme nous l’avons mentionné auparavant, il y a déjà plusieurs années que les dictionnaires français demandent des listes d’helvétismes à intégrer à leur nomenclature. Un premier travail de sélection a donc été fait ; il se concrétise sous la forme d’une liste de quelques centaines de mots (ou de mini-articles manuscrits), dont la plupart ont été retenus par les dictionnaires auxquels ils étaient destinés. Cette liste nous sert de document de base pour établir notre nomenclature.
3.1.2. Mots apparentés sémasiologiquement et onomasiologiquement ; révision du fichier ; champs sémantiques jusqu’à maintenant négligés ; suggestions des relecteurs.
Dans l’état où elle se présentait, cette liste était insuffisante. Un certain « complétage » s’imposait. Comme nous voulions traiter les familles lexicales dans leur ensemble, notre démarche étant plus linguistique qu’encyclopédique, certains dérivés ou composés jugés comme secondaires pour la lexicographie générale méritaient de prendre place dans le DSR. C’est ainsi que la présence de l’adjectif arborisé à la nomenclature nous obligeait à traiter, à tout le moins dans une remarque, le verbe arboriser et le substantif arborisation, bien que ces deux derniers soient en fait beaucoup plus rares que l’adjectif correspondant. De même, armailli entraîne armailli-chanteur et maître-armailli ; bénichon donne lieu à bénichonner, bénichonneur. Ces dérivés et composés, dont la représentation quantitative dans notre fichier est beaucoup plus faible que celle du mot simple, sont traités dans les remarques. En revanche, l’article boucherie a entraîné à sa suite la rédaction de trois nouveaux articles absents de la liste initiale : bouchoyade, bouchoyage, bouchoyer. Dans ce cas précis, c’est l’abondance des matériaux disponibles – et la vitalité qu’ils supposent –; qui a dicté notre choix.
Cette première étape est d’ordre sémasiologique. Nous avons également tenté d’équilibrer la structure interne de la nomenclature en nous basant sur des critères onomasiologiques. Il importait tout particulièrement de traiter sur le même pied tous les éléments équivalents d’un champ sémantique donné. Par exemple, abbaye désigne une fête de village vaudoise, vogue une foire genevoise, bénichon une réjouissance fribourgeoise, et tous ces mots se trouvaient, à bon droit, dans la liste de base. Or, la Saint-Martin des Jurassiens n’y figurait pas. Il a donc paru nécessaire d’ajouter cette entrée à la nomenclature. Le système ferroviaire suisse connaît des trains accélérés. Or, ce terme ne se définit que par opposition aux autres membres du micro-système des dénominations des trains en Suisse. Il a donc fallu ajouter à la nomenclature train régional et train direct.
Une fois cette étape (sémasiologique et onomasiologique) achevée pour une lettre donnée, nous avons passé en revue l’ensemble du fichier manuel, pour tenter de récupérer des mots dignes d’intérêt mais qui pour une raison ou pour une autre avaient été laissés de côté auparavant. Il s’agit souvent de vocables dont l’extension géographique est limitée à un seul canton ; en effet, l’un des critères ayant présidé au choix des mots de la liste de base était la représentativité du terme à l’échelle de toute la Suisse romande. Or, de nombreux mots qui ne couvrent qu’une partie du domaine suisse romand n’en sont pas moins très importants pour les dizaines de milliers de locuteurs qui les emploient couramment. Le DSR se montre donc accueillant envers les jurassismes, les valaisanismes et autres vaudoisismes. Ainsi, non content d’expliquer la Suisse aux étrangers, il aidera en outre les Romands à mieux se connaître les uns les autres ; du moins peut-on l’espérer.
Nous avons également dû faire un certain effort de dépouillements originaux pour des champs sémantiques qui n’avaient guère retenu l’attention jusqu’alors. Nous pensons en particulier au vocabulaire des sports et à la féminisation des titres. Les Suisses romands parlent par exemple de puck et de canne (vocabulaire du hockey sur glace) là où les Français disent palet et crosse et les Québécois rondelle et bâton. Là où le français de référence ne dispose d’aucune expression synthétique pour désigner un but marqué contre son camp, les Suisses romands disent autogoal. Des formes comme ministre ou juge sont couramment employées avec des déterminants au féminin ; chef et député deviennent respectivement cheffe et députée ; conseiller fédéral se féminise en conseillère fédérale.
Enfin, nos relecteurs originaires de tous les cantons de Suisse romande ont été invités à nous proposer des ajouts, lorsque l’absence d’un mot leur semblait très regrettable.
3.1.3. De l’inclusion de certaines catégories de mots : problèmes théoriques.
L’établissement de toute nomenclature pose des problèmes d’inclusion et d’exclusion ; les nomenclatures d’ouvrages contrastifs présentent en outre des problèmes théoriques qui leur sont propres. En voici quelques-uns.
3.1.3.1. Les mots figurant déjà à la nomenclature des dictionnaires généraux, avec la marque « régional » ou « régional (Suisse) ».
On pourrait se demander pourquoi nous avons retenu des mots qui font déjà l’objet d’une entrée dans les grands dictionnaires français. N’aurait-il pas été plus urgent de commencer par les mots qu’on ne trouve pas dans la lexicographie générale ? Or de nombreuses raisons justifiaient l’inclusion de ces mots dans notre nomenclature. D’abord, certains usages sont marqués comme régionaux dans la lexicographie française de référence, mais sans que le dictionnaire identifie les « régions » touchées par le phénomène. Ensuite, même dans les cas où la localisation est mentionnée, les articles du TLF et à plus forte raison ceux du Grand Robert (sans parler du Petit Larousse) ne présentent souvent qu’un maigre résumé – dans lequel se sont parfois glissées des erreurs – de ce que le Centre avait mis à la disposition des rédacteurs. Qui plus est, l’intégration des données helvétiques à un ensemble tantôt pan-francophone, tantôt franco-français peut donner lieu à des résultats boiteux1. Il était donc tout à fait justifié de maintenir ces mots à la nomenclature. En outre, des raisons de structuration interne nous y obligeaient : comme il nous importait de respecter l’équilibre sémasiologique et onomasiologique des micro-systèmes sémantiques qui structurent la nomenclature, il aurait été impensable de publier un ouvrage dépourvu des éléments centraux de chaque champ lexical.
1 Cf. d’abord dans le TLF, où la citation n° 28 est tirée d’une source genevoise et les citations n° 57 et 58 de sources québécoises ; toutes les trois sont mal interprétées.
3.1.3.2. Les mots désignant des réalités suisses ou alpines, non marqués comme régionaux dans les dictionnaires français de référence.
Une autre catégorie de mots posait un problème plus délicat, pour lequel il n’est pas apparu de solution d’ensemble. Il s’agit des mots qui renvoient à des référents dont l’extension est plus ou moins régionale. Plusieurs de ces mots sont passés dans le lexique commun des francophones ; ils font partie des connaissances encyclopédiques de l’honnête homme, et ne constituent pas en tant que tel des régionalismes. Nous croyons toutefois qu’il aurait été abusif de les rejeter sans autre forme de procès ; nous avons préféré juger les situations au cas par cas, en examinant un certain nombre de critères. Nous avons, par exemple, décidé de retenir le mot alpage dans notre nomenclature. D’abord, parce qu’il est au centre d’une nombreuse famille de mots (alpe, alper, alpé, alpée, alpant, alpéateur, alpateur, désalpe, inalpe, etc.) avec lesquels il entretient des rapports structurels évidents ; d’autre part, parce que sa fréquence est beaucoup plus élevée que dans le reste de la francophonie (à l’exception de la Savoie) et qu’il a donné lieu à toute une syntagmatique propre au français de Suisse romande, qui aurait, autrement, été sacrifiée (lait, crème, beurre, fromage d’alpage ; comité, consortage d’alpage ; bâtiment, chalet d’alpage ; etc.). La synonymie mérite aussi une mention : alpage alterne avec alpe et montagne, dans des contextes qu’il appartient au lexicographe de préciser. Enfin, la valeur de ce terme en Suisse romande est plus concrète et moins encyclopédique ou vaguement littéraire qu’elle peut l’être pour les autres francophones. Pour toutes ces raisons, il nous a semblé justifié de lui consacrer un article. C’est aussi une façon de refléter, à travers le dictionnaire, l’importance relative d’un mot pour la communauté linguistique. L’article alpage du Grand Robert tient en dix lignes ; celui du TLF en cinquante-cinq lignes ; le nôtre fait près du double de ce dernier. Cela s’explique entre autres par le nombre de citations ; c’est à la lecture de celles-ci que le public suisse romand se reconnaîtra, nous l’espérons, dans cet ouvrage ; c’est également grâce aux citations que les autres francophones saisiront en quoi le mot alpage n’a pas tout à fait la même valeur pour les Suisses romands que pour eux.
3.1.3.3. Les mots qui ne se distinguent que par leur forme.
Parmi les mots que nous n’avons pas retenus, il faut citer le cas des helvétismes qui ne se distinguent que par leur forme ; nous pensons par exemple à beuse, variante de bouse. Dans une édition ultérieure, nous pourrons sans doute consacrer un article à ce mot, ne serait-ce que pour corriger les étymologies tout à fait fantaisistes qui veulent le rattacher à l’allemand böse adj. “méchant” (Hadacek 1983 ; Nicollier 1987, 1990) ; mais dans une première version de l’ouvrage, qui doit se limiter aux éléments lexicaux les plus importants, nous n’avons pas jugé utile de retenir des mots qui ne se distinguent que par leur forme, aussi intéressante soit-elle du point de vue de la phonétique historique. Comme ils se trouvent ne pas faire partie d’ensembles onomasiologiques privilégiés, et n’entretiennent pas de rapports particuliers avec d’autres éléments de la nomenclature, leur absence ne nuit pas à l’unité de l’ensemble.
3.1.3.4. Les mots vieillis, ruraux, argotiques, techniques, administratifs, etc.
La panoplie de marques qui s’appliquent aux mots du français courant dans un dictionnaire de langue générale trouve aussi sa place dans un dictionnaire de régionalismes. Même la marque « régional » n’est pas à écarter, la répartition géographique d’un mot étant souvent limitée à une partie seulement du territoire couvert par un recueil de régionalismes. Tous ces mots « marqués » se trouvent, d’une manière ou d’une autre, dans les marges du lexique que l’on désirait traiter de façon prioritaire. Il convenait donc de se demander, à chaque fois, si le terme était à retenir ou non.
Pour ce qui est des mots vieillis, nous avons décidé en principe de les écarter. Notre objectif était de nous limiter aux particularités lexicales contemporaines, ne serait-ce que parce qu’il existe déjà un excellent ouvrage, le dictionnaire de William Pierrehumbert, pour la période s’étendant du moyen âge jusqu’aux années vingt de ce siècle. Cela dit, nous avons fait une exception pour certains « mots-souvenirs », qui ne sont plus guère employés au premier degré avec une valeur neutre mais que chacun connaît et utilise encore, d’une manière plaisante ou pour créer une connivence avec ses interlocuteurs. D’autres mots survivent à la disparition de leur référent et acquièrent une connotation folklorique. Tel est le cas de brante n. f. “hotte pour la vendange”. L’objet que ce mot désigne a été remplacé par des instruments plus modernes, mais le mot fait tout de même encore partie de la compétence des locuteurs, qui entretiennent son souvenir ; en effet, dans les festivités qui ont lieu à l’époque des vendanges, on peut encore voir de véritables brantes dans les défilés. Une autre raison, de nature interne, plaidait pour le maintien de ce mot dans la nomenclature. Deux dérivés s’y rattachent, brantée et brantard, qui continuent à vivre indépendamment de leur base : la brantée désigne une certaine quantité de moût, même si on ne le transporte plus dans une brante, et le brantard est un ouvrier journalier qui travaille aux vendanges, même s’il ne transporte plus le moût dans une brante. Il aurait été dommage de présenter ces dérivés sans leur base. Il aurait cependant fallu s’y résoudre si le mot n’était pas du tout attesté de nos jours, le critère de fréquence restant déterminant. Or il se trouve qu’il est très richement documenté dans l’usage contemporain. Toutes les conditions étaient donc réunies pour l’inclure dans la nomenclature.
On s’est aussi demandé quelle place il convenait de faire aux mots ruraux. Le grand public, et parfois même les spécialistes, croient souvent que les régionalismes fleurissent surtout en milieu rural et que les villes ne connaissent ce phénomène que dans des proportions négligeables. Un rapide coup d’œil dans notre fichier montre qu’il n’en est rien, et on aurait pu être tenté de mettre de côté tous les « ruralismes » afin de corriger quelque peu cette vision à notre avis inexacte qu’entretient une bonne partie du public. De plus, on pourrait prétexter que les paysans ne représentent désormais qu’une très faible partie de la population (environ 3% en Suisse). Mais comme nous avons inclus dans la nomenclature des mots de la langue universitaire, tels que dies academicus, auditoire ou aula, nous avons jugé que les termes ruraux étaient bien tout aussi dignes de mention ; ils offrent en outre l’avantage de donner lieu à des commentaires linguistiques nourris par une abondante bibliographie – ce qui n’est guère le cas des termes universitaires ou administratifs ! Dans l’ensemble toutefois, les mots dont la sphère d’emploi est limitée à la campagne restent minoritaires dans la nomenclature.
Les mots et surtout les syntagmes propres au vocabulaire politique, administratif et juridique des Suisses romands se comptent par milliers, et relèvent davantage de la terminologie que de la lexicologie. Toutefois, un certain nombre d’entre eux se rencontrent avec une fréquence assez élevée dans l’usage courant. Ils peuvent même parfois connaître des extensions de sens ou servir de base à des dérivés. Dans tous ces cas, nous avons décidé de les retenir dans la nomenclature. On pense par exemple à AVS, sigle de assurance-vieillesse et survivants, qui désigne également une personne ayant atteint l’âge de percevoir des prestations d’AVS : un, une AVS.
3.1.3.5. Les gentilés (ou ethniques). (V. encore ci-dessous 3.2.2.2.)
Les dictionnaires de langue fournissent des listes de gentilés (aussi appelés « ethniques » ou « noms d’habitants », comme Valdôtain, Burundais, Milanais, Moscovite, etc.). Comme tous les gentilés en usage en Suisse romande ne se trouvent pas dans les listes des dictionnaires existants, il aurait fallu, idéalement, les inclure dans la structure du DSR. Nous avons cependant renoncé à le faire dans cette première édition. Un certain nombre de problèmes entourent l’élaboration d’une telle liste : dans le domaine des gentilés, la frontière est particulièrement floue entre mots patois et mots du français régional, ainsi qu’entre sobriquets ethniques et véritables gentilés ; de plus, il aurait fallu se limiter aux agglomérations qui comptent au moins quelques milliers d’habitants, sous peine d’avoir à dresser une liste de plusieurs centaines de dénominations. L’élaboration d’une telle liste représente en soi un travail considérable, qui n’aurait pu être mené de concert avec le travail de rédaction du dictionnaire. Idéalement, des enquêtes devraient encore être faites pour mener à bien une telle entreprise. Nous nous limitons dans cette première édition à reprendre et à gloser dans un index à la fin de l’ouvrage les gentilés présents dans les citations qui illustrent le sens des mots-entrées. De cette manière, les matériaux détoponymiques contenus dans le DSR ne seront pas perdus et seront mis à la disposition des chercheurs.
3.1.3.6. La frontière entre noms propres et noms communs.
Tous les dictionnaires de langue doivent aussi régler, sinon dans la théorie, du moins dans la pratique, le problème de la frontière entre noms propres et noms communs. Les noms de vins et de fromage fonctionnent tantôt comme des noms propres (majuscule, appellation contrôlée), tantôt comme de simples appellatifs, dont l’apparition remonte parfois à l’Antiquité. Nous avons donné la priorité aux mots anciens attestés le plus souvent sans majuscule et dont l’appellation n’est pas contrôlée. Les supermarchés commercialisent de nombreux produits sous des appellations diverses : Ovomaltine, abrégé en Ovo, désigne une boisson à base de chocolat en poudre, de malt et d’œufs ; Cenovis, une sorte de moutarde à base d’herbes que l’on tartine sur des biscottes ou sur du pain. Ces noms de marque déposée n’ont pas été retenus dans la nomenclature (mais s’ils se trouvent dans une citation, ils ont été glosés et répertoriés dans un index en fin d’ouvrage). Certains noms propres peuvent toutefois s’imposer rapidement dans la langue comme appellatifs. C’est le cas de bancomat n. m. “distributeur automatique de billets de banque”. Il s’agit d’une création de la langue des banques suisses, que les Romands sont susceptibles d’employer pour désigner n’importe quel distributeur de billets de banque dans n’importe quel pays. À partir du moment où le nom propre cesse d’en être un pour fonctionner comme un simple appellatif, il peut avoir droit à une place dans la nomenclature. Certaines dénominations administratives, émanant de l’État, peuvent à bon droit être considérées comme des noms propres. AVS, que nous avons mentionné ci-dessus, est le nom d’un type d’assurance particulier géré par l’État, et il ne peut pas se dire de n’importe quel plan d’assurance offert par une compagnie privée. Toutefois, nous l’avons inclus dans la nomenclature, à cause de la syntagmatique et des extensions de sens auxquelles il a donné lieu ; de même pour AI, qui désigne l’assurance invalidité. De plus, ces abréviations sont très répandues. Un cas semblable se présente avec le sigle CFF, qui désigne les Chemins de fer fédéraux. Ce sigle, à la différence d’autres noms propres tels la plupart des toponymes ou des anthroponymes, donne lieu à un certain nombre de syntagmes semi-figés qui nous font basculer dans la sphère des appellatifs ; ces syntagmes seraient malencontreusement sacrifiés si l’on devait ne pas retenir CFF dans la nomenclature (lignes CFF ; voie CFF ; gare CFF ; buffet CFF ; employé, clientèle CFF). En outre, comme pour AVS et AI, le critère – nécessaire mais insuffisant –; de la fréquence et de l’extension d’emploi nous autorisait, lui aussi, à retenir ce mot.
3.1.3.7. Les régionalismes négatifs et de fréquence.
Le caractère régional d’un fait lexical ne se signale pas toujours nécessairement par sa simple présence. Dans certains cas, c’est au contraire l’absence d’un mot dans le discours d’une communauté linguistique donnée qui constitue une particularité ; inversement, la fréquence remarquablement élevée d’un élément peut aussi créer, à elle seule, une particularité régionale. Les deux phénomènes sont d’ailleurs généralement reliés. L’adjectif marron, par exemple, est à peu près inusité en Suisse romande ainsi qu’au Canada. Comme c’est l’adjectif brun qui prend en charge les valeurs de marron, sa fréquence devrait normalement être plus élevée que dans l’usage français. Fallait-il alors traiter marron et brun dans le DSR ? Idéalement, il aurait été souhaitable de rédiger un article consacré au mot brun (qui, de toute façon, n’a pas exactement la même valeur en Suisse), dans lequel un grand nombre d’exemples et une attention toute spéciale portée à la syntagmatique aurait pu donner une bonne idée de son extension sémantique et de ses possibilités combinatoires, et y traiter le mot marron dans une remarque. Un tel article ne figure pas dans cette première édition du DSR. En effet, notre fichier ne compte pas un nombre suffisamment représentatif de contextes pour ce mot. Nous signalerons toutefois que l’exploitation des banques textuelles Suistext, Frantext, Beltext et Québétext commence à rendre possible l’élaboration de riches bases documentaires nécessaires à la réalisation de ce type d’articles ; c’est ainsi que les articles grand-maman, grand-papa et yogourt ont largement bénéficié de cette nouvelle approche.
3.2. La structure de l’ouvrage.
On abordera ici la description de la structure de l’ouvrage, c’est-à-dire l’ensemble des différents éléments qui, en plus des articles eux-mêmes, composent le dictionnaire.
3.2.1. Tables d’abréviations et listes des ouvrages cités.
Pour des raisons évidentes d’économie d’espace, le DSR fait un grand usage d’abréviations. Toutefois, nous avons essayé de leur garder un caractère convivial qui garantisse à l’utilisateur une consultation agréable et aisée. On a distingué trois types d’abréviations : les abréviations usuelles, les abréviations des sources du corpus des citations, et les abréviations des ouvrages métalinguistiques.
3.2.1.1. Abréviations usuelles ; symboles ; sémiologie de la typographie.
Les abréviations usuelles, de par leur caractère même, ne devraient pas gêner les lecteurs et lectrices du DSR. La plus grande partie d’entre elles sont déjà en usage dans les dictionnaires courants (ce qui, néanmoins, ne nous a pas dispensés d’en fournir la liste avec les gloses correspondantes). D’autres sont particulières à la Suisse, comme les abréviations des cantons (VD = Vaud, VS = Valais, etc.), qu’on a l’habitude de voir sur les plaques d’immatriculation. La liste d’abréviations usuelles est complétée par un tableau qui donne la clé des symboles et des différents types de caractères (petites capitales, grasses, italiques, etc.) en usage dans le dictionnaire. Un tableau des symboles phonétiques vient compléter ce premier ensemble.
3.2.1.2. Abréviations des sources du corpus des citations.
Les abréviations des sources qui composent le corpus des citations reprennent en fait le plus souvent presque tout le titre de l’ouvrage, car il nous a paru qu’il était pratique d’apprendre qu’un exemple est tiré de tel journal ou de tel roman bien connu sans avoir à effectuer un incessant va-et-vient dans les pages du dictionnaire pour déchiffrer des abréviations trop obscures. Plus qu’une liste d’abréviations, cette section du dictionnaire est en fait une sorte de bibliographie dans laquelle on trouve des informations qu’on ne peut fournir dans le corps de l’ouvrage sur les sources citées. Par exemple, la première partie de la liste présente l’ensemble des journaux, hebdomadaires et autres publications périodiques dépouillés, en spécifiant leur périodicité et la ville où siège la rédaction (cette information est importante pour la localisation des mots dont l’extension ne couvre pas toute la Suisse romande). La deuxième partie de la liste réunit tous les romans, récits, essais et ouvrages didactiques qui ont fourni des citations au DSR, classés par ordre alphabétique d’auteur (ou de titre pour les ouvrages anonymes), et donne une fois pour toutes les détails bibliographiques qui ne peuvent, bien sûr, être fournis à chaque citation.
3.2.1.3. Abréviations des ouvrages métalinguistiques.
La liste d’abréviations des ouvrages métalinguistiques constitue en même temps la bibliographie du DSR. Ici, les abréviations se présentent sous une forme beaucoup plus condensée que pour les ouvrages du corpus des citations. En effet, elles s’adressent davantage à un public de spécialistes, qui sauront sans difficultés repérer les ouvrages cités. Dans plusieurs cas, nous avons repris des abréviations déjà mises en circulation depuis longtemps par le FEW. Le volume de présentation du DFQ, publié en 1985 par le Trésor de la langue française au Québec (Université Laval, Québec), a également été mis à contribution. Toutefois, à plusieurs reprises, nous avons dû ou nous avons préféré créer nous-même un sigle. Pour les ouvrages portant sur le français régional en particulier, il nous a semblé utile de suivre un modèle unifié : le nom de famille de l’auteur (ou une forme abrégée de son nom) comme premier élément, le nom de la région à l’étude (ou une forme abrégée) comme second élément, et l’année de publication en dernier lieu (cf. par exemple CalletVaud 1861, JaubertCentre 1864, CollinetPontarlier 1925, etc.). L’avantage de tels sigles est qu’ils donnent immédiatement au lecteur trois points de repère essentiels.
3.2.2. Les index.
Le DSR comporte plusieurs index, dont la fonction est de faciliter l’accès aux nombreuses informations insérées çà et là dans le corps des articles, mais auxquelles on ne peut accéder directement par l’ordre alphabétique.
3.2.2.1. Mots glosés entre crochets carrés.
Nous respectons le principe selon lequel aucun des mots apparaissant dans les citations ne doit constituer un problème de compréhension ou d’interprétation pour le lecteur. C’est ainsi que les unités lexicales faisant l’objet d’un article dans le dictionnaire sont marquées d’un astérisque, qui invite à consulter l’article correspondant. Tous les mots qui font problème n’ont pas droit, cependant, à un article dans cette première édition du DSR. Il s’agit souvent d’helvétismes vieillis ou rares, mais il peut aussi s’agir de mots français mal attestés dans la lexicographie générale (cafet n. f. “cafétéria”), d’abréviations ou de sigles plus ou moins courants (EEE “Espace Économique Européen” ; NIP “numéro d’identification personnel”), de noms de marques qui ne sont pas toujours bien connues en dehors de la Suisse (Cenovis), etc. Dans tous ces cas, nous avons glosé l’unité lexicale entre crochets carrés. Nous considérons que ces éléments présentent un intérêt certain pour les lexicologues, et c’est la raison pour laquelle il nous a paru utile d’en dresser la liste alphabétique en fin d’ouvrage, avec l’indication de la catégorie grammaticale, de la définition, et d’un renvoi à l’article où l’on trouvera la citation correspondante, dûment datée et identifiée. Une telle micro-structure présente déjà toutes les caractéristiques d’un article lexicographique minimal et fournira à la communauté scientifique des matériaux directement assimilables, qu’il aurait été fastidieux de rassembler si chaque chercheur avait dû dépouiller lui-même toutes les citations du dictionnaire.
3.2.2.2. Gentilés (ou ethniques). (V. encore ci-dessus 3.1.3.5.).
Comme nous l’avons déjà mentionné, la nomenclature du DSR ne retient pas les gentilés. Néanmoins, certains d’entre eux peuvent apparaître dans les citations. Nous les avons marqués d’un astérisque, ce qui renvoie normalement à un article du dictionnaire ; en guise d’article, on trouvera à la nomenclature un simple renvoi à la liste alphabétique en fin d’ouvrage, qui réunit et glose tous ces gentilés, avec l’indication des articles où on pourra les retrouver.
3.2.2.3. Mots du français de France, de Belgique et du Canada cités dans les remarques et les commentaires.
Comme nous le verrons plus loin (v. infra 3.3.4.), la structure de chaque article comprend une rubrique « Remarques » dans laquelle on trouvera, entre autres choses, des renseignements sur les équivalents en français de référence (ou, le cas échéant, en français de France, de Belgique ou du Canada) des mots traités. Nous avons dressé une liste alphabétique de ces équivalents, avec renvois aux articles où on peut les retrouver. Une telle liste est surtout destinée aux usagers des autres pays francophones qui souhaiteraient savoir si l’emploi d’un terme donné est approprié pour s’adresser à un public suisse romand, ou s’il ne convient pas de le remplacer par un autre plus approprié. On peut aussi imaginer qu’un lexicographe du français général, ou du français belge ou québécois, utilise cette liste pour compléter ses articles par des remarques du genre : « En Suisse romande, on dit plutôt X ». Cette liste constitue en même temps une sorte d’index onomasiologique d’un type particulier – le mot du français général pouvant en même temps être lu comme un concept – qui permet d’avoir accès aux helvétismes par un canal différent. C’est une autre façon d’aller du connu vers l’inconnu, une démarche que les dictionnaires doivent faciliter.
3.2.2.4. Mots et emplois suisses romands attestés ailleurs dans la francophonie.
Le commentaire historico-comparatif qui clôt chaque article se fait un devoir de citer le plus complètement possible toutes les régions de la francophonie où le mot à l’étude est attesté. Un index reprend tous les mots en usage au-delà des frontières de la Suisse, en spécifiant leur extension géographique. Les matériaux ont été répartis entre plusieurs sous-ensembles : France – où l’on a précisé les départements ou les régions concernées ; Belgique-Luxembourg ; Val d’Aoste ; Amérique du Nord ; Afrique du Nord ; Afrique noire ; créoles. Encore une fois, nous espérons que l’existence de cet index facilite la tâche des lexicographes qui travaillent, par exemple, à l’élaboration d’un dictionnaire de québécismes ou de belgicismes. Cet index permet aussi de mettre en évidence les liens qui existent entre les divers français régionaux de l’espace francophone.
3.2.2.5. Mots attestés dans les autres régions linguistiques de la Suisse.
Dans les commentaires historico-comparatifs, il est souvent fait allusion à l’existence du même type lexical dans les autres domaines linguistiques de la Suisse, qu’il s’agisse de l’allemand de Suisse, du suisse alémanique, du dialecte tessinois, de l’italien régional de Suisse, ou du romanche. Il peut s’agir de mots romands empruntés par les Alémaniques, de mots alémaniques empruntés par les Romands, ou plus simplement de statalismes pan-helvétiques pour lesquels il existe toujours un équivalent dans les quatre langues nationales. Dans tous les cas, ces mots ont été réunis dans un index en fin d’ouvrage. Nous exprimons l’espoir que cet index soit utile à nos collègues lexicographes et lexicologues « confédérés », qui trouveront parfois dans le DSR la première attestation lexicographique d’un Helvetismus allemand ou d’un elvetismo italien, avec leur équivalent en Suisse romande.
3.2.2.6. Liste des étymons cités.
Les spécialistes d’étymologie romane seront satisfaits, nous l’espérons, de trouver une liste de tous les étymons cités dans les commentaires historico-comparatifs du DSR. Cette liste devrait faciliter le dépouillement de l’ouvrage. En outre, elle permet de faire ressortir des liens entre différents types lexicaux, liens que l’on ne perçoit pas toujours en synchronie (cf. par ex. acouet et aitieuds !, qui remontent tous les deux à *accŎlĬgere). Il faut toutefois signaler que cet index ne donne pas l’étymon réel de chaque forme, mais bien plutôt le mot-entrée de l’article du FEW où la forme se trouve (ou devrait se trouver).
3.2.2.7. Phénomènes morphologiques et syntaxiques.
Les citations, que l’on trouvera en très grand nombre dans les pages du DSR, recèlent parfois des particularités qui débordent du cadre strictement lexical. Il ne nous appartient pas de traiter ces phénomènes dans le DSR. Néanmoins, il nous a paru intéressant de les réunir en fin d’ouvrage ; d’abord, ces particularités se trouvent à la croisée du lexique et de la morpho-syntaxe et ne peuvent dès lors être considérées comme entièrement étrangères à nos préoccupations ; ensuite, les chercheurs qui se consacrent à l’étude de ces phénomènes trouveront là un corpus d’exemples pour alimenter leur réflexion.
3.2.2.8. Index onomasiologique.
Un index onomasiologique permet de consulter le DSR par champs conceptuels. L’intérêt de tels regroupements n’est plus à démontrer. L’index onomasiologique est l’une des stratégies mises au point par la lexicographie moderne pour résoudre le problème du caractère arbitraire de l’ordre alphabétique. Il permet d’embrasser d’un seul coup d’œil tous les mots-vedettes du DSR dans un champ sémantique donné, alors que les renvois onomasiologiques dans le corps des articles (v. ci-dessous 3.4.2.3.) permettent seulement de sauter d’un article à l’autre d’une manière nécessairement séquentielle. De plus, les renvois onomasiologiques de la micro-structure se limitent à signaler des rapports très étroits (renvois à bénichon, Saint-Martin et Vogue sous abbaye), et ne peuvent renvoyer le lecteur à la totalité des lexèmes traités dans un champ conceptuel donné (en l’occurrence, celui du folklore, des traditions populaires et des coutumes).
3.2.2.9. Liste alphabétique inverse des lemmes du dictionnaire.
L’étude de la formation des mots, en particulier l’étude de la composition et de la dérivation, fait un grand usage des dictionnaires inverse. Or, s’il existe des dictionnaires inverses pour le français général, il n’en existe encore aucun pour les particularités lexicales du français de Suisse romande. La nomenclature de cette première édition du DSR est volontairement réduite, mais nous avons pensé qu’il serait tout de même utile de classer tous les lemmes par ordre alphabétique inverse. Une telle liste permet, par exemple, d’obtenir en un coup d’œil la liste de tous les suffixés en ‑ée (< -ata) traités dans le corps du dictionnaire.
3.2.3. Carte de la Suisse romande.
Le DSR localise, le cas échéant, les types lexicaux dont l’extension géographique ne couvre pas toute la Suisse romande. Il est essentiel de fournir au lecteur une carte représentant tous les cantons de la Suisse romande, afin qu’il soit mieux à même de se faire une idée de la répartition d’un type lexical donné. En plus des frontières politiques nationales et cantonales, la carte illustre aussi la frontière entre le français et l’allemand, ainsi que celle qui sépare les dialectes d’oïl des dialectes francoprovençaux.
3.3. La structure des articles (ou micro-structure).
Autant dans la forme que dans le contenu, le DSR s’inscrit dans une longue tradition et est tributaire des avancées qui ont eu lieu dans ce domaine au cours des dernières décennies, autant dans le domaine des français régionaux que dans la lexicographie générale. Selon nous, le meilleur modèle d’organisation micro-structurelle auquel on soit parvenu dans le monde francophone est illustré par le Volume de présentation du Dictionnaire du français québécois, de l’équipe du TLFQ de l’Université Laval à Québec, dirigé par Claude Poirier2. La subdivision du corpus de citations en plusieurs catégories (littérature, presse, enquêtes orales, etc.), les rapports établis systématiquement entre français québécois et français de France3, l’attention portée à la syntagmatique et à la synonymie, et surtout la grande richesse des commentaires historico-comparatifs, en font un véritable modèle de rédaction digne d’admiration et d’émulation. Nous nous sommes donc largement inspiré des procédés du TLFQ dans la conception de notre micro-structure, tout en modifiant, simplifiant ou supprimant çà et là certains éléments qui n’étaient pas entièrement adaptés à nos besoins. Notre micro-structure est donc un peu plus simple et plus schématique, mais nous pensons que cela convient sans doute mieux à la description d’un corpus beaucoup plus limité sur les axes diachronique (grosso modo, les trente dernières années) et diastratique (la plupart des mots traités appartiennent au registre neutre), et dont les éléments se distinguent souvent par leur mono-sémantisme.
2 La micro-structure des Monographies lexicographiques du TLFQ, ouvrage qui devrait paraître en 1998, présente une version épurée et simplifiée de la micro-structure du volume de présentation.
3 Comme l’affirmait Franz Josef Hausmann dans Vox Romanica 41 (1982), 181 : « En exagérant un peu, on pourrait dire que le Français de France qui veut se renseigner sur le mot dispendieux a presque davantage intérêt à ouvrir le TLFQ que le TLF ; du moins a-t-il intérêt à chercher dans le TLFQ certaines informations sur l’emploi hexagonal de ce mot qui manquent dans le Trésor français. »
3.3.1. Le mot-entrée (mot-vedette, lemme).
Pour faciliter le repérage de l’unité lexicale recherchée dans les pages du dictionnaire, le mot-entrée est donné en petites capitales grasses ; les signes diacritiques et les majuscules sont scrupuleusement respectés.
3.3.1.1. La forme graphique ; les variantes.
Si plusieurs variantes coexistent, la plus fréquente (dans l’usage contemporain) est donnée en premier lieu, suivie des variantes plus rares entre parenthèses, accompagnées de marques d’emploi : « parfois », « vieilli », « rare », « plus rarement », « exc. ». Si deux variantes ont une fréquence comparable, elles sont données l’une à la suite de l’autre, sans parenthèses, et séparées par une virgule. Les interjections sont accompagnées du point d’exclamation, qui fait en quelque sorte partie du lemme (ex. aitieuds !). Lorsque le pluriel d’une forme fait difficulté, il est indiqué entre parenthèses à la suite du singulier avec l’indication « pl. » ; ex. « bonne-main n. f. (pl. bonnes-mains) » ; « ayant droit n. m. (pl. ayants droit) ». D’autres indications sur la forme peuvent apparaître entre parenthèses ; cf. par ex. « bordier n. m. (génér. au pluriel) », « bûchille n. f. (génér. au pluriel) »4.
4 Lorsqu’un mot est toujours employé au pluriel, la forme de l’entrée doit toutefois elle aussi figurer au pluriel ; cf. amours.
3.3.1.2. La transcription phonétique.
La transcription phonétique, donnée en alphabet phonétique international (API), n’apparaît que lorsque la prononciation du mot en Suisse romande s’écarte de la prononciation reçue dans la lexicographie française de référence – ceci vaut pour les helvétismes sémantiques, par ex. district prononcé [distri] ou stand prononcé [stã] –; ou ne se laisse pas déduire automatiquement et univoquement de la forme – ceci vaut pour les helvétismes lexématiques, par exemple zwieback. Les phénomènes phonologiques et phonétiques systématiques répandus sur une bonne partie du territoire suisse romand ne suffisent pas à eux seuls à justifier la présence d’une transcription phonétique dans le dictionnaire. Nous pensons qu’il est beaucoup plus économique de citer ici une fois pour toutes ces caractéristiques, plutôt que de les noter à chaque fois dans le corps de l’ouvrage : il s’agit essentiellement de l’ouverture de certains [e] et [o] atones, du caractère postérieur du [ɑ] des suffixes ‑age et ‑able, de la réalisation longue ou diphtonguée des terminaisons ‑ée et ‑ie (qui, en particulier dans le canton de Vaud, tendent à se réaliser respectivement [ej] et [ij]).
3.3.1.3. La catégorie grammaticale.
La mention de la catégorie grammaticale suit immédiatement la forme-entrée. Elle apparaît sous forme d’abréviations courantes, qui se conforment à l’usage général en lexicographie française. La clé de ces abréviations se trouve en début d’ouvrage (v. ci-dessus 3.3.1.1.). Lorsque cela s’avère nécessaire, nous n’avons pas hésité à tirer parti des avancées de la linguistique moderne pour proposer une catégorisation plus adéquate de certaines unités linguistiques. C’est ainsi que la particule bon dans des contextes tels que il fait bon frais, c’est bon sec, la soupe est bonne chaude, n’est que très imparfaitement étiquetée par la mention « adverbe ». La linguistique de l’énonciation et la Partikelforschung nous fournissent les instruments conceptuels nécessaires à la catégorisation d’un tel élément, que nous préférons appeler modalisateur d’énoncé.
3.3.1.4. Les sous-entrées.
Certains articles se décomposent en plusieurs parties, éventuellement coiffée d’une sous-entrée transcrite en petites capitales. C’est particulièrement le cas de nombreux verbes qui s’emploient comme transitifs et intransitifs, mais aussi comme pronominaux, participes passés-adjectifs et même participes présents substantivés. Cf. alper I. (v. intr.) ; II. (v. tr.) ; III. (part. passé-adj.) alpé ; IV. (part. prés. substantivé) alpant.
3.3.1.5. Les entrées-renvois.
Certaines entrées ne constituent en fait que des renvois. On en trouve de plusieurs sortes. Lorsqu’il s’agit d’une locution qui pourrait être traitée à plusieurs endroits dans l’ordre alphabétique, des renvois guident le lecteur ; cf. par ex. « acheminement → numéro postal (d’acheminement) ». Mais la plupart du temps, il s’agit de renvois qui signalent que le mot est traité comme sous-lemme, dans un commentaire ou une remarque. Il s’agit le plus souvent de dérivés peu fréquents d’un mot de base beaucoup plus répandu ; ces mots-satellites n’auraient pas beaucoup d’importance en eux-mêmes, n’était le fait qu’ils témoignent de l’importance du mot de base dont ils dérivent. On pense par ex. à arborisation, qui se rattache à arborisé, ou à arvineux, dérivé de arvine ; de même bénichonneur et bénichonner, dérivés de bénichon. Les syntagmes traités à l’intérieur des articles sont aussi repris par des renvois ; ainsi liberté académique → académique ; cuisine agencée → agencé ; gardien de bisse → bisse ; levée du ban → ban. Les formes rares données entre parenthèses après la forme-entrée sont aussi reprises dans un renvoi si l’ordre alphabétique est affecté ; c’est ainsi qu’un renvoi adriaux guide le lecteur vers l’article atriau. Enfin, comme nous l’avons déjà mentionné (v. ci-dessus 3.2.3.5. et 3.3.2.2.), tous les gentilés apparaissant dans les citations du dictionnaire sont repris à leur emplacement alphabétique dans la nomenclature, où un renvoi invite à consulter la liste en fin d’ouvrage.
3.3.2. L’article lexicographique.
3.3.2.0. Numérotation et hiérarchisation.
Nous abordons ici le cœur de l’article lexicographique. Avant de passer à l’analyse de ses différentes composantes (la définition, la syntagmatique, les citations, etc.), il convient de dire quelques mots sur l’organisation des matériaux. Les différents emplois sont divisés en groupes et en sous-groupes qu’un système de symboles et de numérotation hiérarchise comme suit : de la numérotation la plus forte à la plus faible, on compte d’abord les chiffres romains, puis les chiffres arabes ; on passe ensuite aux losanges pleins (◆), puis vides (◇), et finalement au simple alinéa.
3.3.2.1. La définition.
Les définitions s’insèrent entre la numérotation et la syntagmatique. Quitte à courir le risque de la prolixité, nous avons tenu à fournir des définitions explicites et complètes. Nous avons surtout tenté d’éviter de “définir” un mot suisse romand en nous limitant à en fournir l’équivalent en français de référence. Il n’est pas superflu de mentionner cet équivalent, mais nous le faisons dans une remarque, et il ne devrait pas tenir lieu de définition. Par exemple, action au sens 2 est défini par “vente promotionnelle à prix réduit, le plus souvent dans un supermarché ou un grand magasin, de produits d’alimentation et de consommation courante”. L’équivalent français, promotion, est mentionné dans une remarque, mais ne tient pas lieu de définition. Une autre raison qui explique la longueur que peuvent atteindre certaines définitions trouve sa source dans notre volonté de donner au lecteur l’idée la plus juste et la plus précise du mot à définir. Par exemple, on aurait pu se contenter de définir abbaye au sens 2 par “fête de village” ; mais les usagers du dictionnaire qui n’ont jamais entendu parler de ces fêtes ne seraient guère plus avancés devant une définition aussi indigente. Nous avons donc opté pour une présentation plus développée : « fête de village, le plus souvent annuelle ou bisannuelle, organisée par une société de tireurs (v. ci-dessus sens 1).
★ L’événement central de l’abbaye est le concours de tir, lors duquel les meilleurs tireurs sont couronnés rois* et vice-rois. Les abbayes durent souvent jusqu’à trois jours, et peuvent comporter une journée spéciale pour les jeunes ; on y danse et l’on s’y restaure sous la cantine*. » Un symbole spécial (étoile à cinq branches) introduit la seconde partie de la définition, que l’on pourrait qualifier de “complémentaire”. Certains objecteront qu’une telle définition est plus encyclopédique que linguistique, ce à quoi nous rétorquerons, de concert avec J. Rey-Debove, qu’un dictionnaire de langue qui ne parlerait que des mots et non des choses, cela n’existe pas (Étude linguistique et sémiotique des dictionnaires français contemporains, Paris, Mouton, 1971, p. 32). Ce type de définition trouve de toute façon une justification purement linguistique, en ce qu’il permet de faire ressortir les sèmes qui opposent un terme donné aux autres termes du même champ sémantique, et de mettre l’accent sur des sèmes connotatifs qui expliquent certains emplois figurés. Par exemple, il est pertinent de souligner que le bricelet est très mince, très friable, et souvent consommé lors d’événements exceptionnels, en regard des citations suivantes :
• « Un passant […] découvrit […] le grand Wust recroquevillé sur la banquette, sec et friable comme un bricelet. » S. Chevallier, Ces Vaudois !, 1967, p. 90.
• « Tenez, l’autre jour, elle parlait du régent* : “Oh ! celui-là, qu’elle a fait, il est comme les bricelets, il est de toutes les fêtes !” » IttCons 1970, p. 29.
• « La neige est brillante ; en surface, plus fragile, plus tendue qu’un bricelet. » M. Chappaz, La haute route, 1974, p. 127.
• « Et bon type, mais pas très éveillé. Ses idées, il doit les passer au fer à bricelets pour leur donner un maximum de minceur. » IttÇà, 1975, p. 280.
3.3.2.2. La syntagmatique.
Les utilisateurs de dictionnaires bilingues savent à quel point la syntagmatique et la phraséologie sont des éléments essentiels de la description d’une unité lexicale donnée. Les compléments d’un nom et les adjectifs qui s’y appliquent le plus souvent, la valence verbale, les tours plus ou moins figés : autant d’éléments qui renseignent le lecteur sur le fonctionnement réel du mot dans le discours, sur l’axe syntagmatique. Comme c’est l’usage dans de nombreux dictionnaires de langue (par ex. le Petit Robert), nous citons parfois des phrases entières dans la syntagmatique. Toutefois, nous avons surtout recours à ce procédé pour illustrer des emplois que nous savons être très fréquents dans la langue parlée mais qu’il nous a été difficile d’attester dans nos sources écrites. La syntagmatique est donnée en italique, à la suite de la définition et avant les renvois.
3.3.2.3. Les renvois (⇒).
L’ordre alphabétique est commode pour la consultation, mais il ne permet pas de mettre en évidence le système de relations qui structurent le lexique d’une langue. Pour remédier à cet inconvénient, la lexicographie moderne a développé le système des renvois, qui permettent de consulter les pages d’un dictionnaire d’une manière plus instructive, en allant du connu vers l’inconnu par le biais de l’analogie. Dans le DSR, il existe deux genres de renvois : les renvois sémasiologiques, qui portent à l’attention du lecteur l’existence de mots apparentés morphologiquement (v. par ex. s.v. abbaye 2 un renvoi à abbé-président), et les renvois onomasiologiques, qui guident l’usager vers des mots appartenant au même champ conceptuel (v. par ex. s.v. abbaye 2 un renvoi à bénichon, Saint-Martin et vogue). Ces renvois, en minuscules grasses, sont précédés d’une flèche double (comme par exemple dans le Grand Robert 1985 et le Nouveau Petit Robert 1993) ; ils font suite à la syntagmatique.
3.3.2.4. Les citations. Principes d’édition. Critères de sélection.
Les citations, reproduites entre guillemets français, en plus petits caractères et en retrait, sont classées par ordre chronologique. Les interventions du rédacteur (ajouts, coupures, gloses) y sont toujours données entre crochets carrés ; les alinéas figurant dans l’original sont représentés par une barre oblique. Les titres et les légendes sont identifiés comme tels, également entre crochets carrés.
Contrairement au Grand Robert, mais à l’exemple du TLF et du DFQ, nous datons chaque citation le plus précisément possible, épargnant ainsi à l’utilisateur de laborieux allers et retours entre les articles et la liste des ouvrages dépouillés. Le mot objet de l’article est donné en italique dans la citation ; si le mot se trouve déjà en italique dans l’original, on mentionne ce fait entre crochets carrés à la suite de la forme. Les mots faisant partie de la nomenclature et se trouvant dans les citations sont suivis d’un astérisque invitant le lecteur à consulter l’article correspondant. Il peut également arriver qu’une citation contienne un mot suisse romand qui ne fait pas partie de la nomenclature. Dans un tel cas, le mot est glosé entre crochets carrés ([= ] ; v. ci-dessus 3.3.2.1.) Ce procédé s’applique également à des mots rares mais appartenant au français général, à des noms propres plus ou moins bien connus, à des sigles, etc. De cette façon, la consultation du dictionnaire peut s’effectuer d’une manière autonome et offre au lecteur un texte intégralement auto-décodable.
Le choix des citations a été fait en fonction d’un certain nombre d’objectifs. Idéalement, le bloc des citations devrait : 1° illustrer la syntagmatique et les différents sens et emplois ; 2° refléter l’extension du mot dans le temps et l’espace (dans les limites que nous nous sommes données) ; 3° récupérer les énoncés métalinguistiques du fichier lexical ; 4° mettre en relief des connotations que la simple définition, par essence purement dénotative, ne peut exprimer. Comme exemple de citation à la fois métalinguistique et connotative, cf. s.v. action 2 (emploi stigmatisé comme germanisme) : « Légitime satisfaction pour les francophones : ici on parle de “promotions” et non plus d’“actions”. » (La Suisse, 1er septembre 1993 ; il s’agit d’un article sur l’implantation d’une grande chaîne de supermarchés suisse en France voisine). Sous abbaye 2, la première citation fait ressortir un sème que nous n’avons pas osé introduire dans la définition ; les abbayes s’avèrent, pour certains, de véritables occasions de beuverie : « Elle l’entend butter contre les marches d’escaliers quand il va se coucher, et tous les dimanches il court les abbayes. » (S. Chevallier, Le silence de la terre, 1961, p. 29).
3.3.3. La localisation.
Cette rubrique ne concerne que la localisation du mot telle qu’on peut l’établir pour la Suisse romande à l’époque contemporaine (la localisation pour une période antérieure à celle que nous couvrons peut être déduite de la liste d’ouvrages cités en bibliographie ; quant aux références au reste de la francophonie, elles se font dans le commentaire historico-comparatif). L’absence de cette rubrique signifie que, d’après les données disponibles, le mot est usité à peu près également dans toute la Suisse romande. Rappelons que l’identification des sources de chaque citation permet aussi de localiser les matériaux (journaux locaux, auteurs régionalistes, enquêtes) avec toute la précision désirée. L’ordre de citation des cantons est celui du GPSR (VD, VS, GE, FR, NE, BE, JU).
3.3.4. Les remarques.
Sous cette rubrique sont fournies des informations sur la vitalité et l’extension d’emploi (mot-souvenir, familier, restreint à l’usage oral ; emploi non senti comme régional ; emploi critiqué, etc.), ainsi que sur les rapports entretenus avec les mots du même champ sémantique dans l’usage suisse romand, et les équivalents du français de référence. Nous avons toujours tenté, par exemple, de préciser si l’équivalent du mot suisse en français de France est aussi connu et usité par les Romands (prestation de serment pour assermentation est attesté ; mais auditorium et amphithéâtre – pour auditoire –; sont mal connus ou sentis comme des particularités du français de France ; de même chauffe-eau pour boiler), ou s’ils connaissent le sens que le mot possède en France (abbaye au sens de “monastère dirigé par un abbé, une abbesse” est bien sûr aussi connu en Suisse ; briquer dans le sens de “nettoyer en frottant vigoureusement” l’est également, etc.). Ces remarques ont pour but de compenser le caractère différentiel du dictionnaire, en faisant le pont avec les unités lexicales qui appartiennent à la langue générale.
La rubrique « Remarques » permet encore de citer des mots rares mais appartenant à la même famille (v. ci-dessus 3.4.1.5., Les entrées-renvois). Ces mots, souvent des dérivés ou des composés attestés une seule fois dans le fichier, n’ont pas droit à une entrée, mais il est important de signaler leur existence pour offrir au lecteur un portrait complet de l’unité lexicale de base.
Enfin, c’est aussi sous la rubrique « Remarques » que nous avons placé, le cas échéant, des commentaires de lexicographie critique visant à corriger la présentation des matériaux suisses dans les grands dictionnaires de langue française. Par exemple, le sens de “porter un toast” pour la forme bringuer, donné comme « région. (Suisse romande, etc.) » dans le TLF, est donné avec raison comme « ancien » dans le dictionnaire de W. Pierrehumbert et dans le GPSR, ce qu’il aurait fallu spécifier. Cette démarche critique a fait l’objet d’une attention soutenue dans le DSR.
3.3.5. Le commentaire historico-comparatif.
Le commentaire historico-comparatif explique brièvement l’origine du mot (archaïsme, dialectalisme, germanisme, innovation, etc.) et en donne la première attestation connue. Lorsque le commentaire ne cite explicitement aucune première attestation, c’est la première citation qui en tient lieu. Dans la mesure du possible, nous avons essayé de rendre compte de l’extension géographique du mot dans le reste de la francophonie, aussi bien en France et dans la Vallée d’Aoste qu’en Belgique, au Canada ou même en Afrique. Cette mise en perspective permet de donner une image plus juste de l’intégration des particularités romandes dans le grand ensemble francophone. Certains types couvrent des espaces considérables ; on pense par exemple à balan, déverbal de balancer, attesté dans les français régionaux de l’est de la France ainsi qu’au Canada. L’ensemble de ces attestations permet de brosser un portrait beaucoup plus précis que ce que l’on peut trouver dans le TLF (« les dial. [sic] de la Suisse romande et les pat. fr. voisins ») ou le Grand Robert (« Régional (Suisse) »).
Le cas échéant, le commentaire historico-comparatif signale également les emprunts faits par les autres groupes linguistiques de la Suisse au français de Suisse romande. L’interjection adieu, par exemple, n’est pas seulement attestée dans presque toute la moitié méridionale de la France ; elle est en outre passée en Suisse alémanique. Certains types lexicaux très anciens enjambent les frontières linguistiques et s’étendent jusqu’au Tyrol ; c’est le cas de brante, qui désigne une hotte que l’on portait à dos d’homme : « Type d’origine préromane, répandu dans toute la Suisse romande, en Savoie et dans le Bas-Rhône, dans le Val d’Aoste, dans les dialectes italoromans septentrionaux, ainsi que dans les dialectes de Suisse alémanique (avec des extensions en Alsace, dans le sud de l’Allemagne, au Tyrol et même en Slovénie). » Dans le cas des statalismes pan-helvétiques, les équivalents allemands, italiens et romanches sont toujours mentionnés ; par exemple, le français appointé n. m. “soldat de première classe” correspond en Suisse à l’allemand Gefreiter, à l’italien appuntato et au romanche apuntà5.
5 Notre source pour le romanche “standardisé” est la suivante : Pledari grond / tudestg – rumantsch / deutsch – romanisch, Stampa da la banca da datas linguisticas, elavurada dal Post da rumantsch grischun da la Lia rumantscha sut la direcziun da Georges Darms ed Anna-Alice Dazzi Gross, installada electronicamain dad Arnold Loepfe, Cuira, Ediziun Lia rumantscha, 1993. Cet ouvrage relève davantage de la terminologie et de la planification linguistique que de la lexicologie à proprement parler, mais nous considérons qu’il s’agit d’une source légitime pour les statalismes.
3.3.6. La rubrique bibliographique.
Le commentaire historico-comparatif est toujours suivi d’une bibliographie où l’on trouvera la liste, par ordre chronologique, de toutes les sources métalinguistiques qui présentent un intérêt pour le traitement du mot-entrée. Les abréviations représentant chaque source (v. ci-dessus 3.2.1.3., Abréviations des ouvrages métalinguistiques) comprennent en général la date de parution de l’ouvrage, ce qui donne en un coup d’œil une bonne idée de la représentation du mot dans la lexicographie (régionale, générale, spécialisée). Lorsqu’il est évident qu’un ouvrage donné est la source d’une autre publication, nous avons représenté cette filiation à l’aide de parenthèses et du symbole “>” ; c’est ainsi que l’on trouvera souvent dans la rubrique bibliographique la séquence « IttCons 1970 (> DFV 1972, CuenVaud 1991) », ce qui signifie que DFV 1972 et CuenVaud 1991 ont repris le mot à IttCons 1970. Lorsqu’une source de français régional fournit des renseignements sur la vitalité du mot, nous les avons cités entre guillemets français : cf. par ex. « connu dans tout le Haut-Jura » RobezMorez 1995 (s.v. boiton) ou « suranné, connu au-dessous de 20 ans » BlancRouatVill 1993 (s.v. nonante). Les remarques de ce genre sont très précieuses et permettent de se faire une meilleure idée de la fortune du mot dans les différentes régions où il a été relevé. Si la forme du mot-entrée dans la source citée est la même que celle du DSR, elle n’est pas reprise dans la rubrique bibliographique ; dans le cas contraire, elle est donnée en italique, entre guillemets français (cf. par ex. « tavaillon » GagnySavoie 1993 s.v. tavillon).
3.3.7. La signature.
Les articles non signés ont été rédigés par André Thibault ; les autres sont signés par leurs auteurs respectifs. Les initiales de l’auteur de l’article (Nathalie Bacon, Gisèle Boeri, Simone Quenet, Pierre Knecht) apparaissent à la suite de la rubrique bibliographique, entre crochets carrés (respectivement [N. B.], [G. B.], [S. Q.], [P. K.]).
4. Le problème de la métalangue.
Un dictionnaire différentiel doit toujours se poser le problème de la métalangue définitionnelle. Il convient, en effet, d’éviter les définitions ambiguës ou qui risquent de poser des problèmes de décodage. Cela ne veut pas dire, toutefois, que les régionalismes doivent être entièrement écartés du texte définitionnel. Dans la mesure où un régionalisme n’est pas ambigu et qu’il est défini dans le dictionnaire même, nous n’avons pas vu d’inconvénients à l’employer dans certaines définitions, en particulier pour les dérivés. Par exemple, bénichonner se laisse définir sans problème par “fêter la bénichon”, puisque bénichon fait l’objet d’un article dans le dictionnaire, et que cette forme n’existe pas avec un autre sens en français de référence.
Nous avons déjà signalé (v. ci-dessus 3.3.2.1., La définition) que les équivalents du français de référence ne devaient pas tenir lieu de définition. C’est ainsi que dîner doit être défini par une périphrase transparente telle que “repas de midi”, et non par le mot correspondant du français de France (“déjeuner”). L’emploi d’équivalents français (de France) en lieu et place de périphrases définitionnelles aurait risqué d’être mal reçu par le public suisse romand, qui aurait pu retirer l’impression que le texte dictionnairique ne s’adresse pas vraiment à lui mais plutôt aux Français. Quant à ces derniers (et il en va de même pour les Belges et les Canadiens), le recours à des périphrases définitionnelles ne devrait leur poser évidemment aucun problème, et ils trouveront de toute façon dans la rubrique « Remarques » l’équivalent en français de France, et, le cas échéant, de Wallonie, du Québec, etc.
5. Le problème de la norme.
Le DSR n’est évidemment pas un dictionnaire normatif et prescriptif, mais bien, strictement, descriptif. Nous ne sommes toutefois pas sans savoir que le public juge souvent les dictionnaires en fonction d’une certaine idée qu’il se fait de la norme. De plus, les utilisateurs exigent fréquemment des dictionnaires une solution aux problèmes d’orthographe ou de phraséologie qu’ils rencontrent. Le DSR ne pouvait donc rester indifférent à ces considérations. Nous allons examiner ici deux aspects de la question : la norme orthographique, et les mots considérés comme « impropres » par les puristes (« barbarismes » et « germanismes »).
5.1. La norme (ortho)graphique.
Le fait même que nous ayons à lemmatiser les unités lexicales de la nomenclature nous oblige à prendre position sur la graphie. Que nous le voulions ou non, d’éventuels utilisateurs pourraient être tentés de s’en remettre au DSR au moment d’orthographier un mot dont la forme écrite semble poser problème. Nous avons donc, à notre corps défendant, une certaine responsabilité de nature normative. Voici donc, dans l’ordre, les critères que nous avons observés pour arrêter une certaine forme graphique comme mot-entrée : 1° l’usage contemporain ; 2° la tradition lexicographique ; 3° l’étymologie.
5.1.1. L’usage contemporain.
C’est d’abord et avant tout l’usage contemporain qui a été déterminant dans la lemmatisation d’un type lexical. Par exemple, la graphie bricelet était beaucoup moins fréquente que brisselet au xixe siècle ; mais comme cette dernière est tout à fait inusitée au xxe siècle, ainsi que le montre le bloc des citations, nous ne l’avons pas retenue, pas même comme variante, pour le mot-vedette. Nous la mentionnons toutefois dans une remarque. Quand l’usage contemporain hésite, nous donnons les deux (ou trois) variantes, avec parfois des marques d’usage telles que « souvent », « parfois » ou « rarement » (v. ci-dessus 3.3.1.1. La forme graphique ; les variantes) ; mais dans certains cas il est impossible de les départager (cf. arol(l)e).
5.1.2. La tradition lexicographique.
Certains mots peuvent s’avérer très rares dans la langue écrite ; le critère de l’usage ne peut donc guère nous aider à retenir une forme graphique comme lemme. Nous nous appuyons alors sur la tradition lexicographique. Si le mot est présent dans les cacologies du xixe siècle, ainsi que dans le dictionnaire de W. Pierrehumbert et le GPSR, il est en général assez facile d’arrêter son choix sur la variante la plus répandue (qui est parfois la seule ; cf. par exemple aitieuds !, peu attesté dans nos sources écrites contemporaines, mais que le Glossaire des patois de l’Ajoie de Simon Vatré ainsi que le GPSR orthographient tous les deux de la même façon).
5.1.3. L’étymologie.
Dans certains cas où l’usage hésite, nous avons cru bon d’intervenir en nous basant sur des critères relevant de l’étymologie. C’est ainsi que la graphie balan nous semble préférable à la graphie ballant, puisqu’il s’agit d’un déverbal du verbe balancer (cf. élancer-élan) et non d’une substantivation du participe présent du verbe baller (v. TLF s.v. ballant). Mais comme la graphie ballant est très courante, nous l’avons tout de même donnée entre parenthèses, à la suite de l’entrée principale.
5.2. Les “barbarismes” et les “germanismes”.
Les utilisateurs du DSR trouveront dans ses pages des mots que les tenants du discours puriste aimeraient voir disparaître de l’usage oral et écrit en Suisse romande. Il s’agit en général de mots stigmatisés comme “barbarismes” et “germanismes”. Nos critères d’inclusion pour ces mots dans la nomenclature sont les mêmes que pour les autres éléments du vocabulaire : s’ils sont fréquents dans l’usage contemporain et constituent une véritable particularité lexicale du français en Suisse romande, nous jugeons nécessaire et tout à fait pertinent de les traiter dans les pages du DSR. Cependant, lorsqu’un mot a fait l’objet de critiques, nous le spécifions toujours par la marque « emploi critiqué », qui apparaît sous la rubrique « Remarque ». Les germanismes sont identifiés comme tels dans le commentaire historico-comparatif et les faux germanismes sont démasqués. Il appartient dès lors aux utilisateurs de décider eux-mêmes de l’emploi qu’ils veulent faire des unités lexicales traitées dans le DSR. Le grand nombre de citations réunies, ainsi que les informations de nature historico-comparative qui sont fournies aux lecteurs, devraient permettre à ces derniers de faire un choix éclairé et nuancé, adapté aux différentes situations de communication.
André Thibault